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Le Courrier des Amériques : le seul journal imprimé en français en dehors des pays francophones

10 janvier 2025

Temps de lecture : 8 minutes
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Le Courrier des Amériques : le seul journal imprimé en français en dehors des pays francophones

Temps de lecture : 8 minutes

Créé en 2013, d’abord sous le nom du « Courrier de Floride », Le Courrier des Amériques a la particularité d’être (à notre connaissance) le seul journal français imprimé en dehors des pays francophones : il n’y en a pas d’autres à Londres, New-York ou Tokyo.

C’est la présence d’environ 40.000 Français en Floride, mais surtout d’un million de Québécois (pendant les mois « froids » au Québec) qui permet ainsi d’avoir un journal mensuel francophone gratuit, financé par la publicité et distribué en Floride. Pour sa part, le site internet parle d’un peu tout ce qui concerne les États-Unis : tourisme, politique, business… et pas seulement de la Floride.

Rencontre avec Gwendal Gauthier, qui a créé ce média et le dirige toujours. Parmi les analyses intéressantes, on peut noter au passage que M. Gauthier a expliqué 8 jours avant l’élection présidentielle de novembre pourquoi Donald Trump allait gagner l’élection présidentielle. Pour un média qui se déclare « neutre », c’est une prise de risque intéressante. Vous pouvez lire Le Courrier des Amériques ici (courrierdesameriques.com).

Quels sont les principaux challenges journalistiques que vous rencontrez aux États-Unis ?

Gwen­dal Gau­thi­er : Je sais que vous pensez que les médias ne sont pas neu­tres en France, mais alors aux États-Unis c’est mille fois pire ! Depuis 2016, les télévi­sions et tous les grands jour­naux organ­isent leur con­tenu en fonc­tion de Don­ald Trump. Et pas unique­ment au niveau poli­tique. Pen­dant sa cam­pagne élec­torale, Trump a par exem­ple été servir des frites dans un McDonald’s. Dans les semaines suiv­antes, chaque jour le jour­nal télévisé d’NBC News men­tion­naient des prob­lèmes d’hygiène dans les McDon­alds. En Europe vous avez CNN Inter­na­tion­al, mais il ne faut pas croire que le CNN Améri­cain ait quoi que ce soit à voir avec la ver­sion inter­na­tionale : ici depuis 10 ans ils cri­tiquent Trump toute la journée. Et Fox News fait l’inverse : le con­tenu infor­matif des télévi­sions est absol­u­ment navrant, et la presse imprimée traite pour sa part d’autres sujets, mais au niveau poli­tique c’est la même chose. Apparem­ment une forte perte de lec­torat a touché ces médias. Tant mieux.

Alors, mes défis per­son­nels, c’est d’arriver à rester neu­tre dans un tel univers. Les Améri­cains (y com­pris fran­coph­o­nes) sont très polar­isés et chauf­fés à blanc les uns con­tre les autres. Il faut en con­séquence faire très atten­tion, notam­ment quand on poste des analy­ses poli­tiques sur les réseaux soci­aux : ça peut rapi­de­ment tourn­er au vinai­gre et vous met­tre en posi­tion d’accusé.

Apparemment, des médias américains ont décidé de se remettre en question cette fois ?

Oui, mais c’est récent et… je demande à voir. J’ai l’impression que plus per­son­ne dans ce pays ne sait ce que c’est que d’être neu­tre. Dans l’ensemble, durant plusieurs décen­nies, les médias améri­cains sont passés dans ce que moi j’appelle la post-vérité. À par­tir du moment où on écrit « con­tre le mal », qu’importe la vérité ? Mais une fois que les télés sont rem­plies de post-vérités sur les « impeach­ments » de Trump ou sur les enquêtes con­cer­nant les événe­ments du Capi­tole le 6 jan­vi­er 2020, alors les jour­naux télévisés se refer­ment et le reste de l’info n’a pas été traitée. Effec­tive­ment, quelque chose est en train de bouger, notam­ment avec les coups de boutoirs de Trump et de Musk. Mais je me demande vrai­ment com­ment ils vont faire pour en sor­tir. Ce sont les mêmes mass médias qui se sont tous dotés dans les dernières décen­nies de cel­lules de « fact check­ing ». Ça ne les a pas empêché de som­br­er dans la post-vérité !

Depuis 8 ans on entend beaucoup parler de « climat de guerre civile aux USA », y a‑t-il un fond de vérité ?

D’après ce que j’ai pu con­stater, il n’y a aucune base crédi­ble à ces accu­sa­tions. Il y a un change­ment dans les modes de com­mu­ni­ca­tion avec l’arrivée d’internet. Des gens qui s’engueulaient autre­fois au bistrot le font désor­mais sur le web. Les Améri­cains n’arrivent plus à com­pren­dre un seul point de vue poli­tique, donc à la place ils envoient facile­ment des insultes. Mais ce n’est pas de la haine. Cha­cun a pu voir que les com­mu­nautés (noirs, lati­nos etc…) votent de manière plus com­plexe et partagée que ce que cer­tains avaient prévu.

Pour faire court : pour moi les États-Unis sont un pays frag­ile, et frag­ilisés par le melt­ing pot, le manque de cohé­sion. Emmanuel Todd a fait un excel­lent tra­vail sur le sujet. Mais… tant qu’il y a de l’argent, on n’est pas près de voir le début d’une guerre civile. Les gens ne se détes­tent pas.

Votre contenu semble effectivement assez varié et neutre. Êtes-vous passé par une école de journalisme ?

La réponse est dans votre ques­tion (rires) ! J’ai com­mencé dans le jour­nal­isme directe­ment à Oise Heb­do pen­dant 6 mois qui m’ont per­mis d’apprendre l’essentiel, notam­ment cet état d’esprit non-par­ti­san, ouvert ; puis ensuite dans d’autres rédac­tions de la presse locale.

Vous n’êtes pas même atlantiste ?

J’ai vu cette cri­tique par­fois. Bien sûr, quand il le faut, nous défendons l’amitié fran­co-améri­caine, y com­pris sur des ques­tions poli­tiques ou mil­i­taires. Mais unique­ment quand notre analyse peut apporter quelque chose au débat et quand ça nous paraît jus­ti­fié. Je ne pense pas qu’on puisse en traduire que nous avons des par­tis pris. Bien sûr nous sommes favor­ables à l’amitié entre les peu­ples et tant que pos­si­ble entre les pays, nous sommes-là pour créer ces liens.

En regardant votre site internet, on peut voir que vous écrivez beaucoup pour aider des investisseurs et chefs d’entreprises à quitter la France ou le Canada. Est-ce bien raisonnable ?

Le Courrier des Amériques : le seul journal imprimé en français en dehors des pays francophones

Le Cour­ri­er des Amériques : le seul jour­nal imprimé en français en dehors des pays francophones

La per­cep­tion de ce que sont les expa­triés me paraît erronée, notam­ment en France. Nico­las Sarkozy pen­sait que les expats étaient des génies, il leur avait même rem­boursé les frais de sco­lar­ité à l’étranger. François Hol­lande, au con­traire, voulait empêch­er les Français de par­tir, et voulait blo­quer leur argent. Emmanuel Macron lors de sa pre­mière vis­ite à New York en tant que prési­dent, dis­ait qu’il voulait « aider les expats à ren­tr­er ». Les bras m’en tombent. Les expats aux États-Unis ne sont ni des génies ni des voleurs. Il y a de tout : des artistes, des fonc­tion­naires, des profs de français, de nom­breux cadres des multi­na­tionales français­es, cana­di­ennes etc… des mil­i­taires, des aven­turi­ers, des cou­ples bi-nationaux, des chefs d’entreprises qui impor­tent aux États-Unis des pro­duits français etc… Il y a tou­jours eu des Français à l’étranger. Main­tenant, effec­tive­ment il y a aus­si quelques exilés fis­caux. D’ailleurs un bon nom­bre de chefs d’entreprises préfèrent tra­vailler aux États-Unis pour ces raisons-là… fis­cales. La respon­s­abil­ité incombe directe­ment aux pays d’origine (France, Québec…). À eux de savoir quelle fis­cal­ité ne va pas faire fuir une par­tie trop impor­tante de leurs habi­tants. De même pour les règles sur la Covid. Quand des jeunes chefs d’entreprises français ou cana­di­ens, qui ont l’avenir devant eux, se font fer­mer leur entre­prise et enfer­mer chez eux par le gou­verne­ment et qu’ils voient sur les réseaux soci­aux qu’en Floride on n’a que très peu de con­traintes et qu’on peut aller à la plage… ça en fait par­tir un cer­tain nom­bre. C’est aux gou­verne­ments de prévoir les con­séquences de tout ça. Nous, en tant que média, nous ne faisons que pub­li­er des infos.

À ce qu’on voit, il n’y a pas non plus des mil­lions de fran­coph­o­nes à arriv­er chaque année aux États-Unis, mais c’est vrai que depuis la Covid ça ne faib­lit pas. Et, pour répon­dre à votre ques­tion, les investis­seurs sont une part de notre lec­torat… tout comme le sont les retraités québé­cois ou les jeunes cadres internationaux.

Vous avez eu des prédécesseurs aux États-Unis ?

Il y en a eu des jour­naux pop­u­laires dans les États fran­coph­o­nes comme la Louisiane, ou encore ceux proches de la fron­tière cana­di­enne mais il n’y a plus d’imprimés français à part le Cour­ri­er des Amériques. Il y avait aus­si France-Amérique qui était née durant l’occupation, avec un mot de sou­tien du général De Gaulle pub­lié sur la cou­ver­ture du pre­mier numéro. Mais mal­heureuse­ment France-Amérique s’est arrêté à la fin de 2023.

Notez qu’il y a aus­si de dynamiques petits médias numériques fran­coph­o­nes qui renais­sent en Louisiane. Ce ne sont toute­fois pas des médias « étrangers », mais authen­tique­ment améri­cains, en langue française et/ou en créole de Louisiane.

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