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Élection US 2024 : guerre des sexes ou lutte des classes ?

4 novembre 2024

Temps de lecture : 8 minutes
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Élection US 2024 : guerre des sexes ou lutte des classes ?

Temps de lecture : 8 minutes

La géopolitique mondiale attend les résultats de l’élection américaine.

1. Alors, quid de la dernière ligne droite de la présidentielle ?

À quelques jours sinon quelques heures du 5 novem­bre (date arti­fi­cielle, puisqu’une grande majorité des votes sont déjà ren­trés et que la ten­ta­tion sera forte de « pren­dre son temps » lors des décomptes bien après cette date), il est temps de con­clure : l’électorat améri­cain est déchiré par une guerre des sex­es qui masque une lutte des class­es. Sa coali­tion du wok­isme se fis­sur­ant, il ne reste plus à Kamala Har­ris que de piger dans le réser­voir des femmes sur le sujet de l’avortement (elles votent en général plus que les hommes), espérant que toutes les femmes de toutes les caté­gories con­sid­èrent l’avortement comme beau­coup plus impor­tant que la coloni­sa­tion du pays par ceux, comme dis­ait Mit­ter­rand, « qui gag­nent de l’argent en dor­mant » (nous pour­rions ajouter : tout en déci­dant des prochaines guer­res). De son côté Trump, sorte de réin­car­na­tion inver­sée du spec­tre de Mal­com X, joue la carte de la lutte des class­es afin de chauf­fer le vote vir­iliste au sein de toutes les caté­gories eth­niques. Ce qui est un pari osé, dans la mesure où les hommes votent moins que les femmes, dit-on. C’est pourquoi à ce stade, il est impos­si­ble de savoir qui va gagner.

2. Bref, nous assistons à une guerre entre Éros le vitaliste et Thanatos la wokiste ?

Le wok­isme sem­ble cette année bran­ler dans le manche. Il ne fait plus recette en tout cas. Cet arti­fice est allé trop loin, jusqu’à trahir la cause des caté­gories qu’il était cen­sé « pro­téger » (exem­ple : l’ouverture mas­sive des fron­tières qui révolte les minorités eth­niques déjà inté­grées ou en voie d’intégration) de même que celle des femmes (exem­ple : l’introduction des trans­sex­uels dans les sports féminins). C’est la grande décou­verte de cette cam­pagne. Sans oubli­er l’écho inat­ten­du des thès­es de RFK Junior sur l’empoisonnement ali­men­taire et médi­cal de la pop­u­la­tion, le plus sou­vent la plus pau­vre. Ce qu’il nomme la guerre déclarée à l’enfance.

3. Et la lutte des classes revient au premier plan. Comment ?

La prise de con­science com­mence. Les élites, autrement dit tous ceux qui ont les moyens de dire, de faire et d’empêcher, avaient entretenu grâce au wok­isme une guerre civile (ver­bale) sur de fauss­es batailles, se réser­vant pour leur part le con­trôle de la géopoli­tique mon­di­ale. Investis­sant sur les décom­bres de l’effondrement sovié­tique, les dites élites ont pu envoy­er se bat­tre des sol­dats (donc essen­tielle­ment des pau­vres issus de l’immigration ou du déclin indus­triel) afin d’exercer leur pou­voir de gen­darmerie là où cela leur con­ve­nait sur la planète. Mais aujourd’hui cette gen­darmerie ne peut pra­tique­ment recruter qu’une infime pro­por­tion des jeunes améri­cains car ceux-ci ne sont plus en con­di­tion médi­cale de sat­is­faire les critères de recrute­ment dans l’armée, pour­tant sans cesse réamé­nagés. Comme sous la Rome de la décadence.

4. Donc les deux moteurs symboliques de la société se réduiraient à deux concepts abstraits : « la cause des femmes » d’une part, et « la lutte des classes », d’autre part. Comment, pratiquement, cela s’est-il manifesté ces derniers jours ?

À chaque élec­tion ses toreros, et à chaque torero sa mule­ta. Il est aujourd’hui ver­tig­ineux de réalis­er que la mule­ta améri­caine de l’avortement (l’obsessionnelle croy­ance selon laque­lle Trump va abolir ce droit) pour­rait bel et bien déter­min­er le sort de l’humanité au moment même où la tec­tonique des plaques géopoli­tiques s’entre-rabote de plus en plus. Cette peur de per­dre le droit à l’avortement est la seule carte qui sem­ble rester à Kamala Har­ris. Celle-ci con­state en effet toutes sortes de fis­sures au sein de ses appuis tra­di­tion­nels « eth­niques », tous frap­pés par la con­de­scen­dance des élites à leur égard. Ain­si, une pub­lic­ité poli­tique met­tant en scène des femmes à la sor­tie de l’isoloir qui mentent à leur mari trump­iste n’aura peut-être pas l’impact espéré, car cela tend à affirmer que les femmes sont des mineures inca­pables de penser toutes seules. Ce qui rejoint la gaffe de Mark Cuban, un entre­pre­neur anti-Trump et pro-Kamala Har­ris qui a dit qu’on ne trou­vait « aucune femme intel­li­gente dans l’entourage de Trump ». Ce sur quoi il a du revenir plus tard, con­scient de la réac­tion qu’il avait sus­citée. Nous verrons.

5. Il aurait donc un « mépris de classe » très fort au sein des élites. Ce n’est pas la première fois. Hillary était tombée sur un os en fin de campagne (en 2016) avec ses « déplorables ». Que s’est-il passé avec Biden au sujet des « ordures » ?

L’affaire en soi est presque cocasse. Le récent giga-méga-ral­lye tenu par Don­ald Trump le dimanche 27 octo­bre au Madi­son Gar­den à New York avait tout pour être un immense suc­cès : ora­teurs-clé de qual­ité lais­sant enten­dre au pub­lic qui serait respon­s­able de quoi dans (ou autour de) la nou­velle admin­is­tra­tion, suiv­is d’une excel­lente inter­ven­tion, dis­ci­plinée, de Trump, puis con­clu­sion dans une ambiance de fête. Un suc­cès toute­fois entaché d’un inci­dent : un jeune humoriste imbé­cile avait cru bon plaisan­ter sur la crise chao­tique, chronique et crois­sante des ordures à Por­to Rico, « révélant » que l’on avait décou­vert « une nou­velle île d’ordures flot­tant dans l’océan qui avait pour nom… Por­to Rico ». Cela provo­qua pen­dant 48 heures un déploiement de mule­tas antiracistes. Bref, on se demandait si les Por­tor­i­cains instal­lés aux États-Unis, vexés par « l’insulte » ne reviendraient pas tous dans le camp démoc­rate, et, cir­con­stance aggra­vante, quel impact cela aurait par­mi ceux instal­lés par­mi les cinq ou six états-piv­ots qui fer­ont l’élection. D’autant que, deux jours après l’incident, Madame Har­ris avait (fort bien) organ­isé un dis­cours « d’unité nationale » au par­fum d’après-victoire, juste devant la Maison-Blanche.

6. Pourquoi cela n’a pas fonctionné ?

Parce que le soir même du couron­nement pré­maturé de Kamala Har­ris, prob­a­ble­ment furieux de ne pas avoir été invité à la « céré­monie » organ­isée devant ses fenêtres, Biden a décidé de revenir au-devant de la scène, en par­tic­i­pant à un zoom avec un groupe lati­no pour affirmer que les seules ordures qu’il voy­ait étaient les sup­port­ers de Trump. cela ne pou­vait pas mieux tomber pour Trump.

7. L’arroseur a donc été arrosé ?

En tout cas Kamala l’a été. Biden lui a tout bon­nement saboté son plan de fin de cam­pagne. Cepen­dant que le lende­main, dans le Wis­con­sin, Trump rejoignait le lieu de son ral­lye dans la cab­ine d’un énorme camion à ordures (repeint pen­dant la nuit aux couleurs et mes­sage de sa cam­pagne). Trump, de sur­croît, s’était paré du tra­di­tion­nel gilet des éboueurs. Comme lors de sa descente chez Mc Don­ald pour servir des frites aux clients, Il avait repris le con­trôle du cycle médi­a­tique, insis­tant sur un sim­ple mes­sage : il faut aimer ses électeurs, car ils ne sont pas des ordures.

8. Donc la course est toujours indécise ?

Pour toutes sortes de raisons, oui. Mais ce qui importe est ce qui se passera après le 5 novem­bre. Si Har­ris gagne mas­sive­ment, ses mar­i­on­net­tistes vont procéder à une refonte mas­sive du pays afin d’en faire une « démoc­ra­tie à par­ti unique » au ser­vice des oli­garchies géopoli­tiques qui diri­gent le pays. Des pans entiers de la Con­sti­tu­tion seront pro­gres­sive­ment abo­lis. Il fau­dra s’attendre, puisque Trump et ses amis sont des insur­rec­tion­nels « hitlériens », à une purge mas­sive au nom de la « démoc­ra­tie ». Déjà Elon Musk et Tuck­er Carl­son font face à des tra­casseries crois­santes. Sans oubli­er tous les avo­cats qui ont per­mis à Trump de sur­vivre. Ils seront punis, et sévère­ment, chô­mage, prison à la clé. La « démoc­ra­tie » sera impi­toy­able, prob­a­ble­ment sous la férule du clan Cheney. Sachons sim­ple­ment que Liz Cheney sera très prob­a­ble­ment la Secré­taire d’État de l’administration Harris.

9. Et si Trump gagne de façon massive ?

Les mar­i­on­net­tistes de Kamala Har­ris et du par­ti démoc­rate, dont le clan Cheney, comptent par­mi eux bien des spé­cial­istes des insur­rec­tions et des coups d’états, tous issus des ser­vices action des grandes insti­tu­tions secrètes du ren­seigne­ment. Il est prob­a­ble, selon Mike Benz, que les plans et « jeux de guerre » mis en place à l’époque de la précé­dente élec­tion (prévus pour faire tomber Trump dans l’hypothèse de sa réélec­tion en 2020) sont déjà actu­al­isés. Les plans de guerre au Proche Ori­ent sont prob­a­ble­ment déjà à l’œuvre. Ce n’est donc pas pour rien que Trump a lancé ses mis­siles sur l’héritière de celui qui a créé le chaos mon­di­al de ces trente dernières années. Et ce n’est pas pour rien qu’Arabes et musul­mans améri­cains se posent sérieuse­ment la ques­tion de choisir « un moin­dre mal » en la can­di­da­ture de Trump. Nous nous pencherons sur le sujet après l’élection.

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