Le mardi 30 avril 2024, Nassira El Moaddem, journaliste pour Arrêt sur Images, qualifiait la France de « pays de racistes dégénérés » sur X. La raison ? Un article de la Fédération française de football rappelant que le port de casques et de collants n’était autorisé que sur autorisation médicale délivrés par la FFF elle-même. Il existait des soupçons de faux certificats médicaux délivrés pour cacher un voile musulman, ou bien les jambes des hommes.
Première diffusion le 14 mai 2024
L’OJIM prend ses quartiers d’été : du dimanche 28 juillet au dimanche 25 août nous republions les articles les plus significatifs du premier semestre.
Les Français n’aiment pas qu’on les insulte
Quand on traite les militants RN ou Reconquête ! de racistes, tout le monde ou presque fait semblant d’être d’accord, ne serait-ce que pour ne pas avoir l’air de soutenir des partis qualifiés d’un peu sulfureux. En revanche, quand cette insulte porte sur tous les habitants d’un pays, le plébiscite est plus difficile à susciter. D’autant que, dans le cas présent, le rappel de la FFF ne semble pas absurde. Les Français n’ont pas l’habitude de considérer qu’un short est impudique, et les footballeurs savent combien des collants peuvent être mal-pratiques en-dehors des grands froids. Cela vous frotte les jambes, descend sur les chevilles ou sert trop les cuisses, bref, on n’en met que quand la température rend le sport impraticable. Un peu comme les couvre-chefs, et ce ne sont pas les sportives voilées, qui interrompent parfois un match parce que leur voile s’est déplacé, qui diront le contraire.
Les Français ont donc vivement réagi à la publication sur X de Nassira El Moaddem. Comme les réseaux sociaux rassemblent des milliers de personnes qui peuvent écrire à peu près tout ce qui leur passe par la tête, il n’y avait évidemment pas que des commentaires courtois et bien construits. Les médias parlent donc de « centaines de messages racistes et haineux », d’une « vague de commentaires nauséabonds » et de « campagne de cyberharcèlement » (Ouest-France). Ce titre précise d’ailleurs que CNews est en partie responsable de ce déferlement de haine, puisque Jean-Marc Morandini a invité Julien Odoul, député RN, à réagir sur ce tweet.
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Certains journalistes furieux de devoir répondre de leurs paroles
Les médias, mais aussi Nassira El Moaddem elle-même, qui déplorent une cabale dirigée par l’extrême-droite, semblent oublier un peu vite que la première pierre, c’est Nassira El Moaddem qui l’a lancée. Personne ne l’a obligée à publier cette insulte sur son compte, et il ne s’agit pas d’un message privé qui aurait été capturé par un quidam peu discret. Nassira El Moaddem a joué, elle a perdu, et elle le vit mal. Au lieu d’une levée de boucliers contre la FFF, elle récolte une bordée de contradictions et, disons-le, d’insultes. Quand on est Française d’adoption, on ne traite pas la France de pays de dégénérés ou alors pourquoi ne pas envisager la remigration vers son pays d’origine ? Peut être un choix cohérent et bienvenu.
Pendant des années des décennies, les journalistes du monde libéral libertaire ont été habitués à dire ce qu’ils voulaient, sans sanction ni opposition. Or, depuis peu, les journalistes conservateurs sont plus nombreux, et disposent même de médias où ils peuvent s’exprimer, et les réseaux sociaux font chaque jour voler en éclat la barrière qui sépare les journalistes qui parlent et les Français qui écoutent. Parce que certains se rendent compte qu’ils sont plus compétents que certains journalistes, et ne se privent pas de les contredire, faits et chiffres à l’appui. Parce que les Français sont las de payer via leurs impôts des médias qui ne les représentent pas, voire les haïssent.
Les journalistes choisissent les confrères à protéger
Que les journalistes se protègent entre eux, c’est une chose. On peut concevoir une certaine solidarité de profession. Qu’ils le fassent au prix d’un peu de mauvaise foi et de malhonnêteté, s’en est déjà une autre. Qu’ils choisissent les personnes à protéger en fonction de leur bord et de ce qu’elles disent, c’en est une dernière. On ne se souvient pas d’une campagne de soutien pour Geoffroy Lejeune lorsqu’il devait prendre la tête du JDD, on se souvient même de l’inverse.
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Radouan contre Nassira
Prenons plus récent : le 2 mai, soit trois jours après la publication de Nassira El Moaddem, Radouan Kourak, un autre journaliste d’origine marocaine, tenait des propos radicalement opposés. « Vous semblez cracher dans la soupe et renier ce pays qui nous a pourtant tout donné. Nous lui devons tout. La France est le pays le moins raciste du monde », affirmait-il, là encore sur X, avant de renouveler ces dires sur CNews le lendemain. Lui aussi est insulté sur les réseaux sociaux, notamment par l’expression bien connue d’arabe de service, et il reçoit même, selon son avocate, des menaces de mort. Pourtant, en-dehors des médias habituels comme Le JDD ou Valeurs actuelles, personne ne prend sa défense.
Les agressions verbales à l’encontre des journalistes subissent en somme le même traitement que les agressions physiques contre les citoyens : certains médias les trient… Nassira El Moaddem, femme dite racisée, devient donc leur égérie et leur cause à défendre. Elle est aussi le symbole de la déconnexion d’une partie du monde médiatique, qui ne cesse de cracher sur ceux qui le financent tout en encensant les délinquants.
Image : Nassira El Moaddem en mars 2017. Médiapart. Source : Wikimedia. Licence : CC BY 3.0