Le premier ministre espagnol Pedro Sánchez a annoncé à l’été 2024 plusieurs mesures pour combattre la désinformation, comme le rapportent plusieurs médias. La popularité du chef du gouvernement reste entachée depuis la loi d’amnistie visant à le maintenir au pouvoir grâce à l’obtention de plus d’appuis en annulant « d’un coup de baguette de nombreuses atteintes à la loi espagnole, en particulier liées au référendum illégal pour l’indépendance de la Catalogne » comme le rapportait cet article de l’OJIM le 4 janvier 2024.
Le prétexte de l’U.E. protection contre la Russie
À l’échelle de l’Union européenne, il semblerait que le combat contre la désinformation fasse partie des priorités actuelles. Il s’agit plus précisément de faire face aux ingérences étrangères, à commencer par la Russie dont l’Allemagne serait la première cible. « Les cyber-attaques et les campagnes de désinformation et de propagande menées par des acteurs étrangers — principalement la Russie — dans le but de déstabiliser et d’engendrer le chaos sont constantes. » Pour le quotidien El País, « l’Union européenne fait face à la guerre hybride » et « la Commission européenne prépare un projet de réseau de vérificateurs européens inspiré des modèles existants en France et en Suède. »
Sanchez érode la liberté de la presse
Néanmoins, l’initiative de Pedro Sánchez s’annonce plus préoccupante étant donné les expériences antécédentes du premier ministre face à la désinformation. Dans un article du 18 décembre 2020, l’OJIM avait partagé les inquiétudes de Reporters Sans Frontières, qui estimaient « la liberté de la presse menacée par la procédure du gouvernement contre la désinformation ». « Nous déplorons qu’une mesure aux termes aussi imprécis constitue le fondement d’une lutte contre la désinformation. Partout dans le monde, nous dénonçons les lois censées lutter contre les fake news qui, en réalité, visent à éroder la liberté de la presse à travers une ambiguïté délibérée » avait déclaré à l’époque le président de Reporters Sans Frontières Espagne, Alfonso Armada.
Nouvelles censures à venir
Concernant les nouvelles mesures, l’agence de presse Reuters résume ainsi la situation, en anglais :
« L’Espagne a annoncé mercredi des mesures visant à freiner la propagation des fausses nouvelles, une initiative critiquée par l’opposition conservatrice du pays comme une tentative de censurer les médias critiques. »
Pedro Sánchez a notamment proposé de nouvelles lois visant à imposer des règles strictes d’indépendance aux médias mais a aussi « proposé d’exiger des médias qu’ils identifient tous les actionnaires ayant une influence sur la politique éditoriale » et surtout « annoncé une subvention de 100 millions d’euros (109 millions de dollars) pour aider les médias traditionnels à passer au numérique » en provenance des fonds européens. « “Sans médias gratuits de qualité, il n’y a pas de démocratie”, a déclaré le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez dans un discours ».
Une manœuvre pour protéger la femme de Sanchez
Le magazine Brussels Signal décrypte plus en détail l’opération du gouvernement Sánchez, « une soi-disant “régénération démocratique” visant à parvenir à “une plus grande transparence et responsabilité” dans le paysage médiatique espagnol ». Le plan part d’une intention louable, à savoir développer concrètement des outils pour améliorer la qualité des informations fournies par les médias. Néanmoins, plusieurs opposants politiques du premier ministre espagnol — en particulier Alberto Núñez Feijóo et Santiago Abascal, figures emblématiques de la droite nationale — se sont montrés dubitatifs face à cette mesure, qu’ils jugent intéressée, notamment en raison du contexte des accusations publiques visant l’épouse du leader du parti socialiste espagnol.
Pour le chef de l’opposition et leader du Partido Popular de droite modérée Alberto Núñez Feijóo, « Prétendre défendre la transparence est “incompatible” avec “l’intervention dans le contrôle des médias financés par des fonds publics” » ; « Le plan de Sánchez “pourrait se terminer comme la plus grande attaque contre la liberté d’information de l’histoire de la démocratie espagnole”, a ajouté Feijóo. » D’autres échos lui sont défavorables : « Sánchez “veut fermer les médias qui parlent de [sa] femme”, a déclaré Santiago Abascal, président du parti conservateur Vox. » qui estime « que Sánchez incite à une “persécution idéologique” contre les médias dissidents et a qualifié ses mots de “totalitaires”. »
Les actions à venir et la concrétisation des déclarations permettront d’éclaircir les motivations profondes du chef du gouvernement et les répercussions directes de l’investissement sur les médias, mais le sens de la manœuvre est clair et va vers un contrôle plus étroit.