La société Radio France est détenue à 100% par l’état et regroupe 7 antennes : France Inter, France Info, France Culture, France Musique, France Bleu, FIP, Le Mouv’.
Après une pause dans les années 2018–2022, les dotations publiques à Radio France sont reparties à la hausse en 2023 et s’élevaient à 652 millions d’Euros en 2024, soit environ 85% du chiffre d’affaire total. Le dernier rapport de la cour des comptes sur Radio France a été remis le 10 Janvier 2025.
Si le rapport s’efforce de positiver ce qui peut l’être, il ne masque pas les échecs et les pesanteurs structurelles et il permet de se faire une idée relativement précise de ce qu’est aujourd’hui le groupe Radio France.
Des audiences en hausse
Globalement, le média radio a tendance à se contracter puisque le nombre total d’auditeurs a baissé de 10% depuis 2017.
Dans ce contexte défavorable, les audiences de Radio France sont globalement en hausse.
Dans le détail, on observe que France Inter progresse davantage que France Infos, les deux poids lourds de la radio publique se situant respectivement à la 1ère et à la 3ème place des radios les plus écoutées. Parallèlement, les audiences de France Culture sont aussi en hausse, celles de France Musique étant globalement stables, tandis que celles de France Bleue sont en baisse.
Au final, avec 18,8 millions d’auditeurs (auditeurs de plus de 13 ans, du lundi au vendredi de 5H à 24H) en audiences cumulées sur un total de 38,7 millions, les antennes du groupe totalisent une part de marché dominante de 48%. Le rapport relève cependant un auditoire de Radio-France plus âgé que la moyenne des radios Françaises, et une plus grande difficulté à toucher les CSP moins.
Et un satisfecit sur l’adaptation aux nouveaux usages
Par ailleurs, le rapport relève que la stratégie d’adaptation à l’univers numérique a été poursuivie avec succès, avec le développement des podcasts et des formats courts pour les réseaux sociaux et la mise en œuvre de plateformes favorisant une nouvelle consommation du média Radio. Radio France détient ainsi une position de leader sur l’activité du podcast.
Cette adaptation aux nouveaux usages résulte, d’une part d’une stratégie d’entreprise qui a été suivie avec cohérence, et d’autre part des moyens techniques importants du groupe.
Par ailleurs, le rapport relève que le groupe a su assurer la continuité de ses missions durant la crise sanitaire. Remarquons, concernant le numérique et la continuité durant la crise sanitaire, que si les constats sont satisfaisants, c’est ce qu’il était légitime d’attendre d’une entreprise ayant une telle position dominante, ni plus ni moins.
Et passons maintenant aux points négatifs, qui occupent la plus large partie du rapport.
Voir aussi : Radio France, infographie
Avec des effectifs d’environ 4000 collaborateurs permanents et 1000 collaborateurs occasionnels, la masse salariale absorbe environ 55% du budget total et la gestion des ressources humaines concentre de nombreuses critiques.
Le rapport pose le cadre général en indiquant que l’entreprise se caractérise par « l’intensité du dialogue social ». « Le cadre conventionnel négocié et amendé régulièrement avec les organisations syndicales représentatives est très détaillé et de fait, toutes les transformations affectant l’outil de production, les conditions de travail, ou les éléments constitutifs du contrat de travail, font l’objet en règle générale d’une présentation aux instances représentatives du personnel (IRP), d’une négociation et d’un accord collectif. » Pas moins de 44 instances CSE et CSSCT, ainsi que 36 commissions spécialisées, sont réunies chaque année de façon obligatoire.
Les congés atteignent, selon les statuts, entre 12 et 14 semaines par an. Ce temps de travail inférieur au droit commun se conjugue avec des lourdeurs et rigidités dans les règles statutaires pour peser sur la gestion des équipes et des plannings. Dans ces conditions, le recours à des personnels occasionnels au statut différent constitue le seul moyen de donner la flexibilité nécessaire à l’organisation du travail et à la continuité de l’antenne.
Un dispositif de rupture conventionnelle collective financé par l’État a été initié en 2019, mais n’a atteint qu’une partie de ses objectifs. Les suppressions de postes ont été sensiblement plus limitées que prévu, ce qui apparaît aisément compréhensible au vu des avantages accordés.
En conclusion, la cour relève que « La gestion des ressources humaines, d’une rare complexité de statuts et d’organisations, résulte de la sédimentation d’un grand nombre d’accords d’entreprise, qui font apparaître une différence marquée entre la situation avantageuse des salariés permanents et celle précaire des autres collaborateurs », et que « ce cadre social freine l’adaptation de l’entreprise ». Un chapitre du rapport est d’ailleurs consacré à la mise en place chaotique du Système d’Information des Ressources Humaines (5 années de projets, 12M€), qui fonctionne encore de manière très insatisfaisante du fait de la complexité des règles et des statuts.
Les formations musicales de Radio France
Cet aspect de l’activité est moins connu, mais le groupe Radio France compte aussi deux salles de concerts et quatre formations musicales permanentes ; l’Orchestre Philharmonique de Radio France, l’Orchestre National de France, le Chœur de Radio France, Maîtrise de Radio France.
Ces formations représentent des coûts directs de 38,2 millions d’Euros, tandis que leurs activités génèrent des recettes de billetterie, de musiques de films et de mécénat inférieures à 5 millions.
Là aussi, le rapport met en lumière une grande rigidité dans l’organisation du travail (planning de travail des musiciens établis 4 mois à l’avance), ainsi qu’un temps de travail annuel sensiblement inférieur même au seuil de 1000 heures de programmation qui est statutairement prévu.
L’interminable chantier de la maison de la radio
Le chantier de rénovation de la maison de la Radio s’est étalé sur vingt ans. Le projet a pâti d’un défaut de pilotage et d’une dérive des coûts : évalué initialement à 262 millions d’Euros, puis réévalué à 355 millions en 2008, le chantier s’est finalement achevé sur un coût de 493 millions (HT, en Euros constant). La réhabilitation n’en est pas pour autant terminée puisqu’il conviendra d’ajouter plus de 100 millions pour la rénovation des studios, ainsi que des travaux d’isolation énergétique non encore évalués.
Le projet de regroupement de l’audiovisuel public
Le projet de regroupement de l’audiovisuel public (France-télévisions, Radio France, France Médias monde et l’INA) initialement annoncé par le ministre de la culture en 2019 avait été abandonné une première fois dans le contexte de la crise sanitaire.
Mme Dati avait remis ce projet à l’ordre du jour début 2024. Elle avait souhaité que soit examinée une proposition de loi en vue de la création au 1er janvier 2025 d’une holding « France Médias », qui devait ensuite déboucher sur une fusion des entreprises au 1er janvier 2026. La proposition avait été adoptée par le Sénat au printemps, mais le processus législatif avait été interrompu par la dissolution en juin 2024. Il y a naturellement dans ce projet de fusion la volonté d’adapter l’audiovisuel public aux évolutions et de rechercher des synergies.
Mais, comme souvent en matière de gestion des mastodontes publics, il est difficile de ne pas y voir aussi un moyen détourné de s’attaquer aux bastions et rigidités inexpugnables qui se sont progressivement incrustés ; comme l’occasion d’une tentative de remise à plat, qui n’aurait aucune chance d’aboutir si elle était engagée frontalement.