Le moins que l’on puisse dire, c’est que la mort de Jean-Marie Le Pen n’a laissé personne indifférent, surtout pas à gauche. On peut citer les fêtes dans différentes villes de France, mais aussi le direct que Libération a offert à son vieil ennemi. Or, faites pour le dénigrer, ces fêtes et articles le célèbrent d’une certaine manière.
Jean-Marie Le Pen, ce mort dont il faut parler
Libération explique que sa Une « non » publiée au lendemain du premier tour de 2002 est « un marqueur dans l’histoire [du] journal ». Comment mieux dire que Jean-Marie Le Pen a marqué l’histoire politique française et que son héritage sera éternel ? Libération précise ainsi que « l’extrême-droite est plus puissante que jamais », que le parti de Jean-Marie Le Pen est « entré en force à l’Assemblée nationale » et « a et le pouvoir de dire stop » au gouvernement Barnier, sans compter qu’une « victoire à la présidentielle […] n’a jamais été aussi probable. » « Jean-Marie Le Pen est mort. Il laisse malheureusement en héritage une extrême-droite bien vivante ». À l’adverbe près, cette conclusion de Libération n’aurait pas déparé une épitaphe. Son héritage est tellement important que l’Élysée a dû publier un communiqué sur son décès, bien que, comme le note Off investigation, Emmanuel Macron ne l’ait pas signé. Le journal citera également un proche du président qui explique que ce dernier « ne pouvait pas rester silencieux, compte tenu de son poids politique pendant plus d’un demi-siècle. »
Des fêtards élevés au rang de résistants
À en croire les journalistes et autres personnalités, les fêtes de célébration de la mort de Jean-Marie Le Pen tutoyaient les manifestations qui menèrent à la chute du mur de Berlin. Jean-Luc Mélenchon affirme que le combat contre Jean-Marie Le Pen est désormais fini, comme s’il avait débattu contre lui la veille sur un plateau télé, alors que le combat est en réalité fini depuis au moins dix ans. On peut également citer Albert Lévy, ancien juge « rouge selon les réactionnaires », qui décrit cette manifestation comme « la France qu’on aime. Celle de la résistance. Celle qui fait obstacle au racisme et la haine. Celle qui s’élève pour défendre les peuples opprimés. » En fait de résistance, il s’agit surtout de celle à la météo, qui permet tout de même à Libération de qualifier les fêtards de courageux. Dans la nuit du 7 au 8 janvier, il faisait un froid hivernal, et pourtant la fine fleur (ou son contraire) de Paris célébrait la mort de Jean-Marie Le Pen en extérieur. L’une de ces célébrations a été initiée par le collectif les Inverti.e.s, dont Libération cite le communiqué. Ils appelaient ceux « qui étaient dans la rue en juin et juillet 2024, comme en mai 2002 » à se retrouver place de la République. De 2002 à 2024, on dirait presque le titre d’un biopic à la gloire de Jean-Marie Le Pen.
Le Pen est mort, le RN est vivant. Bisque, bisque, rage…
« Il est mort, enfin. » Ce mot cité par Libération résume bien la fascination curieuse des gauchistes envers Jean-Marie Le Pen. D’un côté, ce soulagement laisse entendre que le vieil homme avait encore de l’influence et qu’il aurait pu, par exemple, se présenter à l’élection présidentielle et l’emporter. C’est évidemment inexact. De l’autre, la gauche ne cesse de rappeler que même si Jean-Marie Le Pen est mort, non seulement son parti, le Rassemblement National, est encore là, mais en plus il est plus fort que jamais. L’héritage du menhir est donc bien vivant. Alors pourquoi ce « il est mort, enfin » ? Que va changer la mort de Jean-Marie Le Pen au cours du monde ? Absolument rien, mais quand on hait, on ne pense pas.
Jean-Marie Le Pen, symbole à saluer
En réalité, comme le faisait remarquer Marsault, illustrateur pour le magazine La Furia, les fêtes pour la mort de Jean-Marie Le Pen sont le plus bel hommage que pouvait lui rendre la gauche. En mourant, le vieillard fatigué et malade s’est débarrassé des chaînes de chair qui l’attachaient à cette terre, et il n’est plus qu’un symbole, un héritage, une promesse. Ainsi, Libération cite deux jeunes de 27 et 26 ans qui souhaitent « que le fascisme meure avec Jean-Marie Le Pen ». Sans perdre de temps à expliquer pourquoi le Rassemblement National et les principaux partis français d’extrême-droite en général n’ont rien de fascistes, on peut être assuré que non, l’héritage de Jean-Marie Le Pen ne mourra pas avec lui. Le plus cher désir de ceux qui fêtent sa mort ne se réalisera pas. C’est ce qu’explique un autre jeune interviewé par Libération : « C’est un symbole. On sait bien que le fascisme n’est pas fini, le combat continue, mais l’époque est tellement difficile que cela fait du bien de se rassembler pour une bonne nouvelle. » À nouveau sans perdre de temps sur la définition du fascisme, oui, Jean-Marie Le Pen est un symbole, non, sa mort ne signe pas la défaite de la droite, et oui, pendant quarante ans, Jean-Marie Le Pen a bâti une scène de guerre où la gauche n’est désormais plus en si bonne posture.
En se regroupant place de la République, les fêtards sont un symbole éclatant du changement qu’a apporté Jean-Marie Le Pen sur la scène politique. C’est ce qu’il voulait, c’est ce pourquoi on se souviendra de lui.
Voir aussi : Jean-Marie Le Pen : les journalistes aboient, le Menhir passe