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Élection américaine : qui craint le grand méchant Trump ?

7 novembre 2024

Temps de lecture : 9 minutes
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Élection américaine : qui craint le grand méchant Trump ?

Temps de lecture : 9 minutes

Donald Trump a remporté l’élection présidentielle américaine avec 277 grands électeurs sur les 270 nécessaires au moment où cet article est rédigé. Au cours de la campagne, les médias se sont déchaînés pour faire craindre un tel scénario aux Français. Qu’il s’agisse des discours, des soutiens ou des candidats eux-mêmes, aucun coup n’était trop bas pour célébrer Kamala Harris et terrasser Donald Trump.

L’élection américaine, le game changer du monde

L’avenir de la planète dans une élection

Dans un arti­cle du 4 novem­bre, Libéra­tion com­mençait ses analy­ses avec un pre­mier inter­titre : « Que risque le cli­mat si Trump est élu ? » avant de lis­ter ses « déci­sions qui pour­raient accélér­er le réchauf­fe­ment de la planète et mod­i­fi­er la face du monde pour des mil­liers d’années. » Diable.

Les enjeux sont impor­tants, et ce n’est pas Le Monde qui dira le con­traire. Selon lui, cette élec­tion est « un choix cru­cial pour le cli­mat ». « Le vote en faveur de Kamala Har­ris ou de Don­ald Trump affectera non seule­ment la poli­tique cli­ma­tique améri­caine, mais aus­si la lutte mon­di­ale con­tre le réchauffement. »

Que deviendra l’Ukraine si Trump est élu ?

La guerre en Ukraine est, avec celle d’Israël con­tre le Hamas, l’un des deux dossiers inter­na­tionaux les plus brûlants. Elle a donc pris une cer­taine place dans l’élection. BFMTV note que Don­ald Trump « ne cesse de rap­pel­er qu’à l’in­verse de ses prédécesseurs à la Mai­son Blanche, il est le seul prési­dent qui n’a pas con­duit l’Amérique à la guerre », ce qui est la vérité, et a tout de même son impor­tance. BFMTV cite longue­ment un entre­tien de Tom Donilon, expert en géopoli­tique, au Wash­ing­ton Post. Il a été con­seiller à la sécu­rité nationale des États-Unis sous l’administration Oba­ma, ce qui laisse imag­in­er une cer­taine col­oration poli­tique. De son côté, TF1 rap­pelait que Don­ald Trump « a plusieurs fois men­acé de ne plus garan­tir la pro­tec­tion des mem­bres de l’Otan s’ils ne s’ac­quit­taient pas de leur dette finan­cière » et que « ce type de déc­la­ra­tion a de quoi inquiéter les mem­bres de la façade ori­en­tale de l’Al­liance, en pre­mière ligne face aux poussées expan­sion­nistes de Moscou. »

Kamala la sainte et Trump le démoniaque

Il est rel­a­tive­ment facile de décrire un meet­ing en dif­fu­sant son opin­ion tout en faisant sem­blant d’être objec­tif. Un meet­ing est long, une cam­pagne en compte des dizaines, et un arti­cle doit faire un tri. C’est là qu’arrive l’idéologie. Ain­si, Cour­ri­er Inter­na­tion­al résumait les meet­ings de dimanche 3 novem­bre : « la can­di­date démoc­rate a promis de met­tre fin à la guerre à Gaza, et s’est engagée à être la “prési­dente de tous les Améri­cains”. Le répub­li­cain quant à lui, a dit, en Penn­syl­vanie, qu’il “n’aurait pas dû quit­ter” la Mai­son-Blanche après l’élection de 2020, et a lais­sé enten­dre que cela ne le dérangerait pas si quelqu’un tirait sur les jour­nal­istes qui cou­vraient son meet­ing. » Suiv­ait une revue de presse où l’on trou­vait le Wash­ing­ton Post, mais cer­taine­ment pas Fox News. Libéra­tion n’était pas en reste et sig­nalait que « un retour au pou­voir de Don­ald Trump men­ace la sta­bil­ité des insti­tu­tions améri­caines et le respect de l’État de droit. Ces craintes sont aus­si grandes en cas de défaite, tant le mil­liar­daire est imprévis­i­ble et agressif. »

Face à ce grand dan­ger, Kamala Har­ris et les siens se sont bat­tus bec et ongles et se sont notam­ment « réap­pro­prié l’Ellipse », c’est-à-dire le lieu du meet­ing tenu par Don­ald Trump « face à une foule de sup­por­t­eurs emplis de rage con­tre une élec­tion soi-dis­ant volée à leur gourou » juste avant l’assaut du Capi­tole. Lors de ce meet­ing, sur ce que Libéra­tion qual­i­fi­ait de « scène du crime », la colère des mil­i­tants était « canal­isée par des mil­ices bien préparées ».

Comment les médias dépeignent les votants

Libéra­tion espèrait la vic­toire de Kamala Har­ris, ce n’était un secret pour per­son­ne et son usage de l’écriture inclu­sive le trahis­sait : « Le ou la suc­cesseuse de Joe Biden pour­rait ne pas être con­nue immé­di­ate­ment après la fer­me­ture des bureaux de vote. » Chez Libéra­tion, l’écriture inclu­sive peut aus­si servir à pré­cis­er à qui va votre préférence. Libéra­tion décrit ensuite les sou­tiens des deux camps. Côté Répub­li­cains, on voit « une navette rem­plie de cen­taines de cas­quettes rouges reprenant slo­gans et insultes trumpistes ».

Côté Démoc­rates, c’est « une foule plus diverse venue acclamer Kamala Har­ris. » Il ne s’agit pas là d’un arti­cle isolé. Dans un sec­ond, Libéra­tion décrivait un bus achem­i­nant les par­tic­i­pants à un meet­ing comme « une sor­tie sco­laire » « où l’on se bal­ance des blagues dou­teuses et où l’on pouffe à chaque com­men­taire raciste ou misog­y­ne. » Le jour­nal­iste se moque d’une mère qui « comble le vide du tra­jet en inon­dant son fils ado­les­cent de com­men­taires atten­dus sur la cam­pagne ». Comme si l’ambiance dans les bus pour la fête de l’Huma était tou­jours au ren­dez-vous, comme si Libéra­tion ne s’abaissait jamais à des « com­men­taires atten­dus ». Le jour­nal trou­vait même le moyen de s’offusquer du tra­jet « imposé par la cam­pagne de l’ex-président » entre le park­ing et le lieu du meet­ing, une dizaine de kilo­mètres en navette pour raisons de sécurité.

France Info, un Trump moralement dégénéré

De son côté, France Info est allé à la ren­con­tre des Améri­cains du quo­ti­di­en pour savoir ce qui les pousserait à vot­er pour tel ou tel can­di­dat. Bon­jour à Amy Wudel, qui, bien qu’elle soit « très attachée aux principes répub­li­cains » n’a pas de mot « trop dur pour qual­i­fi­er Don­ald Trump ». France Info s’empresse de les citer : « un homme “nar­cis­sique”, “morale­ment dégénéré”, aux pro­pos “racistes” et “misog­y­nes”, qui “ment con­stam­ment” et “se vante d’a­gress­er sex­uelle­ment des femmes”. » Amy Wudel votera donc Kamala Har­ris, tout comme Cristi­na Liv­ingston, qui estime pour­tant que Don­ald Trump « n’a pas com­plète­ment tort sur l’im­mi­gra­tion », Sarah Sauce­do, qui « votera aus­si pour les droits repro­duc­tifs de sa sœur, de ses amies, de ses nièces » pour qu’elles aient « les mêmes droits que la généra­tion précédente ».

Per­son­ne ne devait donc vot­er pour Don­ald Trump ? Bien sûr que si. Des gens comme Phil Bell, « anti-avorte­ment, par­ti­san d’une dérégu­la­tion de l’é­conomie, d’une baisse dras­tique des impôts et tax­es, et de la “pri­vati­sa­tion d’un max­i­mum de ser­vices publics” » mais aus­si « fier con­duc­teur d’un énorme pick-up ». Un homme « approu­vant le pro­gramme anti-immi­gra­tion et iso­la­tion­niste du répub­li­cain » qu’on ne saurait, après cette descrip­tion, con­sid­ér­er comme fréquentable.

Il y a aus­si Este­van Manuel, qui « sou­tient même les paroles très dures, sou­vent xéno­phobes, de son can­di­dat sur l’im­mi­gra­tion irrégulière ». Soyons justes néan­moins, France Info ne pro­po­sait pas que des électeurs trump­istes qui, en plus d’être mâles, tenaient des pro­pos intolérables.

On trou­ve aus­si Made­line Brame, qui « sou­tient aus­si le pro­gramme anti-immi­gra­tion des répub­li­cains, qui accusent les migrants clan­des­tins d’être respon­s­ables de l’épidémie de fen­tanyl ». L’électrice n’était tou­jours pas sortable, mais au moins était-ce une femme, peut-être était-ce assez demander.

La chasse aux stars soutiens de Trump ou Harris

L’un des points que les médias n’ont pas par­don­né à Don­ald Trump, c’est sa remise en cause du résul­tat des élec­tions. L’Opinion pub­li­ait un dessin de presse présen­tant les deux can­di­dats face à une urne. Don­ald Trump lance une pièce en dis­ant « Pile, je gagne ; face, tu triches. »

En revanche, ce que les médias ont énor­mé­ment aimé, c’est faire le por­trait des stars sou­tenant l’un ou l’autre des can­di­dats. « À cha­cun ses sou­tiens », glisse per­fide­ment Libéra­tion avant de les lis­ter. Elon Musk, qui sou­tient Don­ald Trump, sera ain­si dépeint en une pieu­vre aux mille entre­pris­es, mur­mu­rant des secrets d’État à l’oreille de Vladimir Pou­tine. De l’autre côté, l’acteur Har­ri­son Ford, qui joua entre autres Indi­ana Jones et Han Solo, a soutenu Kamala Har­ris, tout comme Leonar­do DiCaprio, Lady Gaga, Tay­lor Swift ou Bey­on­cé. Paris Match lui offre un arti­cle reprenant le texte d’une vidéo dans laque­lle il exhorte les Améri­cains à vot­er pour Kamala Har­ris qui « pro­tégera votre droit d’être en désac­cord avec elle sur ses poli­tiques ou ses idées » tan­dis que « l’autre gars exige une loy­auté sans faille ».

Un regard biaisé sur les sondages

Selon Le Point, le sondage pour Des Moines Reg­is­ter qui don­nait trois points d’avance à Kamala Har­ris dans l’Iowa était « très respec­té ». Le même arti­cle écrivait que si les sondages fai­saient erreur, « en cas de vague rouge », cer­tains États bleus, votant sont majori­taire­ment Démoc­rates, « seraient en dan­ger ». On sait main­tenant que le vote Trump a été large­ment sous-estimé. Alors que tous les médias annonçaient un scrutin dans un mou­choir de poche, l’État de Penn­syl­vanie indé­cis, Trump l’a emporté de plusieurs cen­taines de mil­liers de voix dans ce « swing state ». Quant à l’écart avec Kamala Har­ris, au lieu d’être ténu, il est si impor­tant que cette dernière a choisi de ne pas s’exprimer sur les résul­tats de l’élection.

Communication : Trump est-il un as ou un lourd ? Les avis divergent

La cam­pagne de Don­ald Trump aura don­né du spec­ta­cle, c’est le moins qu’on puisse dire. Quant à savoir si cela est posi­tif, les médias français sont partagés. Le Figaro estime que con­cer­nant la « bataille des images », la sit­u­a­tion « tourne à l’avantage » de Don­ald Trump. Le jour­nal décrit ain­si la pho­to qui mon­tre Trump rescapé de la ten­ta­tive d’assassinat du 13 juil­let. D’après lui, Don­ald Trump est « maître » dans l’art de la com­mu­ni­ca­tion, avec des opéra­tions le déguisant en con­duc­teur de camion poubelle en réponse à Joe Biden qui parais­sait traiter ses électeurs d’ordures. A côté de Trump, Kamala Har­ris mène une cam­pagne « moins toni­tru­ante », mal­gré des « sou­tiens de poids » et de « nom­breuses célébrités ».

L’Express était beau­coup moins ent­hou­si­aste, et accu­sait Don­ald Trump de faire « dans la surenchère ». Un terme présent trois fois dans l’article pour s’assurer que les lecteurs savent bien à quoi s’en tenir. Selon le jour­nal, le Répub­li­cain sym­bol­ise un retour dans le passé, à l’inverse de Kamala Har­ris : il s’agit de « décider si l’Amérique va ouvrir pour la pre­mière fois les portes de la Mai­son-Blanche à une femme, ou au con­traire y ren­voy­er le mil­liar­daire. » Pour Libéra­tion, Don­ald Trump va « tou­jours plus loin dans l’outrance ». C’est cette out­rance qu’ont choisi les Améri­cains, qui rêvaient pour leur pou­voir d’achat et leur sécu­rité de mieux que ce que leur avait offert l’administration Biden-Har­ris. Mal­gré les efforts des médias, notam­ment français, Don­ald Trump est main­tenant le 47e prési­dent des États-Unis, et le monde médi­a­tique se pré­pare cer­taine­ment à point­er tous ses écarts et dén­i­gr­er tous ses actes pen­dant les qua­tre prochaines années.

Voir aus­si : Élec­tion US 2024 : guerre des sex­es ou lutte des classes ?

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