Dans le cadre du dossier qu’il consacre aux États généraux de l’information (EGI), l’OJIM a décidé de rendre compte de la participation citoyenne à cet évènement en présentant une recension des grands enseignements tirés par le CESE des contributions postées sur la plateforme de débat en ligne, pour permettre à ses lecteurs de disposer d’un coup de projecteur sur les éléments d’enseignement généraux, ainsi que sur le contenu des contributions sur chaque question de la consultation[1] et sur les sujets de débat.
Nouveau focus sur les réponses
Faisant suite à un premier article présentant les caractéristiques de la méthodologie retenue pour la conduite du débat en ligne ainsi que pour l’exploitation des contributions citoyennes, tout en proposant un premier focus sur les grands enseignements statistiques tirés par les auteurs du rapport du CESE, ce deuxième article propose un nouveau focus portant sur les contenus des réponses apportées par les participants à la consultation aux 7 premières questions fermées.
Les problématiques abordées par ces premières questions fermées ont trait successivement à la confiance dans l’information produite par les médias, aux priorités à envisager pour améliorer l’information, aux solutions censées permettre d’améliorer l’indépendance des médias, à celles censées permettre d’améliorer la protection des journalistes et de leurs sources, aux critères à établir dans l’hypothèse d’une conditionnalité des aides à la presse, aux solutions censées permettre d’améliorer la protection des journalistes et de leurs sources, à celles censées permettre à celles censées favoriser une diversité d’avis et d’opinions ; ainsi qu’ aux solutions censées limiter l’infobésité et les contenus sensationnalistes.
Un troisième article poursuit ce focus en se concentrant sur les 6 dernières questions fermées qui ont trait successivement aux contenus préférés par les participants, aux solutions censées être les plus pertinentes pour amener les médias à traiter des sujets qui intéressent davantage les citoyens, à celles censées permettre de lutter contre les manipulations de l’information (y compris par des puissances étrangères), à celles censées être les plus pertinentes pour former dès le plus jeune âge les citoyens de demain pour une « information éclairée », et, enfin, aux solutions censées être les plus pertinentes pour lutter contre les « fake news » et la désinformation ; tous les solutions abordées ici étant elles préétablies par les organisateurs de cette consultation.
Verbatims
Le rapport établi par le CESE offre une parfaite lisibilité des résultats, et propose pour chaque question un mémo synthétisant les principaux résultats que nous reproduisons ici de manière abrupte, en mentionnant en bas de page les verbatims retenus par les rédacteurs dudit rapport.
L’évaluation de la confiance dans l’information produite par les médias révèle un faible niveau de confiance. En effet, un peu plus de la moitié des participants (52%) déclarent avoir peu ou pas du tout confiance dans les médias. A contrario, 43% expriment avoir assez confiance et seulement 5% ont une confiance totale.
Aucun verbatim ne semble avoir été formulé pour cette première question fermée.
La protection des journalistes et leurs sources (56%) est suivie de très près par l’urgence de mettre en place des mesures efficaces pour contrer manipulations d’informations (55%). Les sujets d’éducation aux médias (47%), la diversité des avis et opinions (45%) ainsi que la stabilité économique des médias (44%) arrivent en seconde position. La demande de contenus qualitatifs et fiables, adaptés aux attentes du public, obtient un soutien de 35%, soulignant une attente de qualité dans la diffusion de l’information.
Aucun verbatim ne semble avoir été formulé pour cette première question fermée.
Les participants ayant répondu à la question relative à l’indépendance des médias plébiscitent très largement les solutions liées au financement et au contrôle des médias par leur actionnariat. En effet, les deux solutions qui arrivent largement en tête avec 84% et 76% des répondants concernent l’indépendance des rédactions vis-à-vis des actionnaires et le fait d’empêcher la détention des médias par un actionnaire unique. Deux autres solutions liées au financement des médias recueillent également le soutien des participants : l’augmentation des moyens de l’audiovisuel public (41%) et la réduction de la dépendance aux recettes publicitaires via le développement d’autres types de recettes (39%).
Parmi les verbatims formulés par les participants à l’égard de cette question, le rapport relève ceux-ci :
- « Créer un service public de la presse assurant son financement indépendant »
- « Promouvoir de nouvelles formes juridiques et de gouvernance pour les médias de type société de média à but non lucratif, détention du capital par une association à but non lucratif (modèle Ouest-France), coopérative de salariés et de journalistes à 100% du capital, etc. »
- « Que les citoyens puissent devenir actionnaires ou faire partie de la gouvernance des médias »
- « Rétablir la taxe sur l’audiovisuel public »
- « Meilleure formation des journalistes sur “l’impartialité” et la “neutralité” de l’information, aujourd’hui on dirait que les journalistes cherchent à “convaincre” plutôt que “comprendre ” » • « Créer des Ordres professionnalisés des journalistes ».
L’idée d’engagement et d’éthique se retrouve largement dans les critères de conditionnalité des aides à la presse plébiscités par les participants. Ces deux idées se retrouvent dans le choix de la proposition visant le respect d’une charte de déontologie (80%) ou encore d’une charte d’engagement vis-à-vis des conditions de travail des journalistes (51%). La diversité des opinions représentées recueille également un appui massif de 53%, illustrant la nécessité perçue d’encourager une pluralité d’opinions dans le paysage médiatique. Les engagements écologiques (27%) et sociétaux (17%) ressortent également des réponses des participants.
Parmi les verbatims formulés par les participants à l’égard de cette question, le rapport relève ceux-ci :
- « Conditionner les aides à la presse au respect de pratiques journalistiques considérées comme vertueuses : meilleure prise en compte des attentes des citoyens-lecteurs, plus grande diversité de la couverture territoriale, suivi dans le temps d’un événement (droit de suite), pratiques de fact-checking, transparence sur le choix des experts et sur les partis pris du journaliste, etc. »
- « Charte d’indépendance, d’éthique, de fiabilité des informations »
- « Indépendance des rédactions vis-à-vis des actionnaires » / « Indépendance totale de la rédaction »
- « Emploi de journalistes (carte de presse) afin d’éviter la précarisation des journalistes ET la prolifération de médias type reworld »
- « Interdire la possession de la presse par des milliardaires et millionnaires »
- « Aide publique conditionnée à un engagement qualitatif d’enquêtes »
- « Respect d’une charte de déontologie incluant l’interdiction des fausses informations et les conditions de travail des collaborateur.ices. »
- « L’aide doit être inversement proportionnelle à l’audience pour aider les petits à grandir »
- « Conditionner l’aide publique à la non-diffusion de fausses informations susceptibles d’influencer le débat public »
La protection des journalistes et de leurs sources passe tout d’abord par l’indépendance des rédactions vis-à-vis des financeurs (66%), mais aussi par des mesures juridiques comme la protection légale des lanceurs d’alerte (63%), la lutte contre les procédures-bâillons (60%) ou encore la protection des sources (56%).
Parmi les verbatims formulés par les participants à l’égard de cette question, le rapport relève ceux-ci :
- « Exercer des sanctions judiciaires sévères contre les auteurs de menaces ou pressions sur les journalistes ou leurs sources »
- « Créer un ordre national des journalistes »
- « Renforcer les chartes et comités d’éthique des médias, les rendre contraignantes »
- « Faire appliquer les juridictions, les lanceurs d’alerte ne sont pas protégés »
- « Punir les lanceurs de fausses informations. »
- « Empêcher la garde à vue d’une journaliste pour connaître ses sources … »
Près de 80% des participants aimeraient voir davantage d’opinions contrastées sur une même information, gage d’une variété d’avis et de perspectives. La demande de transparence sur les choix et les impacts des algorithmes (45%) arrive en seconde position. L’idée d’interdire ou de réglementer les algorithmes engendrant des bulles de filtres (39%) paraît également pertinente aux yeux des participants. Arrivent ensuite la formation des journalistes aux biais cognitifs (34%), le soutien aux médias représentant des opinions minoritaires (30%) ou encore le développement d’un système de notation de la qualité de l’information par un tiers de confiance (26%).
Parmi les verbatims formulés par les participants à l’égard de cette question, le rapport relève ceux-ci :
- « Exercer des sanctions judiciaires sévères contre les auteurs de menaces ou pressions sur les journalistes ou leurs sources »
- « Créer un ordre national des journalistes »
- « Renforcer les chartes et comités d’éthique des médias, les rendre contraignantes »
- « Faire appliquer les juridictions, les lanceurs d’alerte ne sont pas protégés »
- « Punir les lanceurs de fausses informations. »
- « Empêcher la garde à vue d’une journaliste pour connaître ses sources … »
Un droit de suite obligatoire ?
L’obligation de publication d’un droit de suite en cas d’erreur apparaît très largement comme le principal rempart à l’infobésité et aux contenus sensationnalistes aux yeux des participants. Une seconde solution, majoritairement exprimée à 58%, vise la suppression de l’anonymat sur les réseaux sociaux. Favoriser les formats longs et qualitatifs mobilise près de la moitié des répondants. Enfin, un meilleur encadrement des paparazzis en faveur du droit au respect de la vie privée recueille le soutien de près d’un tiers des répondants.
Parmi les verbatims formulés par les participants à l’égard de cette question, le rapport relève ceux-ci :
- « Publier un indice de saturation de l’espace médiatique sur une information donnée afin de générer un réflexe d’auto-contrôle de la part des journalistes »
- « Responsabiliser les plateformes sur le contenu »
- « Pouvoir réellement bloquer à titre individuel certains spams et pushing » / « Encadrer les « push » de News sur les applis (fréquence, qualité, etc.) »
- « Arrêter d’inviter des “pseudos experts” pour tous les sujets évoqués. Stopper ces chaînes d’infos en continu où seulement 1/10ème des journalistes sont sur le terrain. »
- « En finir avec la course à l’audimat qui pousse à mettre en avant des sujets très subalternes »
- « Limiter le traitement d’une même information dans le temps »
- « Ne plus financer grâce aux annonceurs, ne pas baser les aides sur le nombre de lecture des articles ».
Un quatrième et un cinquième articles complètent cette recension, en se focalisant sur les questions ouvertes.
Patrice Cardot
Notes
[1] On rappelle que 13 questions fermées à choix multiples ont été proposées aux participants. 5 questions ouvertes ont également été proposées aux participants, leur laissant toute liberté pour y apporter leurs propres réponses. Pour permettre une analyse sémantique, les verbatims ont été regroupés par unité de sens et forment une liste de sujets à deux niveaux, qui détaille ainsi tout ce qui a été partagé sur la question par les participants.
Par verbatim il faut entendre ici réponse libre à une question, ou extrait d’un message sur un débat. Les participants sont encouragés à séparer leurs idées différentes sur plusieurs lignes, un participant peut donc avoir plusieurs « verbatims » pour une unique question.