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Coup de projecteur sur la restitution officielle des États généraux de l’information 2024. Deuxième partie

29 septembre 2024

Temps de lecture : 15 minutes
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Coup de projecteur sur la restitution officielle des États généraux de l’information 2024. Deuxième partie

Temps de lecture : 15 minutes

Coup de projecteur sur la restitution officielle des États généraux de l’information 2024. Deuxième partie : les propositions et recommandations du groupe de travail « Espace informationnel et innovation technologique ».

Alors qu’un pre­mier arti­cle présente les prin­ci­pales propo­si­tions et recom­man­da­tions émis­es par le Comité de pilotage de ces EGI, et en éclaire les atouts et lacunes, le présent arti­cle pro­pose un coup de pro­jecteur sur ce qui ressort des rap­ports rédigés à l’issue de cet exer­ci­ce par le groupe de tra­vail « Espace infor­ma­tion­nel et inno­va­tion tech­nologique », présidé par Sébastien Sori­ano, directeur général de l’Institut nation­al de l’information géo­graphique et forestière. Il sera suivi de deux autres con­sacrés aux 4 autres groupes de tra­vail con­sti­tués lors de ces EGI.

Ruptures technologiques

Ce thème abor­de des ques­tions cru­ciales ten­ant aux rup­tures tech­nologiques induites par l’intervention, désor­mais sys­té­ma­tique dans l’espace infor­ma­tion­nel, du numérique et de l’intelligence arti­fi­cielle (et plus par­ti­c­ulière­ment de l’IA généra­tive) et de nou­veaux types d’acteurs — qui y sont asso­ciés de l’amont à l’aval des chaînes de valeur qui s’y déploient, au point de con­duire peu ou prou le jour­nal­isme, les médias et même l’information à chang­er de nature et à devoir affron­ter de nou­velles menaces.

La place priv­ilégiée que ce thème sem­ble avoir occupé dans l’esprit des mem­bres du comité de pilotage illus­tre – tout en les jus­ti­fi­ant – les inquié­tudes par­ti­c­ulières que de telles rup­tures et men­aces peu­vent faire naître dans cet espace infor­ma­tion­nel. Une part prépondérante des propo­si­tions émis­es par le comité de pilotage provient en effet des travaux et propo­si­tions émis­es par ce groupe de travail.

Constats et recommandations

Six con­stats majeurs ont été posés par ce groupe de tra­vail, à savoir :

  • La nou­velle donne numérique est por­teuse de béné­fices et de risques informationnels
  • Les algo­rithmes jouent un rôle déter­mi­nant dans l’expérience des utilisateurs
  • Ces algo­rithmes ser­vent le mod­èle économique des plate­formes de réseaux sociaux
  • Les sys­tèmes d’intelligence arti­fi­cielle généra­tive con­cur­ren­cent les médias en matière de pro­duc­tion d’information
  • Telles qu’elles se dévelop­pent, les tech­nolo­gies ne per­me­t­tent pas un mod­èle économique souten­able pour les médias
  • Les inno­va­tions tech­nologiques boule­versent notre rap­port même à l’information

À par­tir de ces con­stats, des analy­ses expertes ont per­mis de dégager sept recom­man­da­tions détail­lant leurs enjeux, les modal­ités de leur mise en œuvre et leur fais­abil­ité juridique et technique.

Sept propositions

Les sept propo­si­tions émis­es par le groupe de tra­vail sont les suivantes :

  • Propo­si­tion 1 : Faire vivre un plu­ral­isme des algo­rithmes ;
  • Propo­si­tion 2 : Ajouter une dis­tri­b­u­tion oblig­a­toire des con­tenus d’information aux oblig­a­tions des très grandes plate­formes numériques ; 
  • Propo­si­tion 3 : Pouss­er les édi­teurs de con­tenus à se rassem­bler pour pro­téger et mon­nay­er leurs droits face aux plate­formes numériques et aux entre­pris­es d’IA ;
  • Propo­si­tion 4 : Con­sacr­er un statut spé­ci­fique d’influenceurs à large audi­ence pour mieux encadr­er les super-prop­a­ga­teurs de fauss­es informations ; 
  • Propo­si­tion 5 : Soutenir la crois­sance de l’espace infor­ma­tion­nel, en garan­tis­sant l’accès aux don­nées utiles ain­si que l’auditabilité des sys­tèmes algorithmiques ; 
  • Propo­si­tion 6 : Impos­er des oblig­a­tions de trans­parence aux annon­ceurs et aux respon­s­ables des achats pour leur compte ;
  • Propo­si­tion 7 : Con­fi­er à un régu­la­teur indépen­dant la mis­sion de faire vivre ces mesures dans la durée.

Et trois messages

De façon trans­ver­sale, trois grands mes­sages por­tent ces propo­si­tions : aller vers un plu­ral­isme des algo­rithmes ; respon­s­abilis­er le secteur, grands acteurs du numérique comme annon­ceurs ; penser le « dernier kilo­mètre » de la régu­la­tion pour veiller au bon respect des oblig­a­tions tout en ani­mant le secteur et en s’appuyant sur des don­nées fiables pour éclair­er les arbitrages.

« Si elles sont présen­tées par ordre de pri­or­ité, les sept recom­man­da­tions […] sont com­plé­men­taires entre elles. Elles visent deux objec­tifs principaux : 

→ Pro­mou­voir le choix et l’auditabilité algo­rith­mique pour réduire la prég­nance des con­tenus tox­iques – au pre­mier rang desquels les fauss­es infor­ma­tions – sur les plate­formes numériques. Cet objec­tif est décliné par les propo­si­tions 1, 4 et 5. Il s’agit dans ces trois cas de sor­tir d’une régu­la­tion con­fi­ant aux plate­formes le soin de résoudre le prob­lème posé par leurs pro­pres algo­rithmes en con­férant aux util­isa­teurs le pou­voir de choisir et de con­fig­ur­er leurs algo­rithmes de recom­man­da­tion et de mod­éra­tion, en dur­cis­sant l’encadrement des influ­enceurs en ligne pour mieux lut­ter con­tre les super-prop­a­ga­teurs et en ren­forçant et en garan­tis­sant l’accès aux don­nées pour les chercheurs leur per­me­t­tant d’auditer les algo­rithmes des plateformes. 

→ Assur­er aux médias un mod­èle économique pérenne à l’ère numérique, enjeu majeur pour ces acteurs mais égale­ment pour la société dans son ensem­ble au regard de l’importance démoc­ra­tique fon­da­men­tal d’une infor­ma­tion fiable, de qual­ité et plu­ral­iste. Les propo­si­tions 2, 3 et 6 sous-ten­dent cet objec­tif afin de ren­dre les con­tenus médi­a­tiques plus vis­i­bles par­mi le flot inin­ter­rompu de con­tenus en ligne, d’assurer que les con­tenus médi­a­tiques soient traçables, pro­tégés et dûment rémunérés à l’heure de l’IA généra­tive et que la pub­lic­ité en ligne ne soit plus investie majori­taire­ment sur les plate­formes numériques au détri­ment des médias. Enfin, sans régu­la­teur (propo­si­tion 7), ces propo­si­tions ris­queraient de n’être que des mesures d’auto-régulation, nuisant à leur effi­cac­ité. Il est donc fon­da­men­tal d’adosser ces propo­si­tions à un régu­la­teur claire­ment iden­ti­fié, doté de moyens humains et financiers suff­isants, aux com­pé­tences claire­ment définies et dis­posant de moyens de sanctions. 

Dans l’ensemble, le groupe a mené un tra­vail appro­fon­di pour inscrire l’ensemble de ces propo­si­tions dans les dis­po­si­tions légales et régle­men­taires français­es et européennes et ain­si max­imiser la fais­abil­ité opéra­tionnelle de celles-ci. » (extrait du rapport)

Rigueur technique et juridique

Force est de recon­naître que la com­po­si­tion du groupe de tra­vail, les exper­tis­es mobil­isées et la méthodolo­gie retenue ont per­mis de l’aborder avec une com­pé­tence et une rigueur tech­niques et juridiques que reflète par­faite­ment la qual­ité remar­quable de cette par­tie impor­tante du rap­port glob­al[i] (pages 67 à 116), comme celle des fich­es thé­ma­tiques pro­duites lors de ces travaux[ii] qui ont en effet per­mis d’aborder les points cru­ci­aux ayant trait aux sujets suivants :

  • Les droits voisins et le partage de la valeur dans l’espace numérique informationnel
  • Les algo­rithmes des plateformes
  • Édi­teur ou hébergeur : vers un troisième statut pour les plateformes ?
  • Intel­li­gence arti­fi­cielle généra­tive et créa­tion de con­tenu informationnel
  • Inno­va­tions tech­nologiques et accès à l’information
  • Le cadre européen de régu­la­tion numérique
  • Économie de l’attention, économie de la désinformation ?

Avec quelques lacunes

Néan­moins, et sans que ces obser­va­tions cherchent à en min­imer l’intérêt, nous devons relever quelques lacunes dans la démarche poursuivie.

1. Cette sit­u­a­tion ten­ant prob­a­ble­ment autant aux ori­en­ta­tions et instruc­tions délivrées lors du lance­ment de ces travaux qu’aux statuts publics des prin­ci­paux rédac­teurs et aux réserves plus ou moins légitimes qu’ils leur imposent, il ressort à la fois un cer­tain angélisme qui se man­i­feste notam­ment par l’occultation de cer­taines sources et natures de men­aces qui motiveraient elles aus­si des pré­con­i­sa­tions con­traig­nantes, ain­si qu’un « par­ti pris idéologique » — que nous pour­rions qual­i­fi­er d’ « infor­ma­tion­nisme » — con­duisant non seule­ment à ignor­er cer­taines caté­gories de médias (médias inter­na­tionaux, médias indépen­dants alter­nat­ifs, etc.) et de con­tenus mais aus­si à pro­mou­voir de manière délibérée les con­tenus infor­ma­tion­nels revê­tant cer­taines garanties plus par principe que par objec­tiv­ité dans l’espace infor­ma­tion­nel numérique glob­al ; ici comme ailleurs, les experts mobil­isés ont pris le par­ti de con­sid­ér­er des sit­u­a­tions ou les con­tenus d’information en jeu ne souf­fraient d’aucune imper­fec­tion (impré­ci­sion / approx­i­ma­tion / incom­plé­tude ; incer­ti­tude / invéri­fi­a­bil­ité / indé­cid­abil­ité / non fia­bil­ité ; con­fi­den­tial­ité ; etc.) dans un univers infor­ma­tion­nel idéal arti­fi­cielle­ment « objec­tivé » qui offrirait la total­ité des don­nées utiles à leur pro­duc­tion (principe du tiers exclu) selon des sché­mas binaires (vrai / faux, oui / non) et qui n’accorderait à la sub­jec­tiv­ité des agents et des regards portés qu’une valeur infime, sinon nég­lige­able, prenant ain­si le risque d’œuvrer à l’invisibilité, par leur neu­tral­i­sa­tion et/ou leur dis­qual­i­fi­ca­tion, d’informations impor­tantes sans qu’en aient été préal­able­ment per­tinem­ment exam­in­er leur intégrité et leur intérêt.

2. Bien que se pré­valant d’avoir pris un soin par­ti­c­uli­er à inté­gr­er la dimen­sion inter­na­tionale des prob­lé­ma­tiques exam­inées, le groupe de tra­vail sem­ble avoir occulté des don­nées et acquis inter­na­tionaux pour­tant fon­da­men­taux dans sa démarche.

S’en inspi­rant prob­a­ble­ment quelque part, ne serait-ce qu’en rai­son du rôle majeur qu’a tenu le prési­dent du comité de pilotage Christophe Deloire dans leur élab­o­ra­tion, les pré­con­i­sa­tions for­mulées par ce groupe de tra­vail ne reflè­tent pas véri­ta­ble­ment, dans toute leur poten­tial­ité créa­trice et réfor­ma­trice, ni l’esprit et le souf­fle de l’Initiative inter­na­tionale sur l’information et la démoc­ra­tie qui a pour but de met­tre en oeu­vre des garanties démoc­ra­tiques dans l’espace glob­al de la com­mu­ni­ca­tion et de l’information, en offrant une réponse struc­turelle au chaos infor­ma­tion­nel qui men­ace la démoc­ra­tie, les droits fon­da­men­taux et la pour­suite des Objec­tifs de développe­ment durable (ODD)[iii], ni ceux des Principes mon­di­aux des Nations unies pour l’intégrité de l’information[iv] pub­liés le 24 juin 2024, qui étab­lis­sent une impor­tante feuille de route inter­na­tionale pour ren­forcer l’intégrité de l’information (voir plus par­ti­c­ulière­ment les élé­ments relat­ifs aux inci­ta­tions saines, à la respon­s­abil­i­sa­tion du pub­lic, ain­si qu’aux médias indépen­dants, libres et plu­ral­istes), ni ceux des principes fon­da­men­taux du droit inter­na­tion­al de l’information[v] sou­vent dérivés de con­ven­tions inter­na­tionales, comme le Pacte inter­na­tion­al relatif aux droits civils et poli­tiques (PIDCP), qui garan­tit la lib­erté d’expression et d’information, ou encore ceux de la lég­is­la­tion en matière de pro­priété intel­lectuelle, comme les accords admin­istrés par l’Organisation Mon­di­ale de la Pro­priété Intel­lectuelle (OMPI), qui joue égale­ment un rôle clé en étab­lis­sant com­ment l’information et les créa­tions intel­lectuelles sont pro­tégées et partagées à tra­vers les frontières.

3. L’ambition de lut­ter con­tre la manip­u­la­tion de l’information, que ce soit ou non en ligne, à par­tir de moyens tech­niques aus­si sophis­tiqués soient-ils, présente des dif­fi­cultés juridiques con­sid­érables ten­ant d’abord à la qual­i­fi­ca­tion en droit d’« une fausse infor­ma­tion », et ensuite à l’établissement du car­ac­tère effec­tive­ment délictuel de sa mise à la dis­po­si­tion du public.

Or, les dif­férents doc­u­ments qui ren­dent compte de ses travaux ne com­por­tent aucune déf­i­ni­tion ni hypothèse de tra­vail ayant trait aux con­cepts et notions essen­tielles d’infor­ma­tion, d’intégrité de l’information, de dés­in­for­ma­tion, etc. con­vo­quées dans le développe­ment des idées et des thès­es soutenues. S’il n’existe pas de déf­i­ni­tion uni­verselle­ment accep­tée de ces ter­mes, notam­ment en France quand bien même des esquiss­es com­men­cent à émerg­er de cer­tains proces­sus lég­is­lat­ifs et juri­dic­tion­nels[vi], les entités des Nations Unies ont for­mulé des déf­i­ni­tions opéra­tionnelles dans une note d’orientation ren­due publique en juin 2023[vii]. La Rap­por­teuse spé­ciale sur la pro­mo­tion et la pro­tec­tion du droit à la lib­erté d’opinion et d’expression des Nations Unies définit la dés­in­for­ma­tion comme « la dif­fu­sion inten­tion­nelle d’une fausse infor­ma­tion en vue de causer un préju­dice social grave ». L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la sci­ence et la cul­ture (UNESCO) utilise le terme « dés­in­for­ma­tion » pour décrire des con­tenus faux ou trompeurs qui peu­vent causer un préju­dice par­ti­c­uli­er, indépen­dam­ment des inten­tions, du degré de con­science et des com­porte­ments qui sous-ten­dent leur pro­duc­tion et leur dif­fu­sion. Par ailleurs, l’Union européenne a dédié à lutte con­tre la prop­a­ga­tion de la dés­in­for­ma­tion et de la dés­in­for­ma­tion en ligne de nom­breux proces­sus et instru­ments qui s’articulent autour des élé­ments de déf­i­ni­tion suiv­ants : « La dés­in­for­ma­tion est un con­tenu faux ou trompeur qui est dif­fusé dans l’intention de tromper ou d’obtenir un gain économique ou poli­tique, et qui peut causer un préju­dice pub­lic. La dés­in­for­ma­tion est un con­tenu faux ou trompeur partagé sans inten­tion nuis­i­ble, bien que les effets puis­sent encore être nocifs. »[viii].

Ces dif­férents élé­ments par­ticipent à créer une com­plex­ité juridique telle qu’est finale­ment lais­sée à l’appréciation du juge la respon­s­abil­ité de qual­i­fi­er toute infor­ma­tion soupçon­née d’être l’objet d’un délit comme man­i­feste­ment fausse, manip­ulée, ou trompeuse, dénuée de tout lien avec des faits réels, ou, a con­trario, comme fiable et de qual­ité, et de déter­min­er l’intentionnalité délibérée et la mau­vaise foi éventuelles de son auteur lors de son usage à des­ti­na­tion de tiers. Dès lors se pose la ques­tion fon­da­men­tale de la capac­ité effec­tive pour des édi­teurs, hébergeurs ou dif­fuseurs de con­tenus infor­ma­tion­nels de tranch­er de manière humaine ou algo­rith­mique à l’égard de leur faus­seté éventuelle, comme du car­ac­tère éventuelle­ment délictuel de leur mise à la dis­po­si­tion du pub­lic, les oblig­eant à faire appel aux com­pé­tences et proces­sus des opéra­teurs de véri­fi­ca­tion des faits et d’établissement des preuves.

4. Alors que l’Etat français, en cohérence avec l’approche européenne en la matière, ampli­fie la dématéri­al­i­sa­tion et la tech­nol­o­gi­sa­tion des dif­férents proces­sus de médi­a­tion qui inter­vi­en­nent dans l’espace pub­lic et/ou en inter­ac­tion avec lui, en même temps qu’il présente la gou­ver­nance et la régu­la­tion « par la don­née » ain­si que la blockchain comme les alpha et omega du cybere­space, offrant ain­si aux entre­pris­es tech­nologiques (prin­ci­pale­ment nord-améri­caines) la maîtrise (qua­si sou­veraine) des usages licites et illicites des don­nées publiques et privées, et donc la pos­si­bil­ité d’en altér­er l’intégrité, la con­fi­ance placée par le groupe de tra­vail – et le comité de pilotage – dans les instru­ments lég­is­lat­ifs et juridiques nationaux et européens pour répon­dre aux niveaux d’effectivité, d’efficacité et d’efficience atten­dus aux défis et men­aces iden­ti­fiés sem­ble quelque peu exces­sive si l’on en juge aux con­tentieux de plus en plus nom­breux qui opposent les opéra­teurs de ser­vices numériques et plate­formes hébergeant ou pro­duisant des con­tenus informels aux régu­la­teurs publics nationaux et européens (cf. par exem­ple le con­tentieux relatif à l’utilisation illicite par la société Linkedin, pro­priété de Microsoft, des don­nées des inter­nautes pour établir des mod­èles d’intelligence artificielle).

5. Enfin, le car­ac­tère (très/trop ?) glob­al et sys­témique, voire même sys­té­ma­tique, des inves­ti­ga­tions opérées sur les dif­férents reg­istres iden­ti­fiés ci-dessus qui s’est traduit par une indif­féren­ci­a­tion / décor­réla­tion des analy­ses en fonc­tion de la var­iété des sit­u­a­tions (courante, de crise, de guerre, d’urgence, etc…), des final­ités (actu­al­ité, enquête, prévi­sion, sondage, influ­ence, manip­u­la­tion[ix], etc.) et des domaines (poli­tique, économique, socié­tal, social, géopoli­tique, diplo­ma­tique, sci­en­tifique, tech­nologique, météorologique, etc.) n’a pas per­mis de dégager des spé­ci­ficités per­ti­nentes qu’auraient pu faire appa­raître des explo­rations peut-être moins bril­lantes mais plus exhaus­tives per­me­t­tant de mieux embrass­er la glob­al­ité des sit­u­a­tions, des jeux et des enjeux.

Nous ter­mi­nons ce coup de pro­jecteur en soulig­nant qu’il sem­ble illu­soire de penser que des répons­es nationales, fut-elles juridiques, pour­ront relever seules les défis iden­ti­fiés ici.

Notes

[i] Cf. Le rap­port des États généraux de l’information

[ii]  Cf.  Les fich­es thé­ma­tiques pro­duites par le groupe « Espace infor­ma­tion­nel et inno­va­tion tech­nologique des États généraux de l’information »

[iii] Cette ini­tia­tive a engen­dré deux résul­tats majeurs :

  • La sig­na­ture par 54 pays du Parte­nar­i­at inter­na­tion­al sur l’information et la démoc­ra­tie qui définit les principes de l’espace glob­al de la com­mu­ni­ca­tion et de l’information et appelle les plate­formes qui le struc­ture à les met­tre en œuvre,
  • La créa­tion du Forum sur l’information et la démoc­ra­tie par 11 organ­i­sa­tions de la société civile pour dévelop­per ces principes et for­muler des recom­man­da­tions con­crètes pour sa régu­la­tion et l’autorégulation des acteurs. (NB : Le secré­tari­at per­ma­nent du Forum est soutenu par Reporters sans fron­tières (RSF).) Cf. Forum sur l’information et la démoc­ra­tie ain­si que Déc­la­ra­tion inter­na­tionale sur l’in­for­ma­tion et la démocratie

[iv] Les Principes mon­di­aux des Nations unies pour l’intégrité de l’information créent un cadre holis­tique pour guider l’ac­tion des dif­férentes par­ties prenantes en vue d’un écosys­tème de l’in­for­ma­tion plus sain. Ce cadre con­siste en cinq principes de ren­force­ment de l’in­tégrité de l’in­for­ma­tion qui ont tous en com­mun un engage­ment inébran­lable en faveur des droits de l’homme (con­fi­ance et résilience de la société ; médias indépen­dants, libres et plu­ral­istes ; trans­parence et recherche ; respon­s­abil­i­sa­tion du pub­lic ; et inci­ta­tions saines), cha­cun d’en­tre eux com­prenant des recom­man­da­tions à l’in­ten­tion des prin­ci­paux groupes de par­ties prenantes. En plus d’être fondés sur le droit inter­na­tion­al, y com­pris le droit inter­na­tion­al des droits de l’homme, les Principes mon­di­aux s’ap­puient sur les idées pro­posées dans la note d’orientation n°8 du Secré­taire général des Nations ; ils com­plè­tent les Principes directeurs des Nations Unies relat­ifs aux entre­pris­es et aux droits de l’homme, les Lignes direc­tri­ces de l’UNESCO pour la gou­ver­nance des plate­formes numériques, le Plan d’ac­tion des Nations Unies sur la sécu­rité des jour­nal­istes et la ques­tion de l’im­punité, la Recom­man­da­tion de l’UNESCO sur l’éthique de l’in­tel­li­gence arti­fi­cielle et la Stratégie et le Plan d’ac­tion des Nations Unies pour la lutte con­tre les dis­cours de haine. Cf. Principes mon­di­aux pour l’intégrité de l’information

[v]  Cf. Droit inter­na­tion­al de l’information : guide essentiel

[vi]  La qual­i­fi­ca­tion en droit d’« une fausse infor­ma­tion », qui dif­fère de la qual­i­fi­ca­tion en droit d’ « une fausse nou­velle » telle que l’établit la loi sur la lib­erté de la presse de 1881, n’a été établie en France qu’à l’occasion des débats par­lemen­taires liées à la propo­si­tion de loi sur la lutte con­tre la manip­u­la­tion de l’information de 2018. A l’issue du proces­sus lég­is­latif, la loi adop­tée (Loi n° 2018–1202 du 22 décem­bre 2018 rel­a­tive à la lutte con­tre la manip­u­la­tion de l’in­for­ma­tion) – très con­tro­ver­sée – s’abstient de fix­er de manière défini­tive une telle qual­i­fi­ca­tion, et ne se fonde que sur une déf­i­ni­tion émise en com­mis­sion, qui stip­ule que « Toute allé­ga­tion ou impu­ta­tion d’un fait dépourvu d’éléments véri­fi­ables de nature à la ren­dre vraisem­blable con­stitue une fausse information. »

Dans sa déci­sion du 20 décem­bre 2018, le Con­seil con­sti­tu­tion­nel a émis une réserve d’in­ter­pré­ta­tion sur cette notion de « fausse infor­ma­tion ». Celle-ci ne peut s’ap­pli­quer qu’à « des allé­ga­tions ou impu­ta­tions inex­actes ou trompeuses d’un fait de nature à altér­er la sincérité du scrutin à venir. Ces allé­ga­tions ne recou­vrent ni les opin­ions, ni les par­o­dies, ni les inex­ac­ti­tudes par­tielles ou les sim­ples exagéra­tions. Elles sont celles dont il est pos­si­ble de démon­tr­er la faus­seté de manière objec­tive. […] Seule la dif­fu­sion de telles allé­ga­tions ou impu­ta­tions répon­dant à trois con­di­tions cumu­la­tives peut être mise en cause : elle doit être arti­fi­cielle ou automa­tisée, mas­sive et délibérée ». Ne sont con­cernées que « les fauss­es infor­ma­tions délibérées, donc celles pub­liées avec une pleine con­science de leur car­ac­tère fal­lac­i­eux et avec une claire inten­tion de nuire ».

[vii] Cf. Note d’orientation no 8 Intégrité de l’information sur les plate­formes numériques

[viii] Cf. le dossier établi par la Com­mis­sion européenne sur Lutte con­tre la dés­in­for­ma­tion en ligne

[ix] Les spé­cial­istes de ces ques­tions ont iden­ti­fié une trentaine de tech­niques de manip­u­la­tion ayant fait l’ob­jet de recherch­es sci­en­tifiques et dont l’ef­fi­cac­ité est expéri­men­tale­ment prouvée.

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