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Le Monde, 80 ans dont quelques-unes d’anti-journalisme : joyeux anniversaire !

28 mars 2024

Temps de lecture : 6 minutes
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Le Monde, 80 ans dont quelques-unes d’anti-journalisme : joyeux anniversaire !

Temps de lecture : 6 minutes

Alors que Le Monde fête cette année ses 80 ans, il est intéressant de se pencher sur ce titre, qu’il s’agisse de sa vocation ou de ses actions. Promotion de la pédophilie dans les années 70, mitterrandôlatrie dans les années 80, pilotage d’élections dans les années 90, surveillance médiatique dans les années 2020, Le Monde a tout vu, tout fait, et peu regretté.

Quand Le Monde défendait la pédophilie

On se rap­pelle bien com­ment Libéra­tion défendait les pédocrim­inels dans les années 70, notam­ment par sa Une présen­tant un enfant dans une posi­tion sug­ges­tive. Le Monde a égale­ment pris part à ce com­bat peu glo­rieux, et il en a même été le précurseur avec, en jan­vi­er 1977, la pub­li­ca­tion d’un com­mu­niqué de plusieurs intel­lectuels, par­mi lesquels Aragon, Jack Lang, Bernard Kouch­n­er ou André Glucks­mann, qui voulaient défendre trois pédocrim­inels qui étaient devant les assis­es. « Trois ans de prison pour des caress­es et des bais­ers, cela suf­fit », « Si une fille de 13 ans a droit à la pilule, c’est pour quoi faire ? », on saisit bien l’idée, et les rêves, des intel­lectuels. Une let­tre ouverte égale­ment pub­liée par Le Monde deman­dera égale­ment l’abrogation ou la redéf­i­ni­tion du détourne­ment de mineur pour recon­naître le « droit de l’enfant et de l’adolescent à entretenir des rela­tions avec les per­son­nes de son choix ». Jean-Paul Aron, Roland Barthes, Simone de Beau­voir, Gilles Deleuze, Jacques Der­ri­da, Françoise Dolto, Michel Fou­cault, Gabriel Matzn­eff, Alain Robbe-Gril­let ou encore Jean-Paul Sartre fer­ont par­tie des signataires.

Le Monde, neutre ? Pas ses dirigeants

Le Monde aime se penser comme le jour­nal « au cen­tre », qui tient le juste milieu entre Le Figaro et Libéra­tion. D’une cer­taine façon, le média neu­tre et objec­tif par excel­lence, quand les autres restent entachés de ce vilain défaut qu’est l’opinion. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela se dis­cute. En 1994, le quo­ti­di­en est con­trôlé par Jean-Marie Colom­bani, Edwy Plenel et Alain Minc. Le pre­mier engagera ensuite la créa­tion du groupe Le Monde, et essaiera de racheter L’Express. Plus inquié­tant : en 2005, avec Alain Minc, il crée le « jounal­isme de val­i­da­tion », qui doit rem­plac­er le « jour­nal­isme d’investigation ». Cette expres­sion mon­tre une dérive que l’on retrou­ve aujourd’hui chez ceux qui « croient à la sci­ence ». Le jour­nal­isme d’investigation n’est légitime que parce qu’il se remet en ques­tion et cherche, sans relâche, la vérité. Un jour­nal­isme de val­i­da­tion se con­tente de véri­fi­er cer­taines thès­es. Par­tant, lesquelles véri­fie-t-on en pri­or­ité ? Celles qui dérangent ? Qui ne doit-on alors pas déranger ?

Dans La Face cachée du Monde, Jean-Marie Colom­bani est égale­ment accusé de mêler la presse et le pou­voir, dans un mélange des gen­res dont les Français se méfient de plus en plus. Il admet­tra ensuite des « erreurs » et rejet­tera la faute sur Edwy Plenel et ses « enracin­e­ments trot­skistes pro­fonds » qui auraient mod­i­fié l’esprit du Monde. Un titre mod­i­fié par des enracin­e­ments trot­skistes peut-il encore se revendi­quer d’une quel­conque neu­tral­ité ? La ques­tion reste ouverte. Edwy Plenel, au reste, ne se présente plus. Présen­tons-le tout de même, ne serait-ce que pour son par­cours jour­nal­is­tique : dans les années 70, il écrit pour Rouge, heb­do­madaire de la Ligue com­mu­niste révo­lu­tion­naire. C’est ensuite qu’il s’éloignera de l’extrême-gauche pour entr­er au Monde en 1980. Un éloigne­ment qui, à en croire Jean-Marie Colom­bani, n’était qu’une façade. Ce dernier a pour­tant beau jeu de ren­voy­er la faute à Edwy Plenel, qui l’aurait placé à la tête du Monde. Par un échange de bons procédés, Edwy Plenel sera ensuite nom­mé directeur de la rédac­tion. Peut-on con­sid­ér­er que Jean-Marie Colom­bani a décou­vert par la suite les opin­ions de son com­père, et a amère­ment regret­té la place qu’il lui avait don­née ? Il est per­mis d’en douter.

Voir aus­si : Edwy Plenel, portrait

Quand Le Monde fait la politique française

Le Monde est donc racheté en 1994, et pour La Face cachée du Monde, c’est là que tout com­mence. Le jour­nal aurait soutenu Edouard Bal­ladur, ancien Pre­mier min­istre de François Mit­ter­rand, lors de la cam­pagne de 1995, qui débouche sur l’élection de Jacques Chirac. On se rap­pelle qu’après deux man­dats, François Mit­ter­rand ne pou­vait se représen­ter. Il a donc ten­té de pass­er le relais à Bal­ladur qui, lui, a per­du le duel avec Jacques Chirac, déjà joué lors du sec­ond tour Mit­ter­rand-Chirac de 1988. Pen­dant cette élec­tion cru­ciale, Le Monde aurait donc roulé pour le par­ti social­iste. Il n’en était d’ailleurs pas à son coup d’essai. Un « abon­né au Monde depuis 40 ans », pour qui le jour­nal est « la meilleure source d’information de France » se rap­pelle « l’euphorie du jour­nal suite à la vic­toire de Mit­ter­rand en 81 ». C’est le début d’une phase de « mit­ter­randôla­trie » que Le Monde regret­tera par la suite. Le 11 mai 1981, il titre en effet sur « la très nette vic­toire de François Mit­ter­rand », qui avait rem­porté le sec­ond tour avec 51,76% des suf­frages. Ce même lecteur regrette ensuite la baisse de niveau des arti­cles, qui n’ont plus d’analyses que le nom dont ils se revendiquent, et ajoute que Le Monde ne cesse jamais d’appliquer un ver­nis de mora­line sur ces sujets. Une chute qui doit peut-être beau­coup au trio arrivé aux manettes en 1995.

Le Monde, une vision biaisée de l’actualité

Aucun jour­nal n’est neu­tre, on le sait. Mais Le Monde, qui se tar­gue de l’être, est lui aus­si loin de s’approcher de cette neu­tral­ité rêvée. Dans un édi­to­r­i­al du 19 avril 2022, il appelait à une guerre totale con­tre la Russie, parce que « l’agression russe de l’Ukraine » serait « une attaque con­tre l’ordre mon­di­al qui régit les rela­tions entre États ». Une analyse de fine géopoli­tique, comme s’il pou­vait y avoir un ordre mon­di­al ailleurs que dans les romans dystopiques ou dans les écrits des néo­con­ser­va­teurs améri­cains. Pour com­bat­tre la Russie, il fal­lait donc aug­menter les sanc­tions, notam­ment finan­cières, cess­er d’acheter le gaz et le pét­role russ­es, et surtout ne pas cess­er d’armer l’Ukraine. Certes, il s’agissait d’un édi­to­r­i­al, et ces derniers com­por­tent tou­jours une part d’opinion. Était-il pour autant néces­saire qu’elle soit si polarisée ?

Le Monde choisit les sujets… des autres

Le Monde ne se con­tente pas de soutenir des posi­tions pour le moins dis­cuta­bles, il veille aus­si à choisir ses sujets. Ain­si l’a‑t-on con­staté en 2020, lorsque la revue Le Débat a dis­paru du paysage médi­a­tique. Cette revue per­me­t­tait de lire de grands noms, la plu­part du temps classés à gauche, sur des sujets divers. Pour Le Monde, la revue a dis­paru parce qu’elle est passée à côté des « vrais sujets ». Autrement dit, pour le jour­nal, il existe des sujets qui méri­tent qu’on s’y intéresse, et d’autres qui doivent tomber dans l’oubli. Pareille con­cep­tion n’est pas for­cé­ment grave quand on ne l’applique qu’aux sujets de son pro­pre jour­nal. En revanche, quand on se mêle des choix des autres titres, il ne s’agit plus de libre choix selon une ligne édi­to­ri­ale mais de cen­sure médi­a­tique. Si j’estime que ce sujet n’a pas d’intérêt, vous ne devez pas le traiter. Selon Le Monde, la revue Le Débat com­met­tait en plus la faute impar­donnable de flirter depuis quelques temps avec ceux que le jour­nal qual­i­fie d’extrême-droite, notam­ment parce qu’elle invi­tait des per­son­nal­ités comme Matthieu Bock-Côté ou Alexan­dre Devec­chio. Elle devait donc disparaître.

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