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Coup de projecteur sur la restitution officielle des États généraux de l’information 2024. Troisième partie

1 octobre 2024

Temps de lecture : 10 minutes
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Coup de projecteur sur la restitution officielle des États généraux de l’information 2024. Troisième partie

Temps de lecture : 10 minutes

Coup de projecteur sur la restitution officielle des États généraux de l’information 2024. Deuxième partie : les propositions et recommandations du groupe de travail « Citoyenneté, information et démocratie ».

Le présent arti­cle pour­suit les inves­ti­ga­tions de l’OJIM entre­pris­es sur les dif­férents travaux réal­isés lors des États généraux de l’information (EGI).

Il pro­pose un coup de pro­jecteur sur ce qui ressort sché­ma­tique­ment du rap­port rédigé par le groupe de tra­vail « Citoyen­neté, infor­ma­tion et démoc­ra­tie », présidé par Pas­cal Ruf­fe­nach, prési­dent, directeur général du groupe Bayard.

Ici encore, la com­po­si­tion du groupe de tra­vail, les exper­tis­es mobil­isées, les références sur lesquelles se sont appuyés les analy­ses et la méthodolo­gie retenue ont per­mis d’aborder ce thème avec une com­pé­tence et une rigueur tech­niques et juridiques que reflète par­faite­ment la qual­ité de la par­tie du rap­port glob­al[i] qui s’y rap­porte (pages 117 à 163).

Dans un préam­bule par­ti­c­ulière­ment bien étayé, ce groupe de tra­vail a souligné la forte sin­gu­lar­ité de sa thé­ma­tique très (trop ?) vaste qui « intè­gre une dimen­sion socié­tale con­séquente puisqu’elle vise à appréhen­der, com­pren­dre les sous-jacents des rela­tions liant infor­ma­tion, démoc­ra­tie et citoyen­neté », tout en dégageant « le principe d’un rap­port fort et déter­mi­nant entre le fonc­tion­nement de la démoc­ra­tie et la capac­ité d’accès à une infor­ma­tion riche et plurielle », en cher­chant à l’appréhender à la fois comme une ressource et un bien pub­lic essen­tiel dont toutes les par­ties prenantes répondent.

Des constats objectifs et sans équivoque

Ce préam­bule pose les con­stats suivants :

→ Un fort intérêt des Français pour l’information

→ Une crois­sance de la défi­ance envers les médias et les journalistes

→ Le développe­ment d’une « fatigue infor­ma­tion­nelle », voire de « rap­ports pathologiques à l’information »

→ Un accès des Français à l’information en pleine trans­for­ma­tion, avec des dif­férences sig­ni­fica­tives entre jeunes et seniors.

→ Un fort impact des médias sur la qual­ité du débat démoc­ra­tique, de plus en plus polar­isé autour de débats où les faits et les opin­ions sont mis sur le même plan et où des experts poly­va­lents sur l’ensemble des sujets (poli­tique, économie, sujets soci­aux et socié­taux, écolo­gie, cul­ture, etc.) s’expriment sur un mode polémique et par­fois caricatural.

→ Un manque de cul­ture sci­en­tifique et économique des jour­nal­istes, avec seule­ment quelques heures dédiées dans les écoles, dont les cur­sus priv­ilégient l’apprentissage des tech­niques de jour­nal­isme (jour­nal­iste de presse écrite, jour­nal­iste web, etc.). Ce manque est le reflet du niveau de la pop­u­la­tion générale, mais il présente un enjeu par­ti­c­uli­er en ce qui con­cerne les médias compte tenu de leur place dans la société et de leur rôle dans la for­ma­tion des citoyens.

→ La place gran­dis­sante des réseaux soci­aux, non régulés, dans les pra­tiques infor­ma­tion­nelles, sans out­il de véri­fi­ca­tion ou de fia­bil­i­sa­tion de l’information délivrée, et le développe­ment des fauss­es infor­ma­tions, qui frag­ilisent le lien de con­fi­ance entre les citoyens et les médias.

→ La néces­sité de ren­forcer l’éthique de l’information, tout par­ti­c­ulière­ment dans le con­texte de muta­tions tech­nologiques où des out­ils d’intelligence arti­fi­cielle dite généra­tive sont en mesure de rédi­ger des arti­cles ou de con­cevoir des images sur demande (deep fake)

→ Des règles régis­sant le plu­ral­isme des courants d’idées et des opin­ions, de plus en plus inadap­tées à un paysage en muta­tion et qui gag­n­eraient à être modernisées.

→ Une faib­lesse glob­ale de l’éducation aux médias encore trop dis­parate et ponctuelle, qui ne doit pas se lim­iter à la pop­u­la­tion des écoles ou de l’enseignement sec­ondaire, mais s’étendre à l’ensemble des citoyens.

20 propositions de portée et de nature très variées

Les 20 propo­si­tions émis­es se rap­por­tent aux trois prob­lé­ma­tiques suivantes :

  • Établir les voies et moyens per­me­t­tant de faire émerg­er en France un nou­veau mod­èle de « société à mis­sion d’in­for­ma­tion » (prob­lé­ma­tique A)
  • Revis­iter les proces­sus qui tra­versent l’univers des pro­duc­teurs de l’information : ren­forcer la qual­ité de la for­ma­tion des jour­nal­istes ; amélior­er la diver­sité et la représen­ta­tiv­ité sociale des jour­nal­istes dans les rédac­tions ; les droits et devoirs des jour­nal­istes : mieux pro­téger les jour­nal­istes et leurs sources et retiss­er de la con­fi­ance avec le pub­lic ; favoris­er une infor­ma­tion de qual­ité (prob­lé­ma­tique B)
  • Recon­naître la néces­sité de traiter les enjeux asso­ciés à une citoyen­neté de l’in­for­ma­tion et en stim­uler les proces­sus : l’é­d­u­ca­tion aux médias ; une citoyen­neté de l’in­for­ma­tion au XXIe siè­cle ; dévelop­per l’e­sprit cri­tique et lut­ter con­tre le com­plo­tisme : un enjeu démoc­ra­tique à tous les âges de la vie ; jour­nal­isme et éthique de la dis­cus­sion ; dévelop­per une poli­tique publique de san­té infor­ma­tion­nelle (prob­lé­ma­tique C).

10 fiches de proposition en trois problématiques

Ces propo­si­tions ont été rassem­blées dans 10 fich­es de propo­si­tions trai­tant plus spé­ci­fique­ment des thé­ma­tiques suivantes :

En lien avec la prob­lé­ma­tique A :

  • Fiche de propo­si­tions n°1 : La société à mis­sion d’information

En lien avec la prob­lé­ma­tique B :

  • Fiche de propo­si­tions n°2 : Ren­forcer la qual­ité de la for­ma­tion des journalistes
  • Fiche de propo­si­tions n° 3 : Amélior­er la diver­sité et la représen­ta­tiv­ité sociale des jour­nal­istes dans les rédactions
  • Fiche de propo­si­tion n°4 : Les droits et devoirs des jour­nal­istes : mieux pro­téger les jour­nal­istes et leurs sources et retiss­er de la con­fi­ance avec le public
  • Fiche de propo­si­tion n°5 : Favoris­er une infor­ma­tion de qualité

En lien avec la prob­lé­ma­tique C :

  • Fiche de propo­si­tion n°6 (dénotée 5, par erreur) : L’éducation aux médias
  • Fiche de propo­si­tion n°7 : Une citoyen­neté de l’information au XXIe siècle
  • Fiche de propo­si­tion n° 8 : Dévelop­per l’esprit cri­tique et lut­ter con­tre le com­plo­tisme : un enjeu démoc­ra­tique à tous les âges de la vie
  • Fiche de propo­si­tion n°9 : Jour­nal­isme et éthique de la discussion
  • Fiche de propo­si­tion n° 10 : Dévelop­per une poli­tique publique de san­té informationnelle

Propo­si­tion 1 : Créer une qual­ité de « société à mis­sion d’information » dans la loi Pacte du 22 mai 2018 pour recon­naitre l’information comme un bien com­mun.[ii]

Propo­si­tion 2 : Ren­forcer les mesures de pro­tec­tion des rédac­tions face à un poten­tiel inter­ven­tion­nisme édi­to­r­i­al de l’actionnaire.

Propo­si­tion 3 : Repenser les critères d’attribution des aides à la presse pour con­solid­er un paysage infor­ma­tion­nel pluraliste.

Propo­si­tion 4 : Généralis­er la démarche de cer­ti­fi­ca­tion externe de la pro­duc­tion de l’information à l’instar du JTI pro­mue par le Media Free­dom Act.

Propo­si­tion 5 : Val­oris­er et accom­pa­g­n­er une meilleure représen­ta­tion des citoyens dans les struc­tures de gou­ver­nance des médias, instances de régu­la­tion comprises.

Propo­si­tion 6 : Favoris­er, par toute démarche ou inci­ta­tion adap­tée, les passerelles entre for­ma­tions au jour­nal­isme et for­ma­tion économique et/ou scientifique.

Propo­si­tion 7 : Réformer la pro­tec­tion du secret des sources.

Propo­si­tion 8 : Réformer le secret des affaires en abro­geant la loi du 30 juil­let 2018 qui est source de trop fortes atteintes à la lib­erté de la presse.

Propo­si­tion 9 : Éla­bor­er une charte de bonnes pra­tiques au sujet du recours aux inter­venants « experts » notam­ment sur les plateaux des chaînes d’information continue. 

Propo­si­tion 10 : Déploy­er un plan nation­al d’amélioration du « bien-être » au tra­vail des journalistes.

Propo­si­tion 11 : Déploy­er une poli­tique publique ambitieuse et unifiée de cul­ture de l’information à tous les âges de la vie en bâtis­sant un référen­tiel commun.

Propo­si­tion 12 : Inté­gr­er la cul­ture de l’information dans les pro­grammes sco­laires avec 1h/semaine dès le CM1.

Propo­si­tion 13 : Instau­r­er un finance­ment de 1% pour la cul­ture de l’information à tout âge de la vie des GAMAM se soustrayant à leurs oblig­a­tions fis­cales nationales.

Propo­si­tion 14 : Impli­quer les citoyens dans la prise de déci­sion des instances de coor­di­na­tion, d’aide et de régu­la­tion des médias (CESE).

Propo­si­tion 15 : Favoris­er le finance­ment des asso­ci­a­tions d’usagers au sein des instances de régu­la­tions nationales type l’Arcom.

Propo­si­tion 16 : Déploy­er le « pass-Info » pour lut­ter con­tre la pré­car­ité infor­ma­tion­nelle des citoyens.

Propo­si­tion 17 : Soutenir la recherche pour mesur­er effi­cace­ment l’impact des for­ma­tions en matière d’esprit cri­tique à tous les âges de la vie.

Propo­si­tion 18 : En péri­ode pré-élec­torale, ren­forcer la préven­tion de la désinformation.

Propo­si­tion 19 : Instau­r­er une véri­ta­ble poli­tique publique visant à lim­iter les impacts de l’information sur la san­té à tous les âges de la vie, mais qui portera une atten­tion par­ti­c­ulière à l’enfance et à la jeunesse.

Propo­si­tion 20 : Créer une coali­tion de médias pour lancer et adapter l’initiative “My coun­try talks” en France.

Que peut-on en retenir ?

Abor­dant des sujets fon­da­men­taux, ces résul­tats jouis­sent d’une pub­lic­ité / vis­i­bil­ité impor­tante dans la syn­thèse glob­ale, le comité de pilotage ayant réservé une place par­ti­c­ulière­ment impor­tante à cinq de ces recom­man­da­tions (soit un tiers de ses pro­pres recom­man­da­tions)[iii].

Etablies sur la base d’analyses claires, pré­cis­es, bien que par­fois naïves et traduisant un souci de mise en con­for­mité avec une doxa dom­i­nante en France comme au sein de l’Union européenne (sur des sujets comme les com­plots, l’information rel­a­tive à la san­té, etc.), il sem­ble qu’un plus grand nom­bre de propo­si­tions émis­es par ce groupe de tra­vail pour­raient être mis­es en œuvre sans grandes dif­fi­cultés par les instances concernées.

Le rap­por­teur général des EGI ayant eu la sagesse de remet­tre au cab­i­net élyséen la total­ité des doc­u­ments émis par les dif­férents groupes de tra­vail, peut-être pour­rions-nous voir appa­raître dans les mois à venir des suites con­crètes à ces dif­férentes propositions.

À suiv­re !

Notes

[i] Cf. Le rap­port des États généraux de l’information

[ii] « À date, aucun statut con­cer­nant les action­naires des médias ne préex­iste dans le droit. Ce statut aura à la fois mérite d’encadrer et de val­oris­er l’investisseur. La qual­ité de « société à mis­sion d’information » serait une pro­lon­ga­tion des dis­po­si­tions intro­duites en 2019 pour les médias d’information poli­tique et général­iste, dans une logique d’obligations ren­for­cées en con­trepar­tie, notam­ment, en con­trepar­tie des aides de l’État à l’information – étant pré­cisé que cette qual­ité ne serait pas réservée aux organes de presse écrite, tous les médias étant éli­gi­bles, et qu’aucune oblig­a­tion de seuil de salariés ni de chiffre d’affaires min­i­mal ne serait prévue par ailleurs. La société devrait préal­able­ment avoir été recon­nue comme « société à mis­sion » avant de pou­voir être éli­gi­ble à cette nou­velle qual­ité – qui n’est en aucun cas, comme la « société à mis­sion » de base, un statut. Les dis­po­si­tions auraient voca­tion à fig­ur­er dans le code de com­merce ou dans une loi ad hoc. Les oblig­a­tions cor­re­spon­dantes (au nom­bre de 6) présen­tent pour point com­mun de pro­duire des exter­nal­ités pos­i­tives pour la société dans son ensem­ble, qui dépassent le strict intérêt de l’entreprise – con­for­mé­ment à l’esprit qui avait présidé à la créa­tion des « sociétés à mis­sion », visant à ce qu’elles pour­suiv­ent des objec­tifs soci­aux et envi­ron­nemen­taux en plus de l’objectif de réal­i­sa­tion de prof­it. » (extrait du rap­port global)

[iii] Les 5 propo­si­tions de ce groupe de tra­vail retenues par le comité de pilotage :

Propo­si­tion 1 : Faire de l’éducation à l’esprit cri­tique et aux médias à l’école une priorité 

Propo­si­tion 2 : Neu­tralis­er la dés­in­for­ma­tion par une sen­si­bil­i­sa­tion préven­tive à grande échelle (pre-bunk­ing)

Propo­si­tion 3 : Éten­dre la qual­ité de société à mis­sion aux entre­pris­es d’information

Propo­si­tion 4 : Amélior­er la gou­ver­nance des médias d’information

Propo­si­tion 5 : Ren­forcer la pro­tec­tion du secret des sources et légifér­er con­tre les procédures-bâillons

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