Suite de notre dossier.
Un vocabulaire pour la gauche, un vocabulaire pour la droite
Le Manhattan Institute a mené sur le Wikipédia anglophone une enquête qui gagnerait à être dupliquée pour la France. L’organisme a analysé le ton – positif, neutre ou négatif – avec lequel un certain nombre de termes étaient abordés, ces termes venant de listes préexistantes. Il pouvait s’agir des noms des présidents américains, des membres du Congrès, des juges de la Cour suprême. Résultat : les personnalités associées à la droite sont plus souvent abordées négativement que les personnalités associées à la gauche. Le Manhattan Institute en conclut que « ces tendances constituent des éléments de preuve de la présence de biais politiques dans les articles Wikipédia ». Les noms des présidents les plus récents ont également été testés. On trouve, par ordre décroissant de positivité : François Hollande, Emmanuel Macron, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy.
Wikipédia reprend les termes de la gauche libérale libertaire
En plus d’utiliser un ton plus favorable pour les personnalités de gauche que pour les personnalités de droite, Wikipédia utilise plus volontiers les termes utilisés par la gauche libérale libertaire. En 2012, une étude avait montré que les articles anglais de Wikipédia parlaient plus souvent de « estate tax » ou de « Iraq war » que de « death tax » et de « war on terror ». Il se trouve que les premiers termes sont utilisés par les Démocrates, et les seconds par les Républicains. Ce choix n’a rien d’anodin. Imposer son vocabulaire est la première étape pour imposer ses idées. C’est pour cela que l’on parle « d’ultra-gauche » et non « d’extrême-gauche » lorsqu’on parle de certaines milices violentes, ou que les « antifas » se font appeler ainsi sans s’appesantir sur la définition du fascisme, qui n’a en fait pas grand-chose à voir avec ce qu’ils combattent. En 2018, la situation était inchangée.
Wikipédia aux côtés des médias de gauche
Wikipédia de connivence avec les médias de gauche
Le Manhattan Institute a montré que Wikipédia faisait plus souvent référence à des médias de gauche qu’à des médias de droite. Autrement dit, les contributeurs consomment plus facilement les premiers titres. Il est donc assez probable que, pour la majorité du moins, ils y retrouvent leurs convictions. De plus, cette surreprésentation des médias de la gauche libérale libertaire dans Wikipédia leur permet d’être mieux référencés par les moteurs de recherche, donc d’être plus facilement proposés à quelqu’un qui ferait une recherche rapide sur un sujet pour lequel il n’a pas d’idée préconçue.
L’affaire George Floyd, révélatrice d’une politique
Si Wikipédia est pensé comme une encyclopédie numérique, on retrouve dans certains contenus des ficelles utilisées dans les articles de presse. Le plus connu, qui est également le plus discret, est le choix des mots. Prenons deux événements distincts : la mort de Georges Floyd, que l’on ne présente pas, et celle de Laken Riley, enlevée et tuée en Géorgie lors d’une séance de jogging, en février 2024. En anglais, les pages Wikipédia de ces événements se nomment respectivement « Murder of George Floyd » et « Killing of Laken Riley ». Au reste, pour la Fondation Wikimédia, l’affaire George Floyd est presque un catalyseur. À l’occasion des mouvements qui, sous la houlette de Black Lives Matter, ont suivi cette affaire, la Fondation se targue d’avoir « pris plusieurs engagements explicites pour faire avancer la justice raciale par des investissements et supports accrus ».
Le Grand remplacement, théorie honnie de Wikipédia
Certains concepts font également les frais d’un traitement qui n’a plus rien d’encyclopédique. Depuis 2013, la page du Grand remplacement a subi de nombreuses modifications, à l’occasion desquelles le terme est successivement décrit comme un « concept », puis une « théorie », « théorie conspirationniste », « théorie du complot d’extrême-droite », « théorie complotiste d’extrême-droite, raciste et xénophobe, aux origines néo-nazies et antisémites ». N’en jetez plus. Le paradoxe, c’est que plus le Grand remplacement est visible, plus Wikipédia le décrit comme une théorie sans lien avec la réalité. Wikipédia veille d’ailleurs à ce que cette définition soit largement diffusée grâce à son service de « mise en contexte », notamment utilisé sous les vidéos Youtube. Lorsque vous regardez une vidéo, un encart peut s’afficher, apportant certaines informations. C’est ainsi qu’en novembre 2021, le média Livre Noir, aujourd’hui Frontières, a publié un micro-trottoir montrant les avis d’habitants des quartiers populaires au sujet du Grand remplacement. Quelques minutes après la mise en ligne de la vidéo, un encart de Wikipédia s’affichait, menant à la page concernant ce terme.
La cabale de Wikipédia contre les journalistes de droite
Quand on veut connaître rapidement le profil d’une personnalité quelconque, le premier réflexe de la majorité des gens est de consulter sa fiche Wikipédia. Or, de nombreux contributeurs, la plupart de gauche, chargent celles des journalistes classés à droite. C’est ainsi que, sur la page d’Eugénie Bastié, journaliste au Figaro, le Figaro Vox est qualifié de « média d’opinion de droite dure » et Causeur de « journal conservateur ». Eugénie Bastié serait une « figure de la droite conservatrice » et l’un des « nouveaux visages de la droite réactionnaire » qui alimente des polémiques sur les réseaux sociaux et a permis la « résurgence médiatique des discours réactionnaires ». André Bercoff est lui aussi ans le viseur de Wikipédia, qui l’accuse d’être complotiste, d’extrême-droite, ainsi que défenseur de Donald Trump. Le journaliste Idriss Aberkane parle à ce sujet de nettoyage ou noircissement « de courtoisie » sur TV Libertés. « Certaines pages vont être impeccablement propres », explique-t-il, et tout ce qui est négatif en sera retiré, que ce soit les affaires de harcèlement moral ou les affaires financières. À l’inverse, d’autres pages subissent un noircissement volontaire et parfois trompeur.
Un danger pour le développement de l’Intelligence artificielle
Les biais idéologiques de Wikipédia ne sont pas seulement un problème pour l’accès à la connaissance de tous. Aujourd’hui, Wikipédia constitue l’une des sources habituellement utilisées pour entraîner les modules d’intelligence artificielle comme ChatGPT. La tendance à aborder des personnalités de gauche avec bienveillance et des personnalités de droite avec hostilité est donc très dangereuse pour l’avenir de l’information. Que ce soit parce que certaines personnes se documentent avec ChatGPT, ou parce que certains journalistes s’appuient sur l’intelligence artificielle pour écrire leurs articles, cette entité est de plus en plus présente dans notre quotidien. Autrement dit, une fois de plus, nous nous servons d’un outil biaisé, d’autant plus dangereux qu’il est présenté comme neutre. À suivre.