Ils consacrent une part de leur programme à la question des médias : le 9 juin 2024, l’élection des députés européens comportera également des enjeux médiatiques. Quel est le programme des différents candidats en la matière ?
À l’approche des élections européennes, un panorama des programmes des futurs députés européens en matière de médias s’impose. Par souci de clarté, il a été décidé de ne traiter que les candidats pressentis pour disposer de sièges.
Quelles propositions à gauche (ex NUPES) ?
Manon Aubry (La France insoumise)
Sans surprise, eu égard à la position de ses collègues à l’Assemblée nationale, la candidate LFI Manon Aubry entend farouchement lutter « contre la concentration des médias dans les mains de quelques ultra-riches » : c’est même une mesure clef de son programme, inscrite au chapitre 6 dénommé « Étendre les droits et libertés face aux réactionnaires ». Dans cette perspective, elle entend interdire « toute prise de contrôle de plus de 20 % du capital par une même personne physique ou morale dans les médias et industries culturelles ». La candidate espère aussi « créer un système de protection de l’espace informationnel démocratique face aux régimes autoritaires » et aspire à soutenir financièrement les médias en engageant « les États membres à consacrer 1 % de l’aide publique au développement au soutien en faveur de médias indépendants ».
En matière d’intelligence artificielle, Manon Aubry fait d’une mesure clef de son programme la conservation de prise de décision humaine en toute circonstance dans les entreprises et services publics utilisant l’IA. « Imposer des règles contre les biais discriminatoires des intelligences artificielles » fait partie de cette bataille.
Raphaël Glucksmann (Parti Socialiste)
Dans son volet, « Pour une Europe démocratique et intègre », Raphaël Glucksmann est également soucieux de lutter contre la concentration de la propriété des médias (points 304 et 305). Il entend approfondir le règlement sur la liberté des médias (Media Freedom Act) en « exigeant une transparence totale de l’actionnariat des entreprises médiatiques, via une divulgation obligatoire de celui-ci et la constitution d’une base de données unifiée dans l’UE. » Il aspire aussi à soutenir financièrement le « journalisme d’investigation », par le truchement d’une création de « fonds européen pour le journalisme d’investigation permettant de financer de véritables enquêtes européennes. » Ce fonds servirait aussi au soutien d’organisations de la société civile luttant contre la désinformation (point 10). Il entend aussi « coordonner la lutte européenne contre les manipulations de l’information, via notamment la création d’un centre d’excellence de l’Union européenne pour la lutte contre les manipulations de l’information et les ingérences étrangères (FIMI) » (point 9).
Raphaël Glucksmann entend aussi évoquer l’intelligence artificielle, en « engageant à l’échelle européenne une réflexion commune sur les intelligences artificielles dans le secteur culturel et artistique », en assurant « la protection des créateurs et ayants droit dans le marché européen de l’intelligence artificielle générative » et en s’assurant « qu’un contrôle humain et une approche non-discriminatoire sont appliqués à l’ensemble des services numériques faisant appel à l’intelligence artificielle – et en particulier l’intelligence artificielle générative » (points 257 à 259 du programme).
Renaissance, LR, Reconquête, RN : un programme famélique en matière de médias
Pour Valérie Hayer, candidate de la liste « Besoin d’Europe » issue du camp présidentiel, la protection du droit à une « information juste impartiale » est nécessaire (proposition n°38). La candidate propose de créer une nouvelle agence « visant à prévenir et à lutter de manière plus efficace contre les tentatives d’ingérence informationnelle présentes sur les réseaux sociaux et les médias. »
Du côté du PPE, auquel appartient la tête de liste Les Républicains François-Xavier Bellamy, l’information et les médias ne semblent pas être au rendez-vous de ses propositions.
Il en va de même pour la tête de liste Reconquête ! Marion Maréchal, qui ne fait pas de propositions sur les médias dans son programme. Il en va de même pour le candidat RN Jordan Bardella, qui n’en fait pas mention.
Des mesures sur l’intelligence artificielle
Cette absence de considération pour la sphère médiatique peut s’expliquer par la nature du scrutin, les Européennes ; les enjeux liés aux médias peuvent apparaître essentiellement nationaux aux yeux des candidats n’ayant pas émis de propositions sur les médias.
Les mesures à prendre face aux défis de l’intelligence artificielle apparaissent comme les éléments liés à cette sphère médiatique dont les candidats au programme famélique en matière de médias se sont emparés.
Souveraineté et recherche
Le RN entend ainsi « défendre la constitution d’un cloud souverain européen » qui échapperait aux ingérences juridiques, américaines et chinoises ; il entend également se service de l’IA pour combler les dépendances stratégiques dans le domaine de la Défense, créer des « champions européens du numérique » et créer un environnement complet en faveur de l’intelligence artificielle (p.16 du programme).
Reconquête ! espère aussi « faire de l’Europe, le paradis des ingénieurs et de la recherche dans le numérique et l’intelligence artificielle ». La renégociation de l’IA Act, la perspective d’instauration d’une souveraineté hardware / software pour les institutions et certains secteurs stratégiques européens comme la relocalisation sur le sol européen des données numériques des sociétés et particulier européens comptent parmi leurs propositions.
De même, les LR entendent investir massivement dans l’intelligence artificielle. Appelant à ce que l’UE investisse dans des projets, les LR appellent à la création d’un « Fonds européen pour l’accompagnement des transformations de l’économie liées à la révolution de l’IA ». Comme le RN, ils appellent à faire émerger « des champions européens dans l’IA » mais aussi la cybersécurité.
Voir aussi : Le désamour des médias pour la campagne des européennes