Le stade de France a accueilli successivement et à 48 heures d’intervalle, du football le 14 Novembre avec France-Israël, et du rugby le 16 Novembre avec France — Nouvelle Zélande. Naturellement, chacun sait que les deux événements n’étaient pas comparables ; le premier match s’est joué dans le contexte particulier que l’on sait, tandis que le second est l’une des plus belles affiches que peut produire le monde de l’ovalie. Cependant, le comportement exemplaire des équipes et du public lors du match de rugby a généré quantité de commentaires très positifs sur les réseaux, et la concomitance des dates a immanquablement fourni l’occasion d’une comparaison entre les deux sports.
Pascal Praud ouvre le feu sur CNews
Lundi 18 au matin, CNews ouvre « l’heure des pros » sur le match de rugby :
L’Heure des Pros (Émission du 18/11/2024) | CNEWS. Pascal Praud revient sur le match de rugby qui a marqué et qui a généré quantité de réactions unanimement positives ;
« Une séquence a marqué les uns et les autres ce weekend ; l’hymne national, la Marseillaise, chantée par chacun des joueurs du XV de France et repris par l’ensemble du stade. C’était Samedi soir sur TF1, avant que les bleus ne gagnent contre la Nouvelle-Zélande. J’y ai vu un morceau de France, ce cher pays de notre enfance, j’y ai vu le monde d’avant, quand les hooligans ne remplissaient pas les tribunes, quand aucun tiffo politique ne perturbait une rencontre sportive, quand il n’y avait pas plus de policiers que de spectateurs, quand enfin des joueurs qui portent le maillot national semblent traversés par une émotion qui vient de loin, celle des enfants de la patrie quand le jour de gloire arrive. Les années passent et le rugby garde son identité pour le meilleur et aussi parfois pour le pire lorsque ces jeunes gens arrosent trop une victoire. Mais il y avait dans cette Marseillaise, chantée à plein poumon, par des colosses aux pieds agiles un désir d’honorer et de servir la France, une volonté aussi de partager… »
Que trouve-t-on précisément dans cette intervention ? Une admiration pour des rugbymen fiers de représenter leur pays, et plus généralement une nostalgie des temps passés et une émotion pour un sport qui reste solidement ancré dans le pays. Le journaliste s’émeut des images du rugby, et se fait ainsi l’écho des très nombreux commentaires qui ont fleuri sur les réseaux après le match. Mais il ne dit rien de négatif sur le football. Et il ne cherche pas à analyser les différences entre les deux sports, ce qui serait évidemment plus long et plus complexe.
Jean-Michel Aphatie prend la mouche « fachosphériste »
Ce sera sur TMC dans l’émission Quotidien du 19 Novembre, qui cherche à débusquer la faute. Quotidien, première partie du 19 novembre 2024 — Quotidien | TMC
« Vous êtes foot ou vous êtes rugby ? … ce débat sort d’une collision sportive tout à fait surprenante ; Jeudi soir stade de France… Samedi soir… deux stades, deux ambiances ».
« le Dimanche sur les réseaux sociaux, beaucoup de gens, plutôt fachosphéristes » ont relevé les différences.
Ensuite sont passées des images de la Marseillaise des rugbymen, chantée à tue-tête et reprise par le public, et de celle des footballeurs, où les joueurs semblent pressés que l’intermède se termine.
Puis Jean-Michel Aphatie désigne Pascal Praud comme « le grand prêtre de cette messe-là », et commente ainsi les paroles de son confrère :
« L’Académie française pour Pascal Praud ! au minimum ! Voyez, rugby la fierté Française, le monde d’avant, de quel avant ? On parle de quoi ? Bon on parle des années cinquante-soixante, de la France des clochers, quand la France était, je le dis comme çà parce qu’il le pense comme çà, il ne l’a pas dit mais il le pense comme çà, quand la France était blanche, après la France est métissée et puis il y a des problèmes et puis il y a la drogue et puis il y a des violences et ça c’est le foot, c’est ça le débat… ».
Si l’on reprend l’éditorial de Pascal Praud, il n’a rien dit de négatif sur le football. Et c’est encore Aphatie qui parle de « France blanche », et de « France métissée », une chronique qui relève du procès d’intention.
Voir aussi : Jean-Michel Aphatie, portrait
Praud reprend sur Europe 1
Mais nous pouvons pousser la curiosité et nous demander comment Pascal Praud a traité le sujet sur d’autres médias. Un exemple dans sa matinale d’Europe 1 du même jour, où il prend un peu plus de temps pour traiter la question.
« Cela a frappé beaucoup de gens cette Marseillaise chantée à capella par tout le public au stade, des images qui effectivement changent après France-Israël », même si précise-t-il « les footballeurs ne sont pas responsables du climat de France-Israël ».
La chronique est étayée avec une intervention de Rudy Mana, porte-parole du syndicat de police Alliance et auteur d’un tweet élogieux sur le public et l’ambiance rugby, qui déclare :
« pour un policier aujourd’hui, sécuriser un match de rugby, c’est un vrai bonheur ».
Au-delà du contexte très particulier de France – Israël, qui est à nouveau rappelé, Rudy Mana souligne l’immense difficulté à sécuriser les matchs de football en général, tandis qu’au rugby, « les supporters des deux équipes boivent des canons ensemble, ils discutent ensemble, ils échangent ensemble … en tant que policiers, on ressent l’animosité que l’on peut avoir sur un match de foot et la sympathie que l’on peut avoir sur un match de rugby. »
Et Pascal Praud de conclure :
« Même si on ne va pas faire d’angélisme, parfois les rugbymen notamment lors de la 3ème mi-temps lorsqu’ils arrosent un peu trop la victoire … ce n’est pas toujours ce qu’il faut faire, c’est vrai qu’il y a dans les valeurs du rugby une identité de partage, de communion, d’identité très Française que l’on a vu dans cette Marseillaise bien évidemment. »
Un autre point de vue par Jérôme Rothen
Un autre exemple significatif avec Jérôme Rothen sur RMC Sport du 18 Novembre :
“Il faut prendre ce qu’il se fait ailleurs”, le foot doit s’inspirer du rugby selon Rothen
En préambule, Jérôme Rothen ne veut pas comparer football et rugby (pourtant, c’est bien ce qu’il fait).
Extraits :
« Si tu me parles de l’atmosphère du rugby, dans un stade comme ça, samedi soir c’était fantastique. Ce que je reproche au foot et c’est pour ça qu’on met une petite alerte aux dirigeants du football français : méfiez-vous de ce que vous mettez en avant et du spectacle sur le terrain ou dans les tribunes. Il faut protéger un peu plus le football. »
« La Marseillaise reprise par 80.000 personnes, je n’ai jamais vu ça, même dans le foot, dans les gros matchs, je n’ai jamais vu ça. J’en avais des frissons. Nous (au foot) on a toujours des sifflets, des ceci et des cela. Putain, mais tout le monde chantait et en plus tu respectes aussi l’adversaire, la Nouvelle-Zélande, le haka était respecté. »
L’ancien joueur international et consultant football depuis une dizaine d’années, ne cache pas son enthousiasme pour le spectacle offert par le ballon ovale, à la fois sur le terrain et en dehors du terrain. Il rejoint ainsi ce qui a été observé par Pascal Praud, et par bien d’autres. Serait-il devenu « fachosphériste » ?
Voir aussi : Coupe du monde de football : les médias de grand chemin jettent un voile pudique sur les « incidents »