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GPA : derrière le romantisme des médias, une réalité sordide. Deuxième partie

17 octobre 2024

Temps de lecture : 6 minutes
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GPA : derrière le romantisme des médias, une réalité sordide. Deuxième partie

Temps de lecture : 6 minutes

Suite de notre dossier.

Voir aus­si : GPA : der­rière le roman­tisme des médias, une réal­ité sor­dide. Pre­mière partie

Deuxième partie : le mensonge de la GPA éthique

GPA éthique, argument médiatique

La GPA éthique, une solution pour éviter les dérives ?

Les médias rétor­queront que les dérives à l’œuvre dans cer­tains pays pau­vres sont la preuve que la France doit autoris­er une « GPA éthique ». La Croix donne pour cela tri­bune à Valérie Depadt, maître de con­férence en droit privé. Selon elle, la GPA pra­tiquée au Québec est éthique parce que « c’est une pra­tique sans argent, qui prend en compte l’intérêt des cou­ples, des femmes et des enfants ». Selon elle, admet­tre la GPA en France « avec nos principes encadrés comme on sait le faire » lim­it­erait les dérives. « Nous avons la chance d’avoir en France des lois rel­a­tives à la bioéthique avec des grands principes respec­tés à la let­tre » explique-t-elle, sans paraître se souci­er des amende­ments suc­ces­sifs aux lois bioéthiques, qui mon­trent au con­traire qu’en France, dans ce domaine, la loi a ten­dance à suiv­re la pra­tique, et donc à ne main­tenir que faible­ment des limites.

La GPA éthique, un argument publicitaire

En réal­ité, la GPA ne peut pas être éthique, il ne s’agit que de mer­chan­dis­ing : les agences de mères por­teuses, qui ont bien com­pris que leurs clients veu­lent ignor­er qu’ils par­ticipent à la traite d’êtres humains, don­nent des con­signes strictes aux mères por­teuses. Ne pas par­ler d’argent avec les clients, main­tenir un dis­cours du mer­veilleux et du don. Les agences affirmeront qu’aucune ne veut faire par­tie de la vie de l’enfant. Le nar­ratif a très bien fonc­tion­né avec Marc-Olivi­er Fogiel, jour­nal­iste, dont l’histoire est racon­tée par Paris Match. La renon­ci­a­tion de la mère por­teuse à ses droits n’est pas un sac­ri­fice mais une « for­mal­ité admin­is­tra­tive », qui ne pose aucun prob­lème puisqu’elle est dans une « démarche altru­iste ». La mère por­teuse du cou­ple décrit sa charge comme une « voca­tion » et affirmera qu’il « n’y a pas de lien à défaire puisqu’elle n’en a jamais tis­sé » avec l’enfant.

Les mères porteuses en deuil

Les médias repren­nent cette vision de femmes heureuses et fières de don­ner la vie pour les autres, et bien peu pren­nent la peine de faire des recherch­es dignes de ce nom. Ou bien peut-être l’ont-ils fait, et ont-ils choisi d’évacuer les résul­tats de leurs recherch­es. Car la réal­ité est un peu dif­férente. Cer­taines font état de douleurs et de « deuil », et regret­tent une « pos­i­tiv­ité tox­ique » au sein des agences. Le Tele­graph rap­porte les pro­pos de l’une de ces femmes : « on vous présente cela comme quelque chose de mer­veilleux, un bel acte dés­in­téressé qui ne pour­ra que vous ren­dre heureuse, alors que je me sens util­isée, manip­ulée et dévastée. »

La GPA, un marché de l’enfant

Un eugénisme soigneusement tu

Dans une ges­ta­tion par autrui, le cou­ple qui achète un enfant souhaite qu’il ait cer­taines car­ac­téris­tiques. Le choix des gamètes qui vont con­stituer l’embryon per­met de choisir son sexe, sa taille, la couleur de ses yeux, et même son quo­tient intel­lectuel, par une tech­nique dévelop­pée en Chine. Le sperme danois est par­ti­c­ulière­ment prisé pour ses fortes prob­a­bil­ités de provenir d’un grand blond digne de l’héritage viking. Quant à savoir ce qui peut arriv­er aux embryons qui, une fois implan­tés, se révè­lent déce­vants, ils sont évidem­ment avortés. Une agence pré­cise que si les « par­ents d’intention » deman­dent à la mère por­teuse d’avorter en rai­son des « con­di­tions médi­cales de l’enfant », « elle s’exécutera dans les meilleurs délais ». Autrement, le con­trat avec elle prend fin immé­di­ate­ment. Rap­pelons ici que les mères por­teuses sont sou­vent des femmes en sit­u­a­tion de pré­car­ité, et que la grossesse, pour qui n’habite pas en France, n’est pas anodine finan­cière­ment parlant.

Les enfants non-conformes abandonnés

En plus du sort qui attend les mères por­teuses, le sort des enfants non-con­formes mon­tre bien l’inexistence, et même l’impossibilité d’une GPA éthique. Les enfants non-con­formes, ce sont les ratés de cette pra­tique que les médias voudraient pein­dre comme une fan­tas­tique solu­tion à l’infertilité. Lorsqu’on met des dizaines de mil­liers d’euros dans un pro­jet, on tient à ce qu’il se réalise dans les moin­dres détails. Lorsque tel n’est pas le cas, on estime légitime à refuser le pro­duit livré. En 2020, en Cal­i­fornie, deux hommes se lan­cent dans un proces­sus de GPA pour avoir deux garçons. C’est leur rêve, ils ont déjà les prénoms, et même les comptes Gmail. 300 000 dol­lars et un an plus tard la mère por­teuse accouche… d’une fille. Le cou­ple attaque la clin­ique. Citons égale­ment ce cou­ple qui a décou­vert que l’enfant qui lui était livré avait des traits eth­niques qui ne cor­re­spondaient pas à leur ADN, alors qu’il était sup­posé avoir été conçu avec leurs gamètes. Après avoir mené un test, ils ont décou­vert que les gamètes de l’homme n’avaient pas été util­isées à cause, prob­a­ble­ment, d’une erreur de manip­u­la­tion. Résul­tat, l’enfant a été con­fié à l’adoption. L’affaire, datant de juin 2022, n’a été pub­liée que par quelques sites de nich­es comme Mag­ic­ma­man, les médias ne la trou­vant apparem­ment pas intéressante.

Des conséquences psychologiques importantes

Même lorsque tout se passe bien, que la mère por­teuse con­vient au cou­ple, qu’elle accouche, que l’enfant con­vient, qu’il est accueil­li et éduqué, la GPA laisse des traces qui, là encore, ne sont pas mis­es en lumière car trop néga­tives. En témoigne Olivia Mau­rel, née par GPA dans l’Etat du Ken­tucky. Aujourd’hui adulte et mère, elle a souf­fert toute sa vie d’un sen­ti­ment d’abandon, de l’impression de ne pas être à sa place et d’une dis­tance inex­plic­a­ble avec sa mère. On en trou­ve un deux­ième exem­ple dans l’histoire d’un enfant né par GPA et ven­du à un cou­ple d’hommes. Sa mère avait obtenu un droit de vis­ite toutes les six semaines. Or, début 2022, le cou­ple a ten­té de lui retir­er ce droit, expli­quant que les vis­ites envoy­aient « un mes­sage déroutant et poten­tielle­ment nuis­i­ble », qu’il n’y avait dans leur famille « aucune place disponible » pour la mère, et surtout qu’après les vis­ites, l’enfant était « plus col­lant, insta­ble et pleu­rant ». Cela n’a rien d’étonnant. Cer­taines vidéos vis­i­bles sur les réseaux soci­aux mon­trent le désar­roi des nou­veaux nés lorsqu’on les pose sur une per­son­ne qui n’est pas leur mère. Dans le cas de cet enfant, le juge ne s’y est pas trompé et a demandé que cette rela­tion soit « sécurisée » pour répon­dre aux « besoins à long terme » de l’enfant.

À suiv­re.

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