Il y a trois ans de cela, la Slovénie était devenue la cible des critiques de Bruxelles et des médias de gauche en Europe, rejoignant ainsi la Hongrie et la Pologne. On accusait son premier ministre conservateur, Janez Janša, de s’en prendre aux médias de gauche de son pays et aussi à l’agence de presse slovène. C’était suite aux critiques exprimées par Janša, notamment sur son compte Twitter. Des critiques en réponse aux attaques dont il faisait lui-même l’objet de la part de ces médias.
Aujourd’hui, la Slovénie est gouvernée par une coalition de gauche avec à sa tête un nouveau premier ministre, Robert Golob, en place depuis juin 2022. Les attaques lancées par le gouvernement Golob contre les médias conservateurs ne font réagir personne à Bruxelles et dans les rédactions européennes qui s’inquiétaient auparavant des tweets de Janša.
Descente de police !
On attend en effet toujours les réactions inquiètes après la descente de police qui s’est déroulée il y a maintenant un mois et demi dans les locaux de la télévision conservatrice Nova24 et au domicile de son directeur Boris Tomašić. Les seuls médias européens à s’être inquiétés sont anglophones : The European Conservative, dans un article intitulé « Slovénie : les conséquences de la politique de deux poids deux mesures de Bruxelles », et le Brussels Signal, dans trois articles intitulés respectivement « La police slovène fait une descente dans le média Nova24 à quelques jours des élections au Parlement européen », « Une descente de la police slovène “motivée politiquement”, selon le chef de Nova24 » et « Le directeur de Nova24 reproche à Bruxelles d’ignorer les attaques contre les médias slovènes ».
Les perquisitions en question se sont déroulées le 29 mai, soit dix jours avant les élections européennes. Le téléphone et l’ordinateur de Tomašić lui ont été confisqués par les autorités. « Je ne peux pas travailler. Vous pouvez comprendre [les difficultés] en tant que journaliste, de n’avoir aucun contact, rien. Et je ne peux pas les récupérer », a expliqué le directeur de la télévision Nova24 au Brussels Signal.
Le seul média slovène d’opposition réduit au silence
Janez Janša, leader du Parti démocratique slovène (SDS), arrivé largement en tête aux élections européennes du 9 juin avec plus de 30 % des voix et ancien premier ministre de son pays (à trois reprises), a décrit Nova24 comme étant « le seul média important qui soit favorable à l’opposition ».
Ainsi qu’on peut le lire dans l’article du European Conservative, « Les événements [du 29 mai] sont le résultat d’une enquête sur l’entreprise publique Telekom qui aurait financé Nova24TV. Cette enquête contre Telekom et certains de ses directeurs a conduit à la perquisition de Nova24 et du domicile de son directeur, Boris Tomašič alors que celui-ci n’était pas encore directeur [de Nova24] au moment de l’enquête. »
Comme en Pologne
Cette attaque de la coalition de gauche menée par Golob contre Nova24 intervient alors que, comme le gouvernement de Donald Tusk en Pologne depuis décembre dernier, le gouvernement slovène a pris le contrôle direct de la télévision public qu’il a purgé de tous ses journalistes aux vues conservatrices, et il semblerait avoir pour cela pris quelque liberté avec la loi en vigueur. C’était une promesse électorale de Robert Golob qui avait promis de détruire des médias de droite qu’il qualifiait de « fabriques du mal ». Ainsi que l’écrivait le journaliste espagnol Alvaro Peñas, spécialiste de l’Europe centrale et orientale, le 30 mai dans The European Conservative, « L’Assemblée nationale [slovène] a créé une commission d’enquête composée de journalistes “indépendants”, c’est-à-dire de militants de gauche, et de députés de gauche pour enquêter sur un éventuel financement illégal des partis (le SDS de Janez Janša) et des médias, mais uniquement des médias conservateurs (Nova24TV et le magazine Demokracija). »
Vera Jourova aux abonnés absents
Boris Tomašić, le directeur de Nova24, a des mots particulièrement durs pour la vice-présidente de la Commission européenne Věra Jourová, chargée de la « Transparence ». « Je ne sais pas comment elle fait pour dormir la nuit avec ce deux poids, deux mesures », a‑t-il déclaré au Brussels Signal. Le 4 juin, Jourová s’inquiétait des tendances négatives dans les médias en… Italie et Slovaquie. Deux pays gouvernés par des premiers ministres qualifiés à Bruxelles de « populistes ». Or elle ne pouvait pas ne pas être au courant de la situation puisqu’un député slovène au Parlement européen, Milan Zver, lui avait adressé une lettre ouverte le 29 mai pour l’alerter de la situation :
« Afin que la vice-présidente de la Commission européenne, Věra Jourová, soit bien informée de la situation de l’État de droit et de la liberté des médias en Slovénie, je lui ai écrit une lettre aujourd’hui. Dans cette lettre, je l’ai informée de la descente de police à @Nova24TV, qui a eu lieu 10 jours seulement avant les élections européennes, et des abus politiques de la police. Étant donné qu’elle est souvent intervenue dans les affaires intérieures de la Slovénie, je lui demande également comment elle évalue la situation de l’État de droit et la liberté des médias en Slovénie à la lumière de ce qui s’est passé aujourd’hui. Je m’attends à ce que cette attaque contre les médias et les abus de la police soient inclus dans son rapport sur la situation de l’État de droit en Slovénie. »
Comme au temps du communisme
Mais c’est en vain : un mois et demi plus tard, la vice-présidente de la Commission européenne n’a toujours pas daigné réagir. De même qu’elle ne réagit pas aux comportements antidémocratiques et illégaux de la coalition gaucho-libérale en Pologne. Après la prise de contrôle musclée des médias publics par Donald Tusk dans ce pays et les menaces portées contre le président de l’autorité indépendante des médias, l’on y assiste à une curieuse situation où, pour la première fois depuis la transition démocratique de 1989–90 avec la chute du communisme, une grande télévision se voit systématiquement exclue des conférences de presse du gouvernement. Cette télévision, c’est TV Republika, une chaîne privée d’information en continu, dont l’ancien président du Conseil européen Donald Tusk n’avait apparemment pas prévu l’expansion consécutive à sa reprise en main des chaînes de la télévision publique TVP. Une reprise en main qui a en effet suscité l’exode des téléspectateurs de TVP Info vers TV Republika alors que TV Republika continue de se développer malgré le boycott publicitaire dont elle fait l’objet de la part des grands annonceurs depuis le début de l’année.
Le silence complice des grands médias européens
Et si l’exclusion des conférences de presse du gouvernement polonais de la seule et unique télévision de droite a fait l’objet de dures critiques de la part du président de l’autorité polonaise des médias, qui a souligné le caractère illégal de cette exclusion, et aussi d’une première condamnation du gouvernement de Donald Tusk en justice (sans que celui-ci ne daigne modifier son comportement), elle ne fait pas non plus réagir Bruxelles et est passée sous silence par les médias français et européens. Des médias qui s’étaient pourtant beaucoup intéressés à la liberté de fonctionnement des médias polonais quand la majorité conservatrice avait voulu réguler l’accès des journalistes au parlement.
Encore un deux poids, deux mesures qui saute aux yeux, et qui est en réalité pleinement assumé.
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