Patrick Drahi doit éponger 24 milliards de dette avec son empire Altice. Il a déjà lâché du lest en abandonnant la chaîne d’information en continu BFMTV et RMC, il semble tourner le dos à son ambition médiatique, au moins le temps de refaire de la trésorerie.
Une transaction à bas bruit comparée à Bolloré
Au mois de mars 2024, Patrick Drahi annonçait la vente de son pôle média au milliardaire franco-libanais Rodolphe Saadé pour 1,55 milliard d’euros.
Une transaction qui impliquait la cession de BFMTV et RMC, deux acteurs majeurs de l’information en France. La vente de ces deux entités a fait beaucoup moins de bruit que les mélodrames qui ont entouré les ventes de médias au profit de Vincent Bolloré. Et pourtant, à l’heure de la crainte de l’ingérence étrangère dans les médias, Drahi comme Saadé offrent moins de garanties que le milliardaire breton. Rodolphe Saadé est franco-libanais quand Patrick Drahi dispose des citoyennetés française, marocaine, israélienne, portugaise et christophienne (Ile de Saint-Christophe).
24 milliards à trouver, les banques entre deux feux
Aujourd’hui, le groupe Altice pourrait se vendre 23 milliards d’euros hors activités aux USA.
Le groupe intègre des activités diverses dans la communication, les médias, le divertissement et la publicité. Installé en France (notamment en Outre-mer), en Israël, au Portugal et en République dominicaine, il ne s’agit pas d’un géant mondial de l’information et de la communication mais le groupe touche potentiellement plus de 100 millions de personnes hors les activités américaines, elles aussi endettées.
Avec une dette supérieure de 1 milliard à la valeur du groupe (estimée à 23 milliards d’euros), Altice n’est aujourd’hui pas vendable en l’état ou alors avec décote… Patrick Drahi entend donc réduire sa dette, en convainquant ses créanciers de revendre la leur, avec une forte décote. Il espère ainsi ramener sa dette de 24 milliards à 15/16 milliards d’euros et sortir gagnant d’une opération d’apparence mal engagée. Un braquage de banques bien connu : si vous devez cent mille euros à votre banque vous ne dormez plus, si vous devez un milliard c’est le banquier qui ne dort plus.
Des négociations dans l’ombre
Patrick Drahi a fait fortune en s’endettant. Son parcours depuis trois décennies consiste à un rachat presque convulsif d’entreprises et médias en s’endettant. Une méthode rendue possible par ses relations ainsi qu’une véritable compréhension du monde des affaires et de son époque. Il semble néanmoins être arrivé au bout d’un cycle et après les cessions de mars, d’autres devraient arriver dans les mois à venir pour combler la prochaine échéance du groupe Altice (1,3 milliard d’euros à trouver en 2024/2025), et le dégraissage va continuer. Pour l’opérateur majeur de téléphonie SFR, propriété d’Altice, il pourrait être cédé à un des deux autres historiques du secteur : Bouygues ou Orange, même si le risque monopolistique pourrait rendre l’opération assez difficile. À moins qu’un fonds ne prenne une participation minoritaire mais en posant ses conditions.
Bras de fer avec les créanciers
La bataille qui se joue aujourd’hui est loin des plateaux télévisés et demeure peu compréhensible pour le grand public. Il s’agit de négociations avec les créanciers du groupe, surtout avec les banques et leurs avocats. Comme toujours, Drahi marche sur des œufs et des créanciers fâchés pourraient être tentés de sortir des dossiers gênants ou de favoriser la sortie de contenus déstabilisants pour l’homme d’affaires. Celui-ci est déjà touché par un scandale de corruption au Portugal avec l’un de ses bras droit, Armando Pereira, qui se serait enrichi sur le dos d’Altice. Le milliardaire a vu le Parquet national financier se saisir du dossier en France.
Voir aussi : Patrick Drahi a des soucis avec le fisc suisse
L’adieu aux médias ?
Réputé dur en affaire et pas franchement sentimental, Drahi semble avoir dit adieu à son empire médiatique pour mieux rebondir ailleurs (aux Etats-Unis ?) ou pour revenir plus tard. À 60 ans, il lui reste de belles années devant lui.
Interrogé dans les colonnes du Figaro, un spécialiste de la banque estime que : « la différence fondamentale entre Patrick Drahi et Jean-Charles Naouri, c’est que le second voulait mourir avec sa boîte, c’était son enfant. Drahi, tout ce qui l’intéresse, c’est l’argent ». Une référence au patron du groupe Casino fraîchement parti de celui-ci fin mars.
Une méthode Drahi qui inquiète du côté des salariés de SFR, qui craignent de voir du jour au lendemain un changement de direction bouleverser le fonctionnement de l’entreprise.
Côté empire médiatique, Drahi semble avoir tourné le dos à cette période et le dernier média connu qu’il détient est la chaîne israélienne « i24News ». Véritable outil d’influence auprès du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, la chaîne semble pour le moment être à l’abri d’une vente…