D’aucuns prétendent que les OQTF (obligation de quitter le territoire français) ont mauvaise presse par les temps qui courent. Les français en entendent le plus souvent parler à propos d’affaires criminelles effroyables, d’actes terroristes, d’insécurité de manière générale, en sus d’une clandestinité qui, à ma connaissance, est toujours frappée d’illégalité en France. En pleine polémique sur les OQTF, donc, et après le meurtre de Philippine qui a profondément bouleversé les Français, le service public fait la promotion d’un acteur guinéen sous OQTF. Trois demandes de régularisation rejetées suffisent à faire d’un homme, Abou Sangaré, l’idole des médias, la personnalité du moment, à faire reluire sur les deniers publics. Sonia Devillers qui officie sur France Inter et Anne-Élisabeth Lemoine, qui anime l’émission C à vous sur France 5, se sont particulièrement illustrées dans cet exercice. Libération ne fut pas en reste ; leur absence aurait empêché que le tableau fût complet. Cerise sur le gâteau, le monde du cinéma, au festival de Cannes, lui décernera le Prix d’interprétation masculine dans la section Un certain Regard.
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Fable moderne, un OQTF à Cannes
C’est une histoire où tout le monde chiale, comme sait nous en concocter notre grande bourgeoisie humaniste : Abou Sangaré sur le plateau de C à vous, les festivaliers à Cannes, comme le rapporte Télérama, ce bréviaire pour néo-dévots qui arbitre les élégances mondaines :
« C’est en larmes et les mains en feu à force d’applaudir que nombre de festivaliers ont salué cette odyssée cruelle d’un livreur guinéen sans papiers ».
Cette odyssée, c’est l’histoire de Souleymane, personnage du long-métrage de Boris Lojkine. Un film que Libération présente ainsi : « L’Histoire de Souleymane », un livreur à vélo se débat pour survivre et obtenir ses papiers. Un film de Boris Lojkine, vu à Cannes, qui dépeint le quotidien de ces travailleurs corvéables à merci comme une course d’obstacles permanente. »
Abou, héros d’une nouvelle Odyssée ?
Cette odyssée, c’est bien plus l’histoire d’Abou Sangaré, qui se heurte aux Calypso, Cyclope – l’administration borgne qui ne sait pas voir le cœur pur du jeune acteur – et autres écueils ulysséens. Sans doute y a‑t-il de la houle dans ce drame, et des vagues, mais ce ne sont pas toujours celles auxquelles on pense. Anne-Elisabeth Lemoine, sur le plateau de C à vous évoque elle aussi une Odyssée, à la suite de Télérama. Doit-on rappeler, pour ceux qui dorment au fond, que l’Odyssée est le récit d’un retour pour Ulysse à l’ïle de naissance, Ithaque ? La fin d’un exil ? Donc, si nous voulons voir dans ce récit touchant une véritable odyssée, il n’y a pas meilleur moyen que d’exécuter l’obligation de quitter le territoire. Pour rappel, Ulysse ne quitte pas Ithaque de gaîté de cœur et son périple consiste précisément à rentrer chez lui.
Voir aussi : Anne-Élisabeth Lemoine, portrait
Lola et Philippine oubliées
La dernière affaire en date qui a éveillé une vague d’indignation fort justifiée au sujet des OQTF, c’est le meurtre de Philippine. À chaque fois, on se dit que c’est la fois de trop, que les français ne pourront plus tolérer une telle situation où gabegies administratives, laxisme judiciaire et incurie politique rivalisent pour entériner le pourrissement de la situation sécuritaire sur le territoire national. Tout le monde ne partage pas, évidemment, ce sentiment de ras-le-bol et trouve plus séant de faire un « pied de nez à l’actualité politique », c’est-à-dire le meurtre d’une Philippine ou d’une Lola, qui n’auront pas droit à la commisération des gauchistes, réservant ce réservoir de bon sentiment – qu’ils ont pourtant illimité — à tout ce qui peut dissoudre l’identité nationale. C’est le cas de Libération qui titre : « La révélation Abou Sangaré, primé et sans papiers ». Je cite le passage de cet article auquel je faisais allusion précédemment. Il vaut son pesant d’or : « Ce film ne pouvait pas sortir en salles à un meilleur moment. Incroyable pied de nez à l’actualité politique française alors que l’extrême droite agite le fantasme de la submersion migratoire, et que le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau donne aussi dans la surenchère.» Le moment est en effet rêvé…
Quant à évoquer « le fantasme de la submersion migratoire », ça relève de la formule creuse qui est censée nous intimider, nous empêcher de regarder les choses telles qu’elles sont. Personne de sensé ne peut prétendre qu’une telle submersion n’a pas lieu, à moins d’avoir des intérêts concrets pour le faire, idéologiques ou financiers. Les deux peuvent faire bon ménage et ont le même pouvoir d’aveuglement et de falsification des âmes. La parole est d’argent, le silence est d’or dit le proverbe. Libération, à défaut de se la boucler, défend ses intérêts et ceux de Messieurs Drahi et Křetínský. C’est bien humain après tout.
Voir aussi : Křetínský passe la corde au cou de Libération
600.000 € d’argent public
Je disais que tout le monde ne partage pas l’indignation d’un nombre croissant de français au sujet de cette situation anormale mais ça n’empêche pas les français de payer pour faire la promotion de cette même situation. En effet, Destination Ciné révèle que « selon le plan de financement, « L’Histoire de Souleymane » a reçu… 600 000€ d’argent public. Le CNC, établissement public sous tutelle du Ministère de la Culture, a donc validé de faire travailler Abou Sangaré sans papiers, non régularisé 3 fois par la préfecture et sous OQTF. » Donc, non seulement nous payons mais nous payons pour un acte illégal pur et simple puisque l’article L‑8251–1 du code du travail stipule que « Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. »
L’argent touché par l’acteur va … à son passeur
Révélation sera faite sur France Inter, au micro complaisant de Sonia Devillers que l’argent touché par l’acteur lui a permis de payer son passeur. À cela Sonia Devillers ne trouve rien à redire. Et pourtant celle-ci fut plus sourcilleuse face à Marion Maréchal, lors des dernières élections, en lui posant cette question d’une neutralité journalistique exemplaire légèrement – très légèrement — teintée de mauvaise foi :
« Quelle différence y a‑t-il entre la défense de la famille que vous proposez vous et celle que proposait le maréchal Pétain ? »
Ce à quoi Marion Maréchal rétorquera :
« Cette interview me rappelle pourquoi je veux qu’on privatise France Inter. »
Ce rappel devrait être réitéré plus souvent, à mon avis, puisque cette chaîne est prise en otage par une idéologie bien identifiée, minoritaire au sein du peuple français, qui plus est, mais qui vit sur ses deniers sans scrupule. Et sans doute, pour faire un tir groupé, faudrait-il mettre une bonne partie du cinéma français au même régime, pour qu’il ne soit plus un cinéma de propagande qui produit des films que personne ne va voir et que tout le monde finance, pour le plaisir d’une petite caste parasite, qui impose au reste de la population une vision du monde qu’elle ne partage visiblement pas au vu des résultats électoraux récents.
Jean Montalte