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Wokipédia : Wikipédia est-il une source fiable ? Troisième partie

19 septembre 2024

Temps de lecture : 8 minutes
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Wokipédia : Wikipédia est-il une source fiable ? Troisième partie

Temps de lecture : 8 minutes

Suite de notre dossier.

Wokipédia, ceux qui dénoncent les biais idéologiques : le cas français

Sept contributeurs bannis pour avoir modifié la page d’Éric Zemmour

L’un des principes des con­tri­bu­tions sur Wikipé­dia est la « neu­tral­ité de point de vue ». Les mod­i­fi­ca­tions des fich­es sont signées, et même publiques, pour peu que l’on con­sulte l’historique des ver­sions. Alors pourquoi les fich­es à charge exis­tent-elles ? Que font les mod­éra­teurs, ou les admin­is­tra­teurs ? La réponse est sim­ple : ils se con­cen­trent sur les con­tribu­teurs de droite. En févri­er 2022, en pleine cam­pagne prési­den­tielle, sept con­tribu­teurs ont été ban­ni car accusés de militer pour Éric Zem­mour en influ­ençant les con­tenus, prin­ci­pale­ment les pages du can­di­dat, de Recon­quête et du Grand remplacement.

Il faut dire que la page Wikipé­dia d’Éric Zem­mour est à charge : alors que la plu­part des per­son­nal­ités poli­tiques, de Nathalie Arthaud à Nico­las Dupont-Aig­nan en pas­sant par Emmanuel Macron et Valérie Pécresse, sont qual­i­fiés d’hommes ou de femmes poli­tiques français, Éric Zem­mour, lui, est un « homme poli­tique français d’extrême-droite ».

Un contributeur « de référence » banni

L’un d’entre eux avait pour pseu­do­nyme « Cheep ». Sur Wikipé­dia depuis plus de quinze ans, il avait fourni près de 170 000 con­tri­bu­tions et était le 64e plus gros con­tribu­teurs français. Capucine-Marin Dubro­ca-Voisin, prési­dente de Wikimé­dia France, le con­sid­ère comme un « compte de référence ». Ses mod­i­fi­ca­tions sont con­sid­érées comme véri­fiées automa­tique­ment, ce qui témoigne de sa fiabilité.

Sa prin­ci­pale faute était d’avoir descen­du la men­tion « classé à l’extrême-droite » dans la page d’Éric Zem­mour et de l’avoir rem­placée par la suiv­ante : « Classé à l’extrême droite en France par la plu­part des médias français ou au sein de la « droite hors les murs » par des his­to­riens et poli­to­logues ». Cette expres­sion longue et pré­cise avait été jugée par­ti­sane par les admin­is­tra­teurs. En décem­bre 2021, Cheep avait voulu retir­er les infor­ma­tions con­cer­nant une polémique sur l’utilisation d’images non autorisées dans le clip d’entrée en cam­pagne d’Éric Zemmour.

Enfin, il avait ajouté une pho­to de Pétain et Laval et une légende expli­quant que leur « respon­s­abil­ité dans la Shoah en France est sujette à débat ». La Fon­da­tion Wikimé­dia, en plus de ban­nir les con­tribu­teurs incrim­inés, avait pub­lié un com­mu­niqué rap­pelant les valeurs de Wikipé­dia, qui ne serait « pas une tri­bune de pro­pa­gande ou de pro­mo­tion » et qui rap­pelait l’importance de la neu­tral­ité de point de vue. Tout comme RSF, sur le compte duquel l’Observatoire du Jour­nal­isme a récem­ment pub­lié une enquête, il sem­ble que la droite soit la seule à ne pas pou­voir être neutre.

Des modifications politiques fréquentes

Lors du ban­nisse­ment des con­tribu­teurs, Le Parisien avait pré­cisé qu’il « est fréquent que des mil­i­tants poli­tiques de tous bor­ds essayent d’apporter des mod­i­fi­ca­tions à des pages, qui sont en général aus­sitôt cor­rigées par la com­mu­nauté Wikipé­dia. » Arrêts sur Images avait d’ailleurs révélé quelques semaines plus tôt que la page de Mar­lène Schi­ap­pa avait été écrite au quart par l’un de ses con­seillers. BFMTV pré­cise quant à lui que Wikipé­dia reste vig­i­lant et cor­rige aus­sitôt les mod­i­fi­ca­tions « ten­dan­cieuses » venant de « mil­i­tants poli­tiques de tous bor­ds ». La fon­da­tion Wikimé­dia recon­nais­sait elle-même que la plate­forme avait déjà con­nu des ten­ta­tives de manip­u­la­tion par des entités poli­tiques, y com­pris dans le cadre d’une élec­tion prési­den­tielle. Cepen­dant, pour Éric Zem­mour, l’enjeu était de taille : en 2021, sa page était la plus con­sultée en France, avec 5,2 mil­lions de vues.

Elon Musk contre Wikipédia

Pourquoi autant d’appels aux dons ?

Depuis quelques années, l’image de neu­tral­ité de Wikipé­dia est ain­si sérieuse­ment écornée. Dernière affaire en date, la croisade d’Elon Musk con­tre la plate­forme. Fin 2023, le mil­liar­daire, qui a racheté Twit­ter et l’a rebap­tisé X quelques mois aupar­a­vant, inter­roge leur ges­tion finan­cière. Pour lui, les besoins ne peu­vent pas être faramineux, car « on pour­rait lit­térale­ment copi­er l’intégralité du texte sur un télé­phone ». L’affirmation n’est pas totale­ment exacte : sur un télé­phone tient la ver­sion anglaise du site (22 Go), sans les illus­tra­tions divers­es. Tout com­pris, l’encyclopédie pèse près de 430 To, plus la bande pas­sante qui per­met de pro­pos­er à tous les inter­nautes de bonnes con­di­tions de navigation.

Quoi qu’il en soit, le per­pétuel appel aux dons intrigue Elon Musk.

Wokipédia : la campagne devient virale sur X

L’attaque est cepen­dant lancée, et c’est à ce moment que naît l’expression « Dick­ipedia », qui devien­dra « Wokipedia », en référence à l’idéologie woke que Wikipé­dia est soupçon­née de répan­dre. Cela vau­dra au mil­liar­daire d’être décrit par Wikipé­dia comme un « théoricien con­spir­a­tionniste d’extrême-droite », une mod­i­fi­ca­tion retirée en novem­bre 2023.

Depuis, Elon Musk inter­pelle régulière­ment Jim­my Wales, qui dirige Wikipé­dia, sur X (ex-Twit­ter). Un réseau qui offre, depuis son rachat, la qua­si-assur­ance de ne pas être cen­suré, et qui de plus est pub­lic. Qu’importe si Jim­my Wales ne répond pas, les inter­ro­ga­tions d’Elon Musk sont publiques, et large­ment lues.

Les médias ont choisi leur camp

Si l’on ne suit pas Elon Musk sur X, on peut être infor­mé de son com­bat con­tre Wikipé­dia par les médias clas­siques, où Elon Musk n’ est pas, c’est le moins que l’on puisse dire, en odeur de sain­teté. Il est rap­pelé à longueur de lignes que Wikipé­dia est un site « par­tic­i­patif », « gra­tu­it et com­mu­nau­taire » qui « fait tout pour œuvr­er con­tre la dés­in­for­ma­tion de manière par­tic­i­pa­tive », tan­dis qu’Elon Musk est un « mil­liar­daire » « aux pro­pos sou­vent jugés réac­tion­naires » qui « a une nou­velle cible ». On voudrait écrire un remake de Robin des Bois que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

Au reste, si Wikipé­dia était woke, les médias n’y ver­raient pas grand mal. Le terme désigne, selon Le Parisien, « un état d’alerte face à l’oppression pesant sur les per­son­nes issues de minorités, qu’elles soient sex­uelles, religieuses ou encore eth­niques ». On voit mal com­ment les non‑wokes pour­raient se regarder dans la glace après cette définition.

Ajou­tons que les médias pré­cisent que X est « sou­vent con­sid­éré par les États comme faisant de plus en plus le jeu du com­plo­tisme ». Il ne reste plus qu’à rap­pel­er les sanc­tions de la Com­mis­sion européenne, en évi­tant de se deman­der de quel côté poli­tique elle penche. Car les Etats sont encore moins objec­tifs que les journalistes.

Wikipédia n’a pas besoin d’argent. La gauche, oui

D’après Saman­tha Lien, porte-parole de la fon­da­tion Wikimé­dia, dans Le Parisien, Wikipé­dia fonc­tionne unique­ment grâce aux dons, ce qui rend son mod­èle financier pré­caire et insta­ble. Le site dis­pose donc d’une réserve qui cor­re­spond à env­i­ron un an de fonc­tion­nement. Cir­culez, Elon Musk, il n’y a rien à voir ? Oui, sauf que… En 2023, le tiers du bud­get con­cerne les frais de fonc­tion­nement et de ges­tion et 9% va à la recherche de fonds et à la communication.

Le reste est plus intriguant : 21% à l’aide et au sou­tien de la com­mu­nauté, 20% pour « sen­si­bilis­er et for­mer aux pro­jets Wikimé­dia », 12% pour « diver­si­fi­er la par­tic­i­pa­tion aux pro­jets Wikimé­dia » et enfin 9% pour « val­oris­er, défendre et pro­mou­voir le mou­ve­ment Wikimé­dia en France ». Non seule­ment les postes de dépens­es sont étranges, mais en plus ils sont en aug­men­ta­tion. Les dépens­es sont passées de 10 mil­lions de dol­lars en 2010 à 112 mil­lions en 2020, alors que l’hébergement du site coûte de moins en moins cher – 2,4 mil­lions en 2021. On se sou­vient à ce stade que, selon Lar­ry Sanger, le glisse­ment idéologique de Wikipé­dia date de 2009.

Conclusion : Wikipédia n’est pas David, mais Goliath

Elon Musk attaque Wikipé­dia, et celui qui attaque sem­ble tou­jours moins fréquentable que celui qui se défend. Pour­tant, on aurait tort de décern­er la palme de l’opprimé trop vite. Wikipé­dia est très loin d’être seul : il a l’ensemble du monde médi­a­tique der­rière lui, sans oubli­er la galax­ie d’organismes de gauche qui s’entraident en faisant cir­culer les dons, dans un sys­tème opaque qui trompe effi­cace­ment les donateurs.

Aujourd’hui, les organ­ismes de la gauche libérale lib­er­taire se mul­ti­plient et peu­vent compter sur la générosité de ceux que leurs bons sen­ti­ments aveu­g­lent, de ceux qui veu­lent s’acheter une con­science, et enfin de ceux qui com­pren­nent par­faite­ment l’agenda de gauche et l’applaudissent chaleureusement.

À côté de cela, les asso­ci­a­tions de droite essaient de sur­vivre sans être assim­ilées au dia­ble et X (ex-Twit­ter) bataille con­tre la Com­mis­sion européenne, qui regrette le temps où l’on pou­vait cen­sur­er à loisir. Alors que Wikipé­dia tourne avec de nom­breux con­tribu­teurs fausse­ment neu­tres et véri­ta­ble­ment mil­i­tants de gauche, du moins en ce qui con­cerne les pages liées à l’actualité poli­tique et cul­turelle, X per­met à cha­cun de dif­fuser des infor­ma­tions à un large pub­lic. Si l’on ren­con­tre fatale­ment cer­taines « fake news », le nou­veau fonc­tion­nement de X/Twitter per­met aus­si, grâce aux notes de la com­mu­nauté, de rétablir les choses, ce qui ne plaît guère à cer­taines per­son­nal­ités habituées à ce que leurs con­vic­tions pèsent plus lourd que les con­nais­sances sci­en­tifiques. Il est peu prob­a­ble que Wikipé­dia chute de son piédestal.

Il reste à espér­er qu’il ne devi­enne pas, avec les médias main­stream, l’unique moyen d’information du Français moyen comme des autres Européens.

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