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La race à l’honneur chez Mediapart ! Coup de gueule

3 octobre 2024

Temps de lecture : 11 minutes
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La race à l’honneur chez Mediapart ! Coup de gueule

Temps de lecture : 11 minutes

La propagande, le martèlement idéologique constant, est un fond sonore devenu véritable bande son de nos vies ; elle agit sur notre inconscient à la manière de la musique, qui selon Platon « pénètre à l’intérieur de l’âme et s’empare d’elle de la façon la plus énergique. »

Un envoûtement quasi musical

Vladimir Jankélévitch écrit, à pro­pos de cette immix­tion qui relève de l’en­voûte­ment, dans La musique et l’in­ef­fa­ble :

« Cette opéra­tion irra­tionnelle et même inavouable s’ac­com­plit en marge de la vérité : aus­si tient-elle plus de la magie que de la sci­ence démon­stra­tive ; celui qui veut non point nous con­va­in­cre par des raisons, mais nous per­suad­er par des chan­sons, met en œuvre un art pas­sion­nel d’a­gréer, c’est-à-dire de sub­juguer en sug­gérant, et d’asservir l’au­di­teur par la puis­sance fraud­uleuse et char­la­tane de la mélodie, de l’ébran­ler par les pres­tiges de l’har­monie et par la fas­ci­na­tion des rythmes : il s’adresse pour cela non pas à la par­tie logis­tique et rec­trice de l’e­sprit, mais à l’ex­is­tant psy­cho­so­ma­tique dans son ensem­ble ; si le dis­cours math­é­ma­tique est une pen­sée qui veut se faire com­pren­dre d’une autre pen­sée en lui devenant trans­par­ente, la mod­u­la­tion musi­cale est un acte qui pré­tend influ­encer un être ; et par influ­ence il faut enten­dre, comme en astrolo­gie ou en sor­cel­lerie, causal­ité clan­des­tine, manœu­vres illé­gales et pra­tiques noires. »

Rem­placez le terme « musique » par « idéolo­gie », « musi­cal » par « idéologique » et vous obtenez l’im­age exacte d’une opéra­tion de propagande.

Ajar, Ajar, Ajar !

Cepen­dant, il y a aus­si des bonnes nou­velles au pays des médias, ne soyons pas des esprits cha­grins sys­té­ma­tiques et par pure pos­ture. Les réflex­es doivent faire place à la réflex­ion. Sachons nous réjouir ! De splen­dides hosan­nahs devraient accueil­lir cette annonce du jour­nal Medi­a­part : la créa­tion d’un poste de « respon­s­able édi­to­ri­ale aux ques­tions raciales » dévolu à Sab­ri­na Kas­sa, jour­nal­iste et éditrice. Soyez cer­tains que les voûtes célestes ont bien fail­li cra­quer, les con­stel­la­tions se pul­véris­er dans un poudroiement enflam­mé d’é­toiles ago­nisantes. Pour être plus prosaïque, nous sommes devant ce qu’il est con­venu d’ap­pel­er un événe­ment. Et tout cela sous la recom­man­da­tion de l’Ajar, l’as­so­ci­a­tion des jour­nal­istes antiracistes et racisé.es. Il fal­lait qu’en ter­mes inclusifs cela fût dit pour ren­dre toute la beauté de la chose, l’écri­t­ure incluse se révélant aus­si belle, à bien y regarder, qu’un idéo­gramme chi­nois, et par­fois tout aus­si cryp­tique il faut bien le reconnaître.

La « chance de la France » selon Plenel

Sab­ri­na Kas­sa a bien pris soin de jus­ti­fi­er la créa­tion de ce poste. Était-ce bien néces­saire ? Nous ne devons cette politesse super­fé­ta­toire qu’à la générosité d’un média soucieux de ses souscrip­teurs. Un scrupule bien exces­sif, m’est avis, tant ces choses-là vont de soi et sont mar­quées au coin de la plus pure bien­veil­lance qui se puisse con­cevoir. Un tel poste sur le média dirigé par Edwy Plenel est for­cé­ment une bonne idée. Ce dernier a en effet déclaré au micro de Jean-Jacques Bour­din sur BFM TV le 15 sep­tem­bre 2014 :

« Pour la France c’est une immense chance d’être le pre­mier pays musul­man d’Europe ».

La ques­tion iden­ti­taire et raciale est donc entre de bonnes mains !

Un responsable aux questions raciales…

Résumons pour savoir de quoi il s’ag­it au juste. Il nous est dit, en pro­pos lim­i­naire, que « Medi­a­part a décidé de créer début sep­tem­bre une fonc­tion de « respon­s­able édi­to­r­i­al aux ques­tions raciales », inspiré du poste dédié aux ques­tions de genre, créé en 2020, au sein de la rédac­tion. » De quoi ras­sur­er bon nom­bre de scep­tiques, crain­tifs et autres êtres voués par atavisme aux pas­sions tristes ! Tout ceci se situe dans un cadre con­ceptuel et théorique d’une qual­ité incon­testable puisque c’est « inspiré du poste dédié aux ques­tions de genre ». Mais les ennuis com­men­cent… En effet, après l’ef­fer­ves­cence, il est temps de laiss­er la déplo­ration faire son entrée : « Le mot est tabou, il a même été rayé de la Con­sti­tu­tion au nom des valeurs qui sont cen­sées nous ani­mer. » Voyez cette admirable pru­dence au pas­sage : « cen­sées nous ani­mer » per­met de se rap­pel­er qu’il reste – et nous ver­rons que ça n’a rien de résidu­el ou de mar­gin­al mais tout de sys­témique – des per­son­nes qui ne sont pas ani­mées par ces valeurs, mais alors sont-elles mêmes ani­mées par quoi que ce soit hormis la haine, sont-elles mêmes des per­son­nes tout court ?

La race, vous la voulez avec ou sans soufre ?

« Par­ler de « race » aujour­d’hui en France sus­cite des polémiques sans fin ». On se demande bien à cause de qui… Ce sont les mêmes qui – savourons l’ironie – ont exer­cé leur ter­reur politi­co-lin­guis­tique autour de l’emploi du mot « race », devenu pro­hibé par leurs décrets épis­co­paux, qui met­tent au cœur de leur vision du monde le con­cept de race aujour­d’hui. Vous les trou­vez culot­tés ? Si peu, si peu. Ils ont peut-être décou­vert que le mot « chien » n’aboie pas et que le mot n’é­tant pas la chose, ils pou­vaient trou­ver dans ce voca­ble, tout compte fait, un for­mi­da­ble levi­er pour leur entre­prise idéologique. Et ras­surez-vous : le mot « race » n’a une saveur de soufre qu’à la con­di­tion d’être pronon­cée par un Renaud Camus, par exem­ple, mot auquel il con­sacra un ouvrage. Quand ce mot est dég­lu­ti savam­ment par un mil­i­tant décolo­nial ou une Rokhaya dial­lo, il se déroule tran­quille­ment, dans la sou­p­lesse soyeuse des vestales pré­posées à la défense du Bien en soi, sans pla­ton­isme exces­sif il s’en­tend – ce qui ren­ver­rait à l’essen­tial­isme con­spué par biais antiraciste mais c’est encore une autre question…

D’un Camus l’autre

« Le mot « race » fait peur. Nous le savons bien », assène Sab­ri­na Kas­sa. Avant de pour­suiv­re : « Il évoque l’esclavagisme, le colo­nial­isme le nazisme. » Là, je me per­me­t­trais quelques objec­tions, le mot « race » a sou­vent servi de tout autres objec­tifs, le petit livre de Renaud Camus pour­rait éclair­er la lanterne de medi­a­part à ce pro­pos. Prenez par exem­ple ce juge­ment d’Al­bert Camus à l’en­droit de Bernanos : « Cet écrivain de race mérite le respect et la grat­i­tude de tous les hommes libres. » Trou­vez l’évo­ca­tion de l’esclavagisme, du colo­nial­isme et du nazisme dans cette occur­rence, si vous le pou­vez. J’avoue que mes com­pé­tences en matière lin­guis­tique ne vont pas jusque-là. Je noterais sim­ple­ment que la mer­veilleuse poly­sémie du mot « race » leur est étrangère.

La Novlangue dans ses œuvres

Dominique Ven­ner pre­scrivait de « se délivr­er de la fas­ci­na­tion des mots », en ceci très proche de Valéry qui procé­dait avant toute inves­ti­ga­tion intel­lectuelle à ce qu’il appelait un « net­toy­age de la sit­u­a­tion ver­bale », sorte de procédé pro­phy­lac­tique des­tiné à déjouer les pres­tiges du vague, de l’indéter­miné, de l’équiv­oque, du trou­ble. Les prob­lé­ma­tiques lin­guis­tiques provo­quent des ember­li­fi­co­tages inouïs, aux nodosités retors­es, rai­son de plus pour  appli­quer cette recom­man­da­tion avant d’évo­quer ces ques­tions, ce qui ne serait pas du luxe pour cer­tains… Sab­ri­na Kas­sa, elle, nous informe que « la bataille des mots – notre ter­rain de jeu – est à ce sujet, essen­tielle. Pour la men­er, il faut porter la plume dans la plaie, en par­lant plus franche­ment de la race (la racial­i­sa­tion, la raci­sa­tion…), la blan­chité, les priv­ilèges, etc. Mais avec justesse et clarté. Ce champ nous intéresse en tant que jour­nal­istes – nous comp­tons éla­bor­er un glos­saire et un guide des bonnes pra­tiques. » Oui, ça s’ap­pelle la novlangue, Orwell l’a déjà évo­quée dans un livre fameux.

Mediapart lave plus blanc !

Dans la per­spec­tive du mou­ve­ment décolo­nial – bien mal nom­mé — la dis­so­lu­tion de la « blan­chité » sem­ble indis­pens­able pour per­me­t­tre l’as­somp­tion des minorités éter­nelle­ment opprimées, comme si cette oppres­sion était, pour les blancs, une occu­pa­tion à plein temps, une préoc­cu­pa­tion de tous les instants ! Para­noïa ? Allons, allons… Rien de nou­veau sous le soleil, saint Coluche avait procédé à la même annu­la­tion du blanc, du français de souche, pour per­me­t­tre une adhé­sion facil­itée aux thès­es de l’an­tiracisme insti­tu­tion­nel. Voici les pro­pos que ce dernier a tenus le same­di 8 juin 1991, lors du sep­tième con­cert annuel de S.O.S Racisme : « Les français sont pas français : la France est au milieu du reste et tout le monde passe par là… Dans notre his­toire, toutes nos mères ont été vio­lées, sauf celles qui n’ont pas voulu. »  « Tout le monde passe par là », sous-enten­du tout le monde doit con­tin­uer à pass­er par là, exit par con­séquent la moin­dre vel­léité ou ten­ta­tive de con­trôler les flux migra­toires. Com­men­taire de Paul Yon­net : « L’at­ten­tion doit être immé­di­ate­ment attirée sur le fait que cet élé­ment per­sis­tant de la base antiraciste lie explicite­ment – et de façon spon­tanée – l’ex­tinc­tion d’un fait nation­al français – et même du fait nation­al français – à la trans­for­ma­tion de sa com­po­si­tion eth­nique. C’est là une con­cep­tion racial­iste de la nation qui donne rai­son à tous ceux qui dis­ent vouloir sauve­g­arder l’ho­mogénéité eth­nique de l’Hexa­gone pour que la France puisse per­sis­ter dans un être pro­fond. » Cul­ture du viol excep­tée, cette con­cep­tion des choses – ou plutôt cette rhé­torique — n’a pas beau­coup var­ié : il faut dis­soudre le fait français pour avalis­er une société mul­tira­ciale et aujour­d’hui la « blan­chité », fac­teur d’op­pres­sion sys­témique, uni­verselle, total­i­taire et cos­mique. Ce néo-antiracisme n’est finale­ment pas si nova­teur… Il a seule­ment accom­pli sa mue et per­fec­tion­né ses élé­ments de lan­gage pour don­ner l’im­pres­sion d’une forte char­p­ente idéologique, le tra­vail sur la séman­tique se sub­sti­tu­ant au sens du réel.

Racisme de la logique

Vous trou­vez que l’an­tiracisme, nou­velle et anci­enne manière est une offense faite à la logique, mais la logique c’est raciste chers lecteurs ! Jean-François Braun­stein, dans La reli­gion woke, nous le rap­pelle oppor­tuné­ment : « Mais l’idéolo­gie woke n’est pas qu’un sno­bisme pas­sager et sans con­séquences. On a affaire à des mil­i­tants qui s’en­t­hou­si­as­ment pour leur cause. Ce ne sont plus des uni­ver­si­taires, mais des com­bat­tants au ser­vice d’une idéolo­gie qui donne sens à leur vie. Quiconque a eu l’oc­ca­sion de ten­ter de débat­tre avec des wokes com­prend très bien qu’il a affaire, au min­i­mum, à des ent­hou­si­astes, et dans bien des cas à ce que Kant nom­mait des « vision­naires ». Il suf­fit de con­sul­ter l’une des nom­breuses vidéos qui rela­tent la prise de pou­voir des wokes à l’u­ni­ver­sité d’Ev­er­green aux Etats-Unis pour com­pren­dre qu’il n’est pas envis­age­able d’ar­gu­menter avec ces jeunes mil­i­tants, assez com­pa­ra­bles aux gardes rouges chi­nois durant la révo­lu­tion cul­turelle. Comme le résume très bru­tale­ment l’un des agresseurs de Bret Wein­stein, le seul pro­fesseur qui ait eu le courage de résis­ter à ces mil­i­tants et qui essayait de les raison­ner : « Arrête de raison­ner, la logique c’est raciste. » Cette affir­ma­tion résume la rad­i­cal­ité d’un mou­ve­ment inac­ces­si­ble à la rai­son. »Toute cette rhé­torique fonc­tionne à la manière des dis­cours religieux et nous en sommes au point où, selon le mot de Niet­zsche, « on a con­sid­éré la valeur de ces valeurs comme don­née, comme réelle, comme au-delà de toute mise en question. »

Philip K. Dick dépassé

Inac­ces­si­ble à la rai­son, nous dit Braun­stein, en effet et quand on apprend (Fron­tières) qu’ « un antifa « déter­miné à tuer », a ten­té d’assassiner le maire de la ville de Saint-Brieuc. Équipé d’un grand couteau, le mil­i­tant d’extrême gauche, qui a été inter­pel­lé, avait déjà traité Hervé Gui­hard, l’édile de la ville, de « nazi ». » On se dit que cer­tains vivent dans des mon­des par­al­lèles, une uchronie du type « Le maître du Haut-Château », roman de Philip K. Dick qui imag­ine un monde d’après la sec­onde guerre mon­di­ale, mais, cette fois-ci, où les puis­sances de l’axe ont été vic­to­rieuses. C’est une des forces de la pro­pa­gande gauchiste : faire croire – tout en étant archi-dom­i­nant idéologique­ment – qu’on lutte con­tre des oppres­sions sys­témiques et tous azimuts, imag­i­naire com­plo­tiste autorisé seule­ment à gauche bien entendu.

Déni de réalité et bonne conscience

Selon Medi­a­part « la représen­ta­tion qual­i­ta­tive de per­son­nes vues comme « non blanch­es » demeure iné­gale avec des rôles d’im­por­tance mais à con­no­ta­tion néga­tive. Si elles sont plus sou­vent vues dans des pre­miers rôles, elles sont sur­représen­tées dans les rôles à con­no­ta­tion néga­tive et sous-représen­tées dans les rôles à con­no­ta­tion pos­i­tive. » Ils ont Net­flix, Dis­ney Plus, Google, Face­book, avec eux mais ils se vivent comme des chré­tiens relégués dans les cat­a­combes du temps des per­sé­cu­tions sous l’empire romain. C’est grotesque ! Samuel Fitous­si, dans woke fic­tion, rap­porte cette déc­la­ra­tion révéla­trice de Dana Walden, prési­dente de Dis­ney Télévi­sions Stu­dios, le 9 avril 2021 : « Nous recevons par­fois des scé­nar­ios mag­nifique­ment écrits qui ne rem­plis­sent pas nos con­di­tions d’in­clu­siv­ité, et nous les refu­sons ». Gageons que Medi­a­part et sa respon­s­able édi­to­ri­ale à la ques­tion raciale, rece­vant des nou­velles du réel, attes­tant abon­dam­ment d’un racisme anti-blanc qui se déchaîne avec vio­lence – par­fois, trop sou­vent meur­trière – les refusera comme autant de scé­nar­ios ne respec­tant pas leur charte d’in­clu­siv­ité, au mépris des vic­times, dont les souf­frances ne sem­blent pas égratign­er le moins du monde leur bonne con­science, cette forter­esse impren­able qui s’éd­i­fie sur la fas­ci­na­tion des mots et se bar­ri­cade der­rière le déni de réalité.

Jean Mon­talte