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Sexotrucs : oui, le service public veut enseigner la sexualité à vos enfants

26 janvier 2025

Temps de lecture : 5 minutes
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Sexotrucs : oui, le service public veut enseigner la sexualité à vos enfants

Temps de lecture : 5 minutes

Si vous ne connaissez pas Sexotrucs, vous feriez bien de vous y intéresser.

Cette série de onze épisodes de trois minutes « proposée par France Télévisions » s’adresse aux enfants pour leur expliquer la sexualité. Accessible gratuitement, on peut parier qu’elle sera largement utilisée par les instituteurs et autres personnels éducatifs.

Dans Sex­otrucs, Lili, un télé­phone avec des yeux et une bouche, explique un cer­tain nom­bre de sujets por­tant sur la sex­u­al­ité à Adama, un tam­bour, et Anna, une étoile, avec égale­ment des yeux et une bouche, ou d’autres per­son­nages représen­tant tous des enfants. La série s’affiche dans la sec­tion « CE2 » de Lum­ni, un site faisant par­tie du dis­posi­tif nation­al « Nation apprenante ». Les vidéos sont affichées comme inap­pro­priées à des enfants de moins de huit ans. Quant à savoir quel type de pub­lic peut être intéressé par les his­toires d’un télé­phone avec des yeux et une bouche, nous lais­sons les lecteurs, qui sont peut-être par­ents, en juger.

Explication de la masturbation et promotion de la GPA, France TV joue au bingo

Pas­sons au con­tenu. Dans la vidéo sur le sexe féminin, on décrit le cli­toris. « Tu as peut-être remar­qué que quand on le touche, il gon­fle, et ça fait une sen­sa­tion agréable. C’est comme un petit feu d’artifice à l’intérieur de toi. » Quelle enfant n’aurait pas envie de voir ce que cela fait ? Il sait main­tenant com­ment essayer.

Sex­otrucs, c’est aus­si une émis­sion qui par­le de famille. C’est quoi une famille ? L’étoile avec des yeux et une bouche vous répond. « Une famille, c’est quand il y a un papa, une maman, et qu’ils vivent ensem­ble. » « Bah non, répond un nuage avec des yeux, moi j’ai deux papas, et on est quand même une famille. » Ce nuage revien­dra régulière­ment pour faire entr­er la GPA dans l’esprit des enfants, alors qu’elle est inter­dite par la loi. « La forme de famille la plus répan­due en France, c’est deux par­ents, et un, ou des enfants », explique Lili, au prix d’une approx­i­ma­tion qui n’a rien d’innocent. « Ren­dez-vous compte ! se réjouit-elle pour con­clure. Avant, des par­ents qui se séparaient c’était mal vu, et les homo­sex­uels n’avaient pas le droit d’adopter. Heureuse­ment les choses changent ! » Charge aux par­ents qui esti­ment que rester ensem­ble est une meilleure chose pour les enfants, et qu’ils ont besoin d’un père et d’une mère pour grandir, d’expliquer pourquoi ils ne sont pas d’accord avec la gen­tille Lili.

La pédocriminalité est un sujet trop grave pour un téléphone avec des yeux et une bouche

L’objectif affiché, qu’on acceptera de croire par­fois sincère, est tou­jours le même dans ces séries. Pro­téger les enfants con­tre les pédocrim­inels. Per­pétrées dans 80% des cas au sein de la famille, les vio­lences sex­uelles sur les enfants sont un sujet grave, et dif­fi­cile à traiter. Si l’agresseur est un par­ent de l’enfant, il existe un risque non nég­lige­able qu’il n’entende jamais par­ler de ce sujet de la part d’un adulte sain. Pour­tant, l’épisode sur les vio­lences sex­uelles est assez par­lant. « Lili, c’est quoi un “podophile” ? – Tu veux sûre­ment par­ler des pédophiles. Il existe des grandes per­son­nes qui ressen­tent une atti­rance sex­uelle pour les enfants, ou prof­i­tent d’eux quand ils en ont l’occasion. C’est totale­ment inter­dit, et ils le savent. On les appelle d’ailleurs des “pédocrim­inels”. – Mais ça veut dire quoi ? » La dernière ques­tion du per­son­nage est révéla­trice. Obsédés par l’éducation sex­uelle dont ils se sont fait les prophètes, les mil­i­tants de l’éducation sex­uelle ont oublié de ren­dre leur dis­cours acces­si­ble aux enfants. Non, faire dire un texte à un télé­phone avec des yeux ne le rend pas com­préhen­si­ble par les petits. « Atti­rance sex­uelle » ou « prof­iter de quelqu’un », ne sont pas des expres­sions com­préhen­si­bles par un enfant.

Pédocriminalité : protéger les enfants, c’est aussi ne pas tout leur dire

Lorsque Lili entre dans le détail, l’épisode devient glaçant. Un petit sac à dos ren­con­tre un cartable en cuir qui ouvre les bras (ses bretelles) en ricanant. L’image se fait som­bre, la bretelle en cuir frôle le rabat du cartable, puis un slip en papi­er car­ton­né, elle s’insère dans le slip, le petit cha­ton imprimé sur le slip se met à pleur­er, le tout avec des gémisse­ments de peur ou de sur­prise… Bref, il y a de quoi trau­ma­tis­er un adulte, et peut-être un enfant. La vidéo sur l’inceste est du même acabit. C’est aus­si ce que l’on reproche aux cours d’éducation sex­uelle. Oui, cer­taines per­son­nes abusent des enfants. Oui, ces derniers doivent savoir que ce qu’ils vivent n’est pas nor­mal et savoir à qui en par­ler, et la vidéo de Sex­otrucs peut (peut-être) les y aider. Mais il est dif­fi­cile d’entendre que pour pro­téger les petites vic­times, nos pro­pres enfants doivent enten­dre par­ler de pédocrim­i­nal­ité, alors qu’on voudrait les préserv­er du mal trop présent dans ce monde. C’est un dis­cours que, mal­heureuse­ment, les mil­i­tants de l’éducation sex­uelle refusent d’entendre.

Tout n’est pas à jeter dans la série Sex­otrucs. Les épisodes sur l’intimité et l’hygiène intime sont assez bien faits, et l’on n’y trou­ve pas grand-chose à redire, si ce n’est que l’enseignement de ce genre de choses devrait revenir aux par­ents. L’existence de cette série est peut-être égale­ment un mar­queur d’échec au sein de la famille. Résul­tat, si vous osez remet­tre la série en ques­tion, on ne man­quera pas de vous présen­ter ces épisodes en vous accu­sant de ne pas vouloir que les enfants puis­sent pro­téger leur intim­ité, se pro­téger des vio­lences, ou se laver. C’est une manœu­vre que les par­ents d’élèves ne con­nais­sent main­tenant que trop bien.

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