Donald Trump a remporté l’élection présidentielle américaine avec 277 grands électeurs sur les 270 nécessaires au moment où cet article est rédigé. Au cours de la campagne, les médias se sont déchaînés pour faire craindre un tel scénario aux Français. Qu’il s’agisse des discours, des soutiens ou des candidats eux-mêmes, aucun coup n’était trop bas pour célébrer Kamala Harris et terrasser Donald Trump.
L’élection américaine, le game changer du monde
L’avenir de la planète dans une élection
Dans un article du 4 novembre, Libération commençait ses analyses avec un premier intertitre : « Que risque le climat si Trump est élu ? » avant de lister ses « décisions qui pourraient accélérer le réchauffement de la planète et modifier la face du monde pour des milliers d’années. » Diable.
Les enjeux sont importants, et ce n’est pas Le Monde qui dira le contraire. Selon lui, cette élection est « un choix crucial pour le climat ». « Le vote en faveur de Kamala Harris ou de Donald Trump affectera non seulement la politique climatique américaine, mais aussi la lutte mondiale contre le réchauffement. »
Que deviendra l’Ukraine si Trump est élu ?
La guerre en Ukraine est, avec celle d’Israël contre le Hamas, l’un des deux dossiers internationaux les plus brûlants. Elle a donc pris une certaine place dans l’élection. BFMTV note que Donald Trump « ne cesse de rappeler qu’à l’inverse de ses prédécesseurs à la Maison Blanche, il est le seul président qui n’a pas conduit l’Amérique à la guerre », ce qui est la vérité, et a tout de même son importance. BFMTV cite longuement un entretien de Tom Donilon, expert en géopolitique, au Washington Post. Il a été conseiller à la sécurité nationale des États-Unis sous l’administration Obama, ce qui laisse imaginer une certaine coloration politique. De son côté, TF1 rappelait que Donald Trump « a plusieurs fois menacé de ne plus garantir la protection des membres de l’Otan s’ils ne s’acquittaient pas de leur dette financière » et que « ce type de déclaration a de quoi inquiéter les membres de la façade orientale de l’Alliance, en première ligne face aux poussées expansionnistes de Moscou. »
Kamala la sainte et Trump le démoniaque
Il est relativement facile de décrire un meeting en diffusant son opinion tout en faisant semblant d’être objectif. Un meeting est long, une campagne en compte des dizaines, et un article doit faire un tri. C’est là qu’arrive l’idéologie. Ainsi, Courrier International résumait les meetings de dimanche 3 novembre : « la candidate démocrate a promis de mettre fin à la guerre à Gaza, et s’est engagée à être la “présidente de tous les Américains”. Le républicain quant à lui, a dit, en Pennsylvanie, qu’il “n’aurait pas dû quitter” la Maison-Blanche après l’élection de 2020, et a laissé entendre que cela ne le dérangerait pas si quelqu’un tirait sur les journalistes qui couvraient son meeting. » Suivait une revue de presse où l’on trouvait le Washington Post, mais certainement pas Fox News. Libération n’était pas en reste et signalait que « un retour au pouvoir de Donald Trump menace la stabilité des institutions américaines et le respect de l’État de droit. Ces craintes sont aussi grandes en cas de défaite, tant le milliardaire est imprévisible et agressif. »
Face à ce grand danger, Kamala Harris et les siens se sont battus bec et ongles et se sont notamment « réapproprié l’Ellipse », c’est-à-dire le lieu du meeting tenu par Donald Trump « face à une foule de supporteurs emplis de rage contre une élection soi-disant volée à leur gourou » juste avant l’assaut du Capitole. Lors de ce meeting, sur ce que Libération qualifiait de « scène du crime », la colère des militants était « canalisée par des milices bien préparées ».
Comment les médias dépeignent les votants
Libération espèrait la victoire de Kamala Harris, ce n’était un secret pour personne et son usage de l’écriture inclusive le trahissait : « Le ou la successeuse de Joe Biden pourrait ne pas être connue immédiatement après la fermeture des bureaux de vote. » Chez Libération, l’écriture inclusive peut aussi servir à préciser à qui va votre préférence. Libération décrit ensuite les soutiens des deux camps. Côté Républicains, on voit « une navette remplie de centaines de casquettes rouges reprenant slogans et insultes trumpistes ».
Côté Démocrates, c’est « une foule plus diverse venue acclamer Kamala Harris. » Il ne s’agit pas là d’un article isolé. Dans un second, Libération décrivait un bus acheminant les participants à un meeting comme « une sortie scolaire » « où l’on se balance des blagues douteuses et où l’on pouffe à chaque commentaire raciste ou misogyne. » Le journaliste se moque d’une mère qui « comble le vide du trajet en inondant son fils adolescent de commentaires attendus sur la campagne ». Comme si l’ambiance dans les bus pour la fête de l’Huma était toujours au rendez-vous, comme si Libération ne s’abaissait jamais à des « commentaires attendus ». Le journal trouvait même le moyen de s’offusquer du trajet « imposé par la campagne de l’ex-président » entre le parking et le lieu du meeting, une dizaine de kilomètres en navette pour raisons de sécurité.
France Info, un Trump moralement dégénéré
De son côté, France Info est allé à la rencontre des Américains du quotidien pour savoir ce qui les pousserait à voter pour tel ou tel candidat. Bonjour à Amy Wudel, qui, bien qu’elle soit « très attachée aux principes républicains » n’a pas de mot « trop dur pour qualifier Donald Trump ». France Info s’empresse de les citer : « un homme “narcissique”, “moralement dégénéré”, aux propos “racistes” et “misogynes”, qui “ment constamment” et “se vante d’agresser sexuellement des femmes”. » Amy Wudel votera donc Kamala Harris, tout comme Cristina Livingston, qui estime pourtant que Donald Trump « n’a pas complètement tort sur l’immigration », Sarah Saucedo, qui « votera aussi pour les droits reproductifs de sa sœur, de ses amies, de ses nièces » pour qu’elles aient « les mêmes droits que la génération précédente ».
Personne ne devait donc voter pour Donald Trump ? Bien sûr que si. Des gens comme Phil Bell, « anti-avortement, partisan d’une dérégulation de l’économie, d’une baisse drastique des impôts et taxes, et de la “privatisation d’un maximum de services publics” » mais aussi « fier conducteur d’un énorme pick-up ». Un homme « approuvant le programme anti-immigration et isolationniste du républicain » qu’on ne saurait, après cette description, considérer comme fréquentable.
Il y a aussi Estevan Manuel, qui « soutient même les paroles très dures, souvent xénophobes, de son candidat sur l’immigration irrégulière ». Soyons justes néanmoins, France Info ne proposait pas que des électeurs trumpistes qui, en plus d’être mâles, tenaient des propos intolérables.
On trouve aussi Madeline Brame, qui « soutient aussi le programme anti-immigration des républicains, qui accusent les migrants clandestins d’être responsables de l’épidémie de fentanyl ». L’électrice n’était toujours pas sortable, mais au moins était-ce une femme, peut-être était-ce assez demander.
La chasse aux stars soutiens de Trump ou Harris
L’un des points que les médias n’ont pas pardonné à Donald Trump, c’est sa remise en cause du résultat des élections. L’Opinion publiait un dessin de presse présentant les deux candidats face à une urne. Donald Trump lance une pièce en disant « Pile, je gagne ; face, tu triches. »
En revanche, ce que les médias ont énormément aimé, c’est faire le portrait des stars soutenant l’un ou l’autre des candidats. « À chacun ses soutiens », glisse perfidement Libération avant de les lister. Elon Musk, qui soutient Donald Trump, sera ainsi dépeint en une pieuvre aux mille entreprises, murmurant des secrets d’État à l’oreille de Vladimir Poutine. De l’autre côté, l’acteur Harrison Ford, qui joua entre autres Indiana Jones et Han Solo, a soutenu Kamala Harris, tout comme Leonardo DiCaprio, Lady Gaga, Taylor Swift ou Beyoncé. Paris Match lui offre un article reprenant le texte d’une vidéo dans laquelle il exhorte les Américains à voter pour Kamala Harris qui « protégera votre droit d’être en désaccord avec elle sur ses politiques ou ses idées » tandis que « l’autre gars exige une loyauté sans faille ».
Un regard biaisé sur les sondages
Selon Le Point, le sondage pour Des Moines Register qui donnait trois points d’avance à Kamala Harris dans l’Iowa était « très respecté ». Le même article écrivait que si les sondages faisaient erreur, « en cas de vague rouge », certains États bleus, votant sont majoritairement Démocrates, « seraient en danger ». On sait maintenant que le vote Trump a été largement sous-estimé. Alors que tous les médias annonçaient un scrutin dans un mouchoir de poche, l’État de Pennsylvanie indécis, Trump l’a emporté de plusieurs centaines de milliers de voix dans ce « swing state ». Quant à l’écart avec Kamala Harris, au lieu d’être ténu, il est si important que cette dernière a choisi de ne pas s’exprimer sur les résultats de l’élection.
Communication : Trump est-il un as ou un lourd ? Les avis divergent
La campagne de Donald Trump aura donné du spectacle, c’est le moins qu’on puisse dire. Quant à savoir si cela est positif, les médias français sont partagés. Le Figaro estime que concernant la « bataille des images », la situation « tourne à l’avantage » de Donald Trump. Le journal décrit ainsi la photo qui montre Trump rescapé de la tentative d’assassinat du 13 juillet. D’après lui, Donald Trump est « maître » dans l’art de la communication, avec des opérations le déguisant en conducteur de camion poubelle en réponse à Joe Biden qui paraissait traiter ses électeurs d’ordures. A côté de Trump, Kamala Harris mène une campagne « moins tonitruante », malgré des « soutiens de poids » et de « nombreuses célébrités ».
L’Express était beaucoup moins enthousiaste, et accusait Donald Trump de faire « dans la surenchère ». Un terme présent trois fois dans l’article pour s’assurer que les lecteurs savent bien à quoi s’en tenir. Selon le journal, le Républicain symbolise un retour dans le passé, à l’inverse de Kamala Harris : il s’agit de « décider si l’Amérique va ouvrir pour la première fois les portes de la Maison-Blanche à une femme, ou au contraire y renvoyer le milliardaire. » Pour Libération, Donald Trump va « toujours plus loin dans l’outrance ». C’est cette outrance qu’ont choisi les Américains, qui rêvaient pour leur pouvoir d’achat et leur sécurité de mieux que ce que leur avait offert l’administration Biden-Harris. Malgré les efforts des médias, notamment français, Donald Trump est maintenant le 47e président des États-Unis, et le monde médiatique se prépare certainement à pointer tous ses écarts et dénigrer tous ses actes pendant les quatre prochaines années.
Voir aussi : Élection US 2024 : guerre des sexes ou lutte des classes ?