Le média marseillais Marcelle a annoncé lundi 22 avril qu’il lançait un support dédié au pourtour méditerranéen : 22‑M. Installé depuis plus de cinq ans dans la cité phocéenne, ce site d’information original et plutôt conformiste politiquement va tenter d’étendre sa sphère d’activité notamment grâce à l’intelligence artificielle.
Un média orienté solutions
Un média en onze langues lancé le 22 avril 2024 pour fêter le « jour de la terre » : avec la création de 22‑M, le média collaboratif marseillais Marcelle part à l’assaut de la Méditerranée. Il s’agira d’une « déclinaison de la vision éditoriale » de la maison mère qui s’est fait un nom dans la plus grande ville du sud de la France en proposant un contenu « 100 % dédié aux solutions » et qui n’entend pas se faire dicter sa ligne et ses publications par l’immédiateté qui domine dans les médias en ligne.
Convaincu que « notre avenir est en grande partie commun, parce que de nombreuses problématiques sont partagées et que les solutions des uns pourraient devenir celles des autres », le média s’étend donc à l’ensemble des 22 pays, d’où le nom « 22‑M », de la sphère méditerranéenne. Une zone où résident un demi-milliard d’habitants autour d’une mer qui serait menacée, selon le Giec, en « mer morte » d’ici 2050.
Info sans frontières ou presque
Le projet présenté est très audacieux : disposer de 22 journalistes correspondants, un dans chaque pays. Pour l’heure ils ne sont qu’une dizaine. Déjà une belle équipe à considérer que Marcelle ne dispose que de 2 000 abonnés revendiqués, pour une publication de 1650 articles publiés en cinq ans d’existence.
Comme pour Marcelle, le modèle privilégié est ici associatif avec l’association d’intérêt général « Marcelle et nous ». Pour lancer 22-M, le média a ouvert son capital à plus de 3000 actions nouvelles à 50 euros. Comme pour le « grand frère » Marcelle, 22‑M entend être un média « dédié aux solutions » avec des thématiques tournées vers « l’individu », la société et l’environnement mais aussi l’économie et le monde associatif. L’idée est ici de « se donner du temps » en s’en tenant au « slow journalisme » avec un article publié par jour.
Risques d’antagonismes
À rebours de l’instantané, le modèle peut s’avérer séduisant. Dans un autre registre, c’est un peu le pari mené par Slobodan Despot et son Antipresse. Ancré à gauche et évoluant dans un environnement du type « retraité de l’éducation nationale » et « travailleurs sociaux », Marcelle propose des articles assez divers et se veut résolument positif un peu à l’image du Média Positif mais avec des articles de fond et de la recherche journalistique.
Le pari est intéressant mais risqué. Les pays de la zone méditerranéennes sont pleins d’antagonismes et les intérêts de pays aussi divers que l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Lybie, l’Egypte, la Palestine, le Liban, la Syrie et la Turquie laissent entrevoir un casse-tête en matière de ligne éditoriale.
Pour respecter les jours ouvrables des différents pays, le site ne publiera que du lundi au jeudi.
L’Intelligence Artificielle au service de la presse associative
Le média assume le recours à l’intelligence artificielle (IA) pour traduire les articles de 22‑M. Cependant, cette traduction fera l’objet d’une relecture de la part des journalistes disposés dans les différents pays. Une méthode qui a le mérite de la transparence et qui correspond finalement à la marque de fabrique qui fut celle du Courrier International, l’IA en plus.
22‑M prévoit par ailleurs de laisser la place à des tribunes scientifiques et des reportages de terrain. Les tribunes seront diffusées en partenariat avec l’association Neede titulaire, avec Aix-Marseille Université (AMU), de la chaire de l’Unesco « Éducation à la transition environnementale en Méditerranée ». Les illustrations des tribunes seront-elles aussi générées via de l’IA. Les tribunes se veulent accessibles « pour des jeunes de « 10/12 ans ».
22‑M, idéaliste à durée de vie éphémère ou pompe à subventions ?
22‑M laissera son public disposer d’une partie de ses articles disponibles gratuitement en ligne. Pour le reste, il s’agira de s’abonner quel que soit votre pays de l’espace Méditerranée. Les articles gratuits le seront grâce à des parrainages et des actions de mécénat.
Le site s’en explique et assume de tels soutiens « issus du public comme du privé ». Cette transparence en matière de financement global laisse néanmoins planer le risque de voir le média se cantonner à des papiers assez lisses en contournant les scandales qui peuvent avoir cours dans la zone méditerranéenne. Le but du média est, certes, d’apporter des solutions, mais il convient parfois de révéler des scandales pour pouvoir trouver des solutions… La part venant des abonnés, des entreprises et de l’Etat n’est par ailleurs pas détaillée, ce qui laisse un léger doute sur la part de dépendance à des acteurs privés et publics.
Collaboratif, participatif et « engagé », 22‑M comme Marcelle coche toutes les cases du pénible vocable de l’entrepreneur médiatique contemporain. Il s’agira désormais de mettre en musique une partition qui peut apparaître séduisante à certains égards et qui témoigne d’une certaine volonté de réappropriation de l’outil médiatique d’une partie des consommateurs de presse. À moins que le miroir aux alouettes ne soit qu’un miroir aux subventions…