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Trump : offensive frontale contre l’État profond

19 novembre 2024

Temps de lecture : 18 minutes
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Trump : offensive frontale contre l’État profond

Temps de lecture : 18 minutes

Un peu plus d’une semaine après l’élection présidentielle, les premières nominations aux grands postes du gouvernement, savamment dosées en un spectre variant de l’ancienne gauche démocrate à la nouvelle droite populiste, lancent un avertissement à tous les parasites gouvernementaux, en particulier aux bureaucraties devenues obèses et dénuées de colonne vertébrale. Qu’en est-il exactement ?

Quar­ante-huit heures après son élec­tion, Trump a lancé sa déc­la­ra­tion de guerre à l’État pro­fond. Sub­lim­i­nale­ment, il nous dit : « vous ne me ref­er­ez pas le même coup deux fois ! ». De plus, avec sa liste de nom­i­na­tions (au 14 novem­bre 2024), il démon­tre qu’il dis­pose (depuis de nom­breux mois) d’un très vaste réser­voir de cadres tech­niques, économiques, poli­tiques, et polémiques (les para­ton­nerres) qui lui man­i­fes­tent tous leur solide loy­auté, adhérant pleine­ment à tous les chantiers des prochains mois : immi­gra­tion, énergie, recon­struc­tion, restruc­tura­tions, tar­ifs douaniers, dérè­gle­men­ta­tions, inno­va­tions tech­nologiques, con­struc­tion d’un nou­v­el ordre économique inter­na­tion­al en sub­strat à la réso­lu­tion des actuels et ineptes con­flits (Eurasie, Proche Ori­ent, Chine, etc.). Enfin, face aux blocages à atten­dre des « nev­ertrumpers » du Sénat, il se mon­tre prêt à « pass­er en force » avec son équipe de syn­dics de fail­lite, visant là encore sub­lim­i­nale­ment les cail­lots du sys­tème: « la pop­u­la­tion ne sup­porte plus d’être dirigée par la clique des pom­peux pan­tins des oli­gar­ques, donc gare à vous, les asservis aux donateurs ! ».

Les observateurs du monde libéral-libertaire s’étouffent

Naturelle­ment, les obser­va­teurs s’étouffent sur les nom­i­na­tions-para­ton­nerres (par exem­ple, à la Jus­tice, Matt Gaetz, dialec­ti­cien effi­cace – voir ici sa joute avec le directeur du FBI et le min­istre de la jus­tice de Joe Biden–, ou à la défense, Peter Hegh­seth, fer­vent sou­tien d’Israël, ou encore « l’espionne russe Tul­si Gab­bard » nom­mée à la Direc­tion du Ren­seigne­ment (« DNI ») pour super­vis­er la CIA et les autres agences de ren­seigne­ment du pays, sans oubli­er « l’antivax » Kennedy nom­mé à la tête du min­istère de la San­té, super­visant ain­si fonc­tion­naires et agences qui con­trô­lent san­té, médica­ments, tech­nolo­gies médi­cales, et agroal­i­men­taire), cepen­dant que les habituels paresseux de l’auto-critique com­men­cent à com­pren­dre que, comme ce fut le cas avec Nixon et Oba­ma, ce sera bien la mai­son Blanche qui dirig­era le pays, et non pas les min­istères et les agences sus­pec­tés de cor­rup­tion chronique autant que de col­lu­sion per­pétuelle avec la galax­ie des lob­bies. Le jour­nal­iste Bill O’Reilly est l’un des rares à avoir com­pris que toutes les poli­tiques seront écrites ! pro­mul­guées, et instru­men­tée à par­tir de la Mai­son Blanche, où la direc­trice de cab­i­net de Trump (la « Chief of staff » Susie Wiles) sera à la manœu­vre avec quelques adjoints clés, en par­ti­c­uli­er Steve Miller, fidèle des fidèles, qui sera en charge de l’accomplissement par les min­istères des plans et pro­jets poli­tiques de l’administration Trump.

Cela s’explique bien sûr, avant d’entrer dans le vif du sujet, par le fait que la « coalition Trump » a puissamment gagné l’élection du 5 novembre dernier. Comment expliquer ce raz de marée ?

– Cor­ri­geons d’abord. Il s’agit certes d’une vic­toire nationale mas­sive pour la coali­tion et ses satel­lites dans le cadre de l’élection prési­den­tielle (la carte du pays est passée pra­tique­ment et totale­ment au rouge répub­li­cain). Mais la per­for­mance des can­di­dats par­lemen­taires répub­li­cains a été pous­sive, voire cat­a­strophique : Trump a fait mieux que ses can­di­dats dans cha­cune de leurs cir­con­scrip­tions. Ceci explique qu’en dépit du raz de marée, après huit jours de comptes et de décomptes, les répub­li­cains de la Cham­bre ont à peine franchi la barre de la majorité (faisant moins bien que leur score pitoy­able de 2022), cepen­dant que sub­siste encore au Sénat, qui n’a con­sti­tu­tion­nelle­ment fait l’objet que d’un renou­velle­ment par­tiel, un cacochyme noy­au dur de « RINOS » (Repub­li­cans In Name Only). Ces haineuses créa­tures des lob­bies, extrême­ment con­nec­tées à la planète dona­teurs, con­nais­sent les ficelles du régime des par­tis ; elle fer­ont tout pour sauver le marécage con­tre le dan­ger exis­ten­tiel que Trump représente pour les oli­garchies. Ce qui risque d’invalider l’apparente majorité de Trump au Sénat. En fait, les répub­li­cains des deux cham­bres ne sont pas tous trump­istes. Soci­ologique­ment prédéter­minés par un dres­sage pavlovien vieux de cinquante ans, ils auront ten­dance à se couch­er à la moin­dre intim­i­da­tion. Et cela va sans dire : leur loy­auté n’ira pas néces­saire­ment au pays ou à la Con­sti­tu­tion, mais bien à ceux qui leur pro­curent les fonds pour se faire réélire… en atten­dant de pan­tou­fler dans les grandes entreprises.

Restons sur ce point et pouvons-nous préciser ce que « trumpisme » veut dire aujourd’hui ?

Avant l’élection, le trump­isme avait trois com­posantes : le mou­ve­ment MAGA (Make Amer­i­ca Great Again), au par­fum d’isolationnisme pop­uliste, le mou­ve­ment Amer­i­ca First, sorte de nation­al­isme impér­i­al à la Ted­dy Roo­sevelt sur le mod­èle du XIXe siè­cle, et enfin le con­ser­vatisme con­sti­tu­tion­nal­iste furieuse­ment attaché aux lib­ertés indi­vidu­elles régulière­ment mis­es en brèche depuis le milieu du XXe siè­cle par la cen­tral­i­sa­tion con­stante de l’État fédéral. Ces trois courants ont été pilotés selon les cir­con­stances par Trump, seul politi­cien jusqu’ici capa­ble de les coor­don­ner effi­cace­ment en pro­posant un adver­saire com­mun : le mirage de l’hégémonisme absolu (coû­teux en or et en sang) né de la chute du soviétisme, et vibrant d’une sorte d’ivresse impéri­ale wok­iste qui ne béné­fi­cie qu’aux oligarchies.

Il faudrait donc comprendre que le culte de l’hégémonisme mondial a été bridé par Trump et ce nouveau parti républicain ?

Il est vrai que l’hégémonisme avait prin­ci­pale­ment misé depuis Hillary Clin­ton sur un par­ti démoc­rate en voie de soviéti­sa­tion tyran­nique (il avait depuis longtemps aban­don­né les class­es indus­trielles), ain­si que sur une pudi­bonde classe médi­a­tique et judi­ci­aire de type Nord-coréen. Le par­ti répub­li­cain, quant à lui, avait amor­cé une tran­si­tion en laque­lle ne reste plus aujourd’hui en son sein qu’une minorité, par­mi les élus et anciens élus, de cyniques réfrac­taires à la vox pop­uli, que ce soit par intérêt, absence de con­vic­tion, ou tout sim­ple­ment d’intelligence. Ils raison­nent en vase clos et con­ser­vent un pou­voir de nui­sance. Cepen­dant que la base du par­ti des mil­i­tants est ani­mée d’une main de fer par la bru de Don­ald Trump visant un renou­velle­ment qui pren­dra encore deux ou trois années à coaguler.

Trump a dynamisé les trois familles historiques de son mouvement, et cela aura suffi pour gagner l’élection ?

Non ! Ces trois mou­ve­ments ne lui auraient jamais per­mis de pass­er la barre des 47%. C’est bien pour cela que les médias, les insti­tuts de sondage, et les punais­es de sac­ristie médi­a­tiques se trompaient en croy­ant dur comme fer que Trump ne pour­rait pas gag­n­er, quand bien même on lui opposerait un manche à bal­ais. Il suf­fi­rait pen­sait-on de faire peur à l’électorat « mod­éré » des ban­lieues aisées, de fix­er les femmes sur le thème de l’avortement, puis d’aller chercher dans les « plan­ta­tions » les habituelles cohort­es « garanties d’avance » d’électeurs afro-améri­cains et his­paniques, et le tour serait joué. Or cela n’a pas fonctionné.

Donc « l’intersectionnalité » (précédemment discutée dans ces colonnes), n’est plus de mode ?

C’est exact, nous en avions par­lé ici. La bau­druche du wok­isme s’est effon­drée, et pour deux raisons. La pre­mière tient au fait que la cam­pagne de Trump s’est inscrite dans une logique de « lutte des class­es » et non de guerre des sex­es, des gen­res, ou des races. Il a présen­té un sché­ma sim­ple : l’affrontement réside entre « ceux d’en haut » (les pré­da­teurs) et « ceux d’en bas » (les vic­times) ; allons donc ensem­ble procéder au net­toy­age des écuries d’Augias. Con­comi­ta­m­ment, et pra­tique­ment par acci­dent, et ceci aura sur­pris bien des obser­va­teurs, Trump a su réveiller le drag­on du vir­il­isme, car­bu­rant de la révolte, à laque­lle les femmes se sont ral­liées pour une part non nég­lige­able (à l’exception des baby­boomers de niveau uni­ver­si­taire). Ajou­tons que dans cette phase de recon­quête cul­turelle, autant son aspi­rant à la Vice-prési­dence, JD Vance, que son « idéo­logue » Tuck­er Carl­son ont remar­quable­ment con­tribué à cet éveil mas­culin. Aupar­a­vant les hommes restaient dans le placard.

Une nouvelle « intersectionnalité » serait ainsi en train de naître. Mais cela n’était pas encore suffisant pour gagner ?

En effet ! Car « les poli­tiques et pro­grammes de cir­con­stance» ne suff­isent plus à con­va­in­cre une pop­u­la­tion générale bien trop intel­li­gente pour se laiss­er bern­er par quelque tech­nocrate magi­cien. Cette dernière a fait mon­tre d’une con­science de la réal­ité bien supérieure à celle de la bulle des élites. Pour la pre­mière fois, dans cette élec­tion, l’inconscient col­lec­tif a bien perçu qu’il ne s’agissait pas seule­ment de pro­pos­er des mesures « tech­niques » pour régler un prob­lème. La majorité des électeurs se sen­taient con­fron­tés à une men­ace d’asservissement ; il s’est agi pour la cam­pagne Trump d’abord de chang­er le prob­lème, de le déplac­er, autrement dit de le met­tre entre par­en­thès­es afin de pou­voir le régler. Et ce prob­lème c’était le « régime » améri­cain lui-même, qui était « sor­ti » de la bouteille de la Con­sti­tu­tion, ne voulant plus y retourn­er. Il fal­lait donc chang­er de régime et « tout cass­er » là où cela blo­quait, par­ti­c­ulière­ment dans les bureau­craties. Autrement dit, comme l’aurait dit Schum­peter, il fal­lait innover et procéder à une « destruc­tion créa­tive » per­me­t­tant une réini­tial­i­sa­tion de l’ordinateur. Faute de quoi il aurait été impos­si­ble de net­toy­er les écuries. Il fal­lait donc pour ce faire importer des « gros cal­i­bres » dans l’équipe.

D’où l’entrée dans l’arène de RFK junior et de l’innovateur Elon Musk immé­di­ate­ment après la pre­mière ten­ta­tive d’assassinat de Trump. Avec eux, la « pen­sée latérale » deve­nait crédi­ble, il était per­mis aux électeurs d’espérer qu’il serait effec­tive­ment pos­si­ble de redress­er l’économie, sup­primer l’inflation, faire ren­tr­er le cap­i­tal étranger sur le sol améri­cain, rede­venir la puis­sance énergé­tique mon­di­ale, con­trôler son immi­gra­tion, mais aus­si rêver à des aspi­ra­tions plus hautes : la san­té de la pop­u­la­tion (en par­ti­c­uli­er des enfants), la restau­ra­tion des lib­ertés publiques par la fin de la cen­sure, la remise en cause des cor­rup­tions bureau­cra­tiques (des économies majeures en découlant – on par­le de deux mille mil­liards de dol­lars, soit un tiers des dépens­es gou­verne­men­tales), la fin des guer­res à des fins privées, la resti­tu­tion de l’éducation des élèves aux états et aux par­ents, etc.

D’où l’urgence à constituer une équipe axée sur la transformation. Mais comment cette équipe va faire pour mettre en application le changement de régime attendu en seulement deux ans ? Car c’est bien de deux ans dont il s’agit ?

Com­mençons par le com­mence­ment : le pre­mier écueil sera de faire valid­er les nom­i­na­tions par le Sénat. Trump a bien com­pris que le temps joue con­tre lui. En 2016, Trump était arrivé en place alors que sa perte avait déjà été décidée puis mise en route par l’État pro­fond. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Il a immé­di­ate­ment mis en place une équipe pra­tique­ment com­plète (pré­parée de longue date), afin de pren­dre de court les répub­li­cains du Sénat dont il sait qu’une solide minorité lui est hos­tile. En présen­tant tout en bloc sa liste de « révo­lu­tion­naires », il lui fau­dra prof­iter de sa lune de miel pen­dant que les démoc­rates pansent leur plaies, et surtout devra-t-il pass­er en force au Sénat en jouant du tri­bunal de l’opinion publique lorsque les répub­li­cains saboteront ses nominations.

Quelle est l’approche de cette équipe et pour quel programme ?

Le dénom­i­na­teur de toute l’opération repose sur le principe de la restruc­tura­tion d’entreprise. L’entreprise Amérique va mal, ses dirigeants sont en rup­ture d’exclusivité, cer­tains tra­vail­lent pour la con­cur­rence, ses équipes d’exécution font pass­er les intérêts des four­nisseurs avant ceux des action­naires et des clients, le cash­flow part à vau‑l’eau, les bud­gets sont automa­tique­ment recon­duits depuis la nuit des temps, les investisse­ments sont com­man­dités par une clique de prof­i­teurs qui domi­nent et manip­u­lent les équipes man­agéri­ales, la dette devient pharaonique, les employés sont en mau­vaise san­té, obès­es, ou se droguent, etc. Une fois ce con­stat réal­isé, il faut procéder à l’audit de cha­cune des divi­sions de l’’entreprise, véri­fi­er sa rai­son d’être, exam­in­er les gaspillages, imag­in­er les réduc­tions de coûts atteignables grâce à de nou­velles tech­nolo­gies (l’IA, par ex).

Ce qui revient à passer au crible tous les ministères ? Mais aussi à remettre en cause, ne serait-ce qu’au motif financier, toutes les politiques d’engagement de dépenses à court et long terme, non seulement au pays mais sur toute la planète ? Voire dans l’espace intersidéral ? Par exemple la politique étrangère, la politique énergétique, la politique des ressources agricoles et écologiques, la quête spatiale de demain ?

– Ce sont très exacte­ment les chantiers du siè­cle ! Si la Chine avait lancé les routes de la soie pour anesthési­er « l’occident », le tri­umvi­rat Trump-Kennedy-Musk utilise pour sa part le levi­er de l’innovation garante de la lutte con­tre la cor­rup­tion pour accom­plir de façon plus effi­cace cer­taines poli­tiques tra­di­tion­nelles de redresse­ment qui n’auraient aucune chance de réus­sir aujourd’hui avec les per­son­nels exis­tants. Le tri­umvi­rat pro­pose ain­si un sché­ma archéo­fu­tur­iste, se présen­tant les pieds dans la terre et la tête dans les étoiles… mais surtout dans un corps sain !

Musk ne joue-t-il pas une carte personnelle dans cette affaire ?

Certes, comme du temps de la Renais­sance, et cela va très bien pour lui ! Il a vite com­pris qu’avec une équipe poli­tique tra­di­tion­nelle à la Mai­son Blanche et au Con­grès, alors qu’il est devenu le con­trac­tant le plus impor­tant du gou­verne­ment améri­cain, il ne parviendrait pas à dévelop­per son effi­cience au-delà de tâch­es ancil­laires. Ain­si du lance­ment de quar­ante fois plus de véhicules dans l’espace que Boe­ing, et pour la moitié du coût, pour finir par récupér­er les astro­nautes coincés dans la navette parce que Boe­ing ne pou­vait plus tech­nique­ment le faire. Il con­nait le bud­get de la NASA, mon­stre de bureau­cratie pachy­der­mique. Et il sait aus­si les entrav­es règle­men­taires qui lui font sen­tir que les nains se sont rassem­blés autour de Gul­liv­er. Oui, il a des visées per­son­nelles : en mis­ant tout sur Trump, il com­prend qu’avec un État effi­cient, il pour­ra lui-même con­serv­er et accélér­er son avance sur les tech­nolo­gies de la Chine. Faute de quoi…

Alors, comment faire valider sans problème l’équipe de Trump par un Sénat se prétendant amical mais fondamentalement hostile ou tout simplement sans colonne vertébrale ?

Notons d’abord que bien des séna­teurs (comme d’ailleurs des députés) sont le reflet des think-tanks qui rédi­gent leurs textes et doc­u­ments de tra­vail. Trump n’oublie pas par exem­ple que vingt séna­teurs répub­li­cains avaient rat­i­fié la nom­i­na­tion du min­istre de la Jus­tice de Biden (l’Attorney Gen­er­al Mer­rick Gar­land qui a tout fait pour le faire con­damn­er et met­tre en prison). Les séna­teurs, y com­pris les plus sym­pa­thiques, sont des caciques sou­vent « tenus » par un dou­ble his­torique, celui de la guerre froide et celui de l’hégémonisme facile des années qua­tre-vingt-dix. Bon nom­bre ne com­pren­nent pas du tout la poli­tique du tri­umvi­rat Trump-Kennedy-Musk qui se situe aux antipodes de ce qui se fait d’habitude. D’où beau­coup de com­men­taires (sou­vent sincères) sur le fait que bien des mem­bres de l’équipe nom­mée par Trump de dis­posent pas des « qual­i­fi­ca­tions » néces­saires. Et, effec­tive­ment, ils ne sont pas qual­i­fiés pour appartenir au club fer­mé du « swamp ». D’autres, au con­traire, ne com­pren­nent que trop bien la poli­tique révo­lu­tion­naire du tri­umvi­rat qui, si elle réus­sit, con­sacr­erait leur extinc­tion. D’où les com­men­taires accu­sant les min­istres putat­ifs de Trump de représen­ter un dan­ger « clow­nesque » pour la sécu­rité nationale.

Sera-t-il aisé de contrecarrer les hostilités actuelles du Sénat sur les nominations ? Que fera la presse ? La vox populi ?

Les grand médias, tous fil­ial­isés à des méga-multi­na­tionales (Dis­ney, Com­cast, etc.) sont en dif­fi­culté. Cer­tains sont à ven­dre, soit offi­cielle­ment, soit offi­cieuse­ment (CNN). Sec­oués par leur inap­ti­tude à com­pren­dre le pays réel, inca­pables d’autocritique, ils en sont encore au stade du gros caprice nerveux. Ils ne comptent plus. Alors com­ment maitris­er les séna­teurs lors des débats sur les nom­i­na­tions gou­verne­men­tales ? Tout sim­ple­ment avec X, qui a sem­ble-t-il survécu à l’hémorragie d’usagers et de pub­lic­i­taires de 2023–24 (la com­pag­nie est proche de la rentabil­ité avec 75% d’effectifs en moins, béné­fi­ciant d’un retour des investis­seurs pub­lic­i­taires qui voient tourn­er le vent). S’y ajoutent égale­ment les pod­casts (bal­a­dos) à très fort tirages, comme Joe Rogan, TCN (Tuck­er Carl­son News) etc.

La force de frappe médi­a­tique de Musk, lequel pèse per­son­nelle­ment très sou­vent un mil­liard de vues mon­di­ale­ment, représen­tent un levi­er con­sid­érable. Ce sera en par­ti­c­uli­er le cas pen­dant la présente lune de miel postélec­torale, où il sera pos­si­ble d’inciter les électeurs à faire pres­sion sur leurs séna­teurs et séna­tri­ces qui auraient ten­dance à oubli­er que Trump a bien reçu un man­dat du peu­ple, ou bien qui seraient ten­tés de sabot­er ou retarder le proces­sus de nom­i­na­tion usant de divers­es sub­til­ités procé­durières. Avec Musk, les médias soci­aux ne se gêneront pas pour stig­ma­tis­er sur la (véri­ta­ble) place publique les pos­si­bles faux-jetons.

Pourquoi parle-t-on d’une fenêtre de deux ans pour assoir définitivement le Trumpisme ?

C’est le temps qu’il faut pour gag­n­er ou per­dre les élec­tions lég­isla­tives intéri­maires (« midterm ») de 2026. C’est pourquoi le pro­jet DOGE (Depart­ment of Gov­ern­ment Effi­cien­cy) d’Elon Musk et Vivek Ramaswamy s’est don­né pour objec­tif de lancer un max­i­mum de restruc­tura­tions afin de les « offrir au peu­ple améri­cain » lors du 250e anniver­saire de la révo­lu­tion améri­caine, en 2026, pré­cisé­ment. Ceci per­me­t­tra aux électeurs de vot­er sur la con­tin­u­a­tion du plan, la crois­sance économique (escomp­tée) aidant. Et d’améliorer la majorité répub­li­caine au Congrès.

Si le triumvirat réussit, faudra-t-il s’en réjouir pour le monde et pour l’Europe ?

Pour l’Eurasie, oui ! Il ne serait pas sur­prenant que Trump et Pou­tine se ren­con­trent, cha­cun avec ses oli­gar­ques, afin de décider d’un plan de relance économique pour la total­ité des ter­ri­toires, Russie incluse, bas­ant leur plan sur le mod­èle des accords d’Abraham. Pour le Proche Ori­ent, peut-être ! (une fois la ques­tion de l’Eurasie réglée, et sur les bases de nou­veaux accords d’Abraham, afin de sor­tir la Chine du jeu). Pour les BRICS, prob­a­ble­ment ! (si la Chine et l’Inde y trou­ve leur compte). Pour l’Europe, sans doute ! (mais seule­ment le jour où elle décidera d’exister. Elle est pour l’instant la dernière de la classe aux yeux des dirigeants améri­cains, Trump inclus. Ce serait peut-être pour elle l’occasion de se décoloniser ?)

Soyons réalistes, que peut-il arriver de mal au démarrage de la transition Trump ?

D’abord que le Sénat refuse de jouer le jeu. Une procé­dure con­sti­tu­tion­nelle existe, qui a était util­isée 139 fois par Bill Clin­ton, 171 fois par George W. Bush, et 32 fois par Barak Oba­ma, le « recess appoint­ment » : la nom­i­na­tion tem­po­raire d’un ou de plusieurs min­istres et hauts fonc­tion­naires pen­dant une vacance ou une inter­rup­tion de ses­sion – de 10 jours min­i­mum. Cette nom­i­na­tion sans exa­m­en par le Sénat reste tem­po­raire (jusqu’à la fin de la prochaine ses­sion, soit env­i­ron deux ans), mais elle per­met à l’équipe de fonc­tion­ner à plein régime, sans atten­dre 120 jours (en moyenne, par­fois beau­coup plus) de val­i­da­tion des can­di­da­tures (et de faire ses preuves). Or, par un mini coup tor­du, le leader répub­li­cain du Con­grès a « 0rganisé sa suc­ces­sion» ! avant même que le nou­veau Sénat prête ser­ment, en faisant élire un « Rino » à la langue fourchue. Trump et ses alliés ont déjà demandé (pas encore offi­cielle­ment) d’utiliser la procé­dure des nom­i­na­tions inter­mé­di­aires, compte tenu l’immense tâche qui attend son gou­verne­ment. Le leader Rhi­no (John Thune) doit pour cela organ­is­er un vote. Il peut le refuser. Ou bien l’organiser en sachant que sur les 53 séna­teurs répub­li­cains com­por­tent 5 à 7 « nev­ertrumpers ». L’interruption de ses­sion serait ensuite « démoc­ra­tique­ment » rejetée.

Donc la procédure va s’étirer en longueur afin de permette aux médias de jeter des tombereaux d’opprobre sur Trump via ses candidats pendant les deux prochaines années ?

Il resterait à Trump encore deux chances : ren­tr­er par la fenêtre, ou encore enfon­cer (légale­ment) la porte. Autrement dit dans le pre­mier cas Trump pour­rait deman­der au Speak­er d’organiser une inter­rup­tion de ses­sion de la Cham­bre des représen­tants, auquel cas le Sénat deviendrait tech­nique­ment « non fonc­tion­nel », ce qui per­me­t­trait à Trump de faire pass­er ses nom­i­na­tions. Dans le sec­ond cas il pour­rait tout sim­ple­ment (prérog­a­tive con­sti­tu­tion­nelle) ajourn­er la ses­sion du Con­grès dans son ensem­ble (les deux cham­bres), le temps néces­saire de procéder à ses nom­i­na­tions temporaires.

Quelles autres tuiles pourrait lui tomber sur la tête ?

Nous entrons ici dans un raison­nement qui est celui des paci­fistes hyper-inqui­ets, tel le juge Napoli­tano, dont les invités déplorent la dérive anti-irani­enne de la nou­velle équipe. Et de se pos­er deux ques­tion : com­ment Trump pour­ra-t-il con­trôler le chaos du Proche-Ori­ent ? Com­ment les néo­con­ser­va­teurs pour­raient min­er la sit­u­a­tion en Ukraine avant l’assermentation de Trump ? Nous ajouterons de notre côté une autre ques­tion, fon­da­men­tale : com­ment Trump va-t-il sup­port­er la pop­u­lar­ité crois­sante de RFK Junior et d’Elon Musk ? Son ambi­tion étant de devenir aux yeux de l’histoire le Prési­dent le plus sig­ni­fi­catif des États-Unis, pour­ra-t-il sup­port­er de partager cet honneur ?

En conclusion ?

Reprenons ici les con­clu­sions (Trump’s tran­si­tion picks: Strat­e­gy, high­est upside/downside, and more, à 1h 05 min 50 sec) de l’excellent pod­cast financier All In. Trump, explique l’un d’entre eux (à par­tir de 1h 11 min 24 sec), applique la méth­ode dar­win­iste aux con­glomérats bureau­cra­tiques : l’imposition à ses derniers d’un stress max­i­mal (coupures, fer­me­tures, délo­cal­i­sa­tions loin de Wash­ing­ton en plein « pays Trumpi­en » etc.) per­me­t­trait l’identification des seules équipes et agences com­pé­tentes et utiles, qui alors sur­vivront. L’approche est déjà util­isée en Argen­tine, par le Prési­dent Javier Milei. C’est dire…

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