Lorsque les émissions ou les reportages du service public se soumettent aux interdits ambiants, ils perdent une grande partie de leur intérêt et de leur capacité à informer. En voici deux exemples récents, ou deux manières de vider une question intéressante de sa substance.
Premier exemple : un plateau fondamentalement déséquilibré
C ce soir du mercredi 4 décembre : « Barnier : la chute et l’incertitude ? ». Invités :
- Virginie Calmels, ancienne vice-présidente déléguée des Républicains, cheffe d’entreprise ;
- Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, conseillère régionale des Hauts-de-France, élue d’opposition au conseil municipal de Hénin-Beaumont, autrice de Nouvelles du Front aux éditions Les liens qui libèrent (18.09.24) ;
- Sylvain Bourmeau, journaliste, professeur associé à Paris I, directeur du journal AOC, producteur de l’émission « La Suite dans les idées » sur France Culture ;
- Mathieu Lefèvre, député Renaissance du Val-de-Marne, vice-président du groupe Ensemble pour la république (EPR) ;
- Marianne Maximi, député LFI du Puy-de-Dôme ;
- Charles de Courson, député LIOT de la Marne.
Au final, deux représentants du NFP, un macroniste, un indépendant, une ex-républicain retraitée de la politique et qui intervient dans l’émission comme représentante du monde économique, et un journaliste nettement marqué à gauche.
Ce plateau penche à gauche, comme il se doit dans cette émission, mais le plus stupéfiant est qu’il n’y ait aucun représentant du Rassemblement national ou apparenté.
Il aurait été intéressant de savoir si le RN n’avait pas été invité, ou s’il avait décliné une invitation. Mais nous n’en saurons rien. Dans l’introduction et le tour de table des invités, tout est présenté comme si cette absence était parfaitement normale.
Pourtant, le RN et sa présidente ont joué le rôle que l’on sait dans la censure, et tout naturellement ils sont cités fréquemment durant l’émission ; difficile de traiter de « la chute du gouvernement Barnier », titre de l’émission, sans leur point de vue.
D’ailleurs, les échanges évoquent « les 3 blocs » qui ont été envoyés à l’assemblée par les Français, et qui doivent composer ensemble… sauf que l’un de ces 3 blocs étant absent, cela commence mal pour composer ensemble.
Dans ces conditions, le débat présente bien peu d’intérêt. Les représentants de la gauche jouent à domicile et peuvent tranquillement accumuler les poncifs.
Petit florilège :
- Marine Le Pen « qui a objectivement intérêt à ce que les gens continuent à dévisser socialement » (Marine Tondelier, pour qui l’autre Marine sera toujours le diable incarné) ;
- « moi j’ai des maires écologistes qui aident des enfants à la rue » (M. Tondelier, voir Les Misérables, avec Cosette à la rue et Jean Valjean en maire écolo) ;
- « dans le paysage politique Français, il y a des gens qui bénéficient par principe d’une présomption de crédibilité, la droite, les macronistes, ça fait sérieux, ils ont fait des études de banquier, tout ça » (M. Tondelier, un brin aigrie et méprisante) ;
- « les gens qui ont voté pour nous (le NFP), ils ont voté pour l’espoir, pour l’enthousiasme, pour un élan ! » (M. Maximi, un brin lyrique, malheureusement pour elle cet élan n’existait pas avant le second tour des élections et il s’est rapidement évaporé après) ;
- « il y a aujourd’hui des forces du capital qui sont à l’œuvre pour maintenir ce qu’elles ont obtenu c’est à dire une politique qui leur en met plein les poches » (M. Maximi, le marxisme pour les nuls) ;
- « les patrons n’ont pas d’emplois s’il n’y a pas de salariés, mais les salariés peuvent travailler sans patron » (M. Maximi, là on touche le fond, il est temps que le débat se termine).
Le résultat, c’est une monotonie prévisible et quelque peu agaçante.
Amis téléspectateurs, passez votre chemin, il n’y avait rien à voir, et rien à apprendre sur le thème annoncé de « Barnier : la chute et l’incertitude ? ».
Deuxième exemple : l’autocensure dans les commentaires et l’analyse
Envoyé spécial du 28 novembre 2024 : « La voiture nous rend-elle fous ? ».
Le reportage ouvre sur l’écrasement par une voiture d’un jeune cycliste (Paul Varry, 27 ans) le 15 octobre dernier à Paris, puis enchaine sur plusieurs exemples d’altercations et de comportements violents sur la route.
L’augmentation des violences au volant est malheureusement une réalité qu’il est facile d’observer.
Mais, au-delà du simple constat, peut-être ce phénomène pouvait-il être mis en lien avec l’augmentation de la violence dans d’autres secteurs de la société ? Peut-être eût-il été intéressant de s’interroger davantage sur ces conducteurs violents ? Non, le responsable n’est pas le conducteur violent, mais c’est la voiture, ce coupable idéal « qui nous rend fous ».
À l’appui de cette démonstration, une expérience scientifique qui constate, à l’aide d’un simulateur de conduite et de différents capteurs placés sur le corps, que des situations tendues de conduite peuvent rapidement générer beaucoup de stress. Ce constat est une évidence.
Mais dans le reportage, cela permet de déresponsabiliser le conducteur ; s’il est devenu violent c’est bien qu’il a été stressé par la voiture. Ce qui évite de questionner le passage à l’acte, c’est-à-dire le passage de la situation de stress au comportement violent. Un peu comme si le pistolet était responsable du meurtre et évitait de s’interroger sur le tireur.
Vous espériez que les journalistes du service public fassent preuve de davantage de curiosité dans l’observation des faits ? Ce sera (qui sait) pour une prochaine fois…