De notre correspondant en Amérique du nord, 11 questions réponses sur une élection serrée et d’importance. Suite.
1. Est-il possible de disqualifier Trump si le peuple lui accorde sa confiance le 5 novembre prochain ?
Rappelons d’abord que l’élection américaine se joue en « trois mi-temps ». Les deux premières sont connues du grand public : ce sont les primaires, puis le vote national de novembre (cette année, le 5 novembre). Mais il y a aussi une troisième mi-temps, traditionnellement sans surprise, mais ésotérique. Cette dernière peut être pavée de chausse-trappes.
2. En quoi cela pose un problème ?
La rumeur nous dit par exemple que les démocrates ont engagé une armée d’avocats pour tenter d’invalider dans les états un maximum d’élus représentant Trump dans le collège électoral et ce pour toutes sortes de technicalités. C’est un moyen habile de faire en sorte que Trump ne dispose pas des 270 membres du collège électoral nécessaires à la poursuite de son élection finale. Ceci représente le premier détroit à franchir. Reste ensuite à franchir le Cap Horn, celui de la Chambre des représentants qui a le pouvoir de disqualifier l’élection de Trump pour tentative d’insurrection (évènements du 6 janvier 2021). C’est ce à quoi travaille le « parti unique » de Washington, à l’initiative du représentant Jamie Raskin, en appui sur les « travaux » de la commission du 6 janvier dirigée par Madame Liz Cheney.
3. Donc tout s’imbrique, les perversions du système électoral qui ont commencé avec le Covid, les deux impeachments de Trump, la commission parlementaire « bipartisane » du 6 janvier (démocrates + Liz Cheney + autres rogatons du clan bushiste), les tentatives apparemment folles de certains états d’empêcher Trump de se présenter, le transport en avion des migrants artificiellement légalisés là où le vote démocrate doit être renforcé, les procès contre Trump au civil comme au pénal, ses inculpations et sa condamnation, les peines y afférent suspendues le temps de passer la date de l’élection du 5 novembre pour éventuellement le mettre en prison avant le 20 janvier 2025, les dernières accusations de fatigue et de sénescence, ainsi que la toute récente accusation d’hitlérisme orchestrée par les généraux du complexe militaro-industriel, bref autant d’ingrédients utiles pour s’en débarrasser « légalement » en dépit du vote populaire ?
En effet : comme tout régime paniqué qui dérive vers l’autoritarisme, celui autoproclamé de « l’état de droit », (traduction : le gouvernement des juges fanatiques), tend à primer sur la « vox populi, vox dei ». Reconnaissons ici que la caste de l’État profond a patiemment et de façon cohérente bâti un excellent « dossier de licenciement » qui ressemble à une machine infernale à plusieurs canons susceptible d’exploiter les zones grises de la Constitution.
4. Pendant que les « officiels » de l’establishment et le public se concentrent sur l’élection du 5 novembre, le « blob » de l’état profond serait déjà en train de préparer, quand bien même il serait élu, l’éviction de Donald Trump avant même son intronisation ?
Oui! En fait cela fait longtemps que nous sommes entrés dans la troisième mi-temps. Car la tendance s’est inversée en faveur de Trump, à ce stade de l’élection du moins. Il faut rendre à César ce qui est à César. La coalition du « parti unique », prenant Trump pour ce qu’il est – un danger fondamental pour l’oligarchie parce que totalement incontrôlable par ses marionnettistes –, a su patiemment tisser une toile depuis deux ans. L’objectif serait bel et bien de le disqualifier avant qu’il ne prête serment afin de nommer quelqu’un d’autre. Ce qui vaut pour Biden vaut donc pour Trump.
5. Comment un limogeage de Trump pourrait alors être organisé ?
Il faut savoir, information de contexte, que, dans le lointain passé et à deux reprises, le Président américain avait été désigné par la Chambre des représentants de façon automatique. Un processus constitutionnel normal existe donc déjà qui prévoit qu’en cas d’impossibilité pour chacun des candidats de franchir la barrière des 270 votes au collège électoral, la Chambre des représentants doit choisir entre trois des candidats qui y ont obtenu le plus de votes (au collège électoral). C’est ce processus, légitime, qui risque d’être bafoué. Nous allons prendre ici l’argumentation de Jim Rickards, animateur de Strategic Intelligence, interrogé récemment par la chaîne internet Blaze TV. Son analyse des dates clés est limpide :
- Première étape (5 novembre 2024) : Trump est élu par la population
- Deuxième étape (11 décembre 2024) : les électeurs du collège votent, dans chaque état, pour le candidat qu’ils représentent.
- Troisième étape (17 décembre, à un ou deux jours près) : les états certifient leurs résultats qu’ils transmettent à Washington.
- Quatrième étape (3 janvier 2025) : le Congrès nouvellement élu prête serment
6. Il ne resterait plus que la formalité de la ratification lors de sa session du 6 janvier ?
Pas si vite! Car Jamie Raskin a déjà annoncé qu’il présenterait dès le 4 janvier 2025 une résolution déclarant Trump insurrectionnel, au titre de la section 3 du 14e amendement (qui fut introduit à l’issue de la guerre de sécession pour bannir les anciens confédérés de toute fonction politique ou de haute administration fédérale).
7. Est-ce plausible ?
Sur le fond, lors des primaires, la Cour suprême avait cette année interdit aux états de l’Union d’empêcher Trump de se présenter au titre de l’article 3 du 14e amendement, précisant toutefois que ce serait à la Chambre des représentants de régler cette question. En conséquence, la Chambre nouvellement élue, selon sa composition, pourrait très bien voter la disqualification de Trump (ce serait ensuite à la Cour suprême de décider si une telle disqualification était légitime – notons ici que Trump n’a fait l’objet d’aucune poursuite ni condamnation au titre une éventuelle insurrection, probablement parce que ce chef d’inculpation est difficile à prouver).
8. Ce serait donc pour cela que Trump a massivement fait campagne en Californie et dans l’État de New York où il n’a pourtant aucune chance de gagner le collège électoral ?
Exact. Outre le fait que ses – immenses – réunions publiques tenues dans ces deux États ont impressionné autant ses partisans que ses adversaires, il lui est nécessaire d’y « faire feu de tout bois » afin de pouvoir en extraire un maximum d’élus loyalistes au Congrès (Chambre et Sénat). La campagne Trump démontre ainsi qu’elle comprend l’enjeu : la seule performance personnelle de Trump, le 5 novembre prochain, ne peut suffire; il lui faut faciliter la bonne performance de tout un parti républicain renouvelé, lui-même devenu « MAGA ». Et déjà les vieilles gardes parlementaires de droite et de gauche s’activent pour créer la vraie crise qui pourrait « techniquement » le mener à la disqualification. Ce n’est pas à sous-estimer.
9. Ainsi le dossier de « l’insurrection » du 6 janvier 2001, qui avait provoqué un deuxième impeachment – raté – contre Trump, suivi d’une commission d’enquête « bipartisane » conduite par Liz Cheney, cirque qui fut suivi par la nomination (illégale ?) d’un procureur spécial, Jack Smith, sans oublier l’inculpation de Trump consécutivement à la saga Stormy Daniels (laquelle fait figure de victime autant que Trump lui-même), constitueraient donc le vecteur de l’opération destinée à « réveiller » principalement le 14e amendement de la constitution ?
Effectivement. le mythe de l’insurrection, au second plan de la campagne, en est au premier au sein des manœuvres du parlementaire démocrate Jamie Raskin, qui a décidé une bonne fois pour toutes qu’il faut sortir Trump en refusant de certifier les résultats de l’élection pour cause d’insurrection. Et ce n’est pas un hasard si le clan Cheney est de plus en plus vocal à ce sujet. Kamala Harris se fait voir de plus en plus avec Liz Cheney. Ce n’est pas non plus action erratique de la part de Raskin lorsqu’il accuse Trump de d’ores et déjà refuser une transition de pouvoir « paisible ». Et ce n’est pas un hasard si les généraux néoconservateurs qui s’étaient glissés au sein de l’administration Trump avant de se faire évacuer « réalisent » aujourd’hui, à la fin de la course présidentielle, que le 45e président (Trump) est somme toute un fasciste. Pire encore ce père et grand-père d’enfants juifs se prendrait pour Adolf Hitler. Toute cette agitation semble se produire pour créer un effet d’ambiance. Cela aura peu de chance de modifier les résultats de l’un ou de l’autre candidat à quelques jours de l’élection, mais sous-tendra la déstabilisation de Trump s’il est élu. Telle serait la « police d’assurance V.2 » de l’état profond (la première étant la célèbre collusion russe qui avait tourmenté la présidence Trump entre 2016 et 2020).
10. Est-ce que Kamala sera vraiment élue si les anti-Trump regagnent la Chambre ? Quid de JD Vance ?
Jim Rickards précise d’abord que Vance n’étant pas impliqué dans les évènements de 2001, il sera de toute façon élu par le Sénat le 6 janvier. Cependant qu’à la Chambre, les républicains forcés de voter pour Kamala Harris auraient le choix entre accepter une présidence Harris (sachant que JD Vance deviendrait son Vice-Président) ou faire chaise vide le jour de la nomination de Harris. Auquel cas, faute de quorum, selon le 12e amendement, le Sénat pourrait nommer Vance à la Présidence. Il y aurait alors deux perdants : Kamala Harris et Donald Trump (ce dernier, et toute son équipe pouvant cependant bénéficier du pardon présidentiel de Vance pour toutes les affaires qui l’ont miné depuis des années).
11. Il faudrait donc que Trump gagne massivement la présidence et les deux chambres du Congrès pour se trouver totalement immunisé ? Et puisse appliquer son programme de réforme du pays ?
Oui, mais la boite à malices de l’État profond lui réservera encore bien des surprises. Fort heureusement pour lui, il dispose désormais d’une équipe de poids lourds ainsi que d’une voix plus forte que la sienne, ainsi que de trois réacteurs supplémentaires : Tulsi Gabbard, RFK Junior, et Elon Musk. Qui vivra verra.