Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
La Cour des Comptes se penche sur Radio France

3 février 2025

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | Veille médias | La Cour des Comptes se penche sur Radio France

La Cour des Comptes se penche sur Radio France

Temps de lecture : 6 minutes

La société Radio France est détenue à 100% par l’état et regroupe 7 antennes : France Inter, France Info, France Culture, France Musique, France Bleu, FIP, Le Mouv’.

Après une pause dans les années 2018–2022, les dotations publiques à Radio France sont reparties à la hausse en 2023 et s’élevaient à 652 millions d’Euros en 2024, soit environ 85% du chiffre d’affaire total. Le dernier rapport de la cour des comptes sur Radio France a été remis le 10 Janvier 2025.

Si le rap­port s’ef­force de pos­i­tiv­er ce qui peut l’être, il ne masque pas les échecs et les pesan­teurs struc­turelles et il per­met de se faire une idée rel­a­tive­ment pré­cise de ce qu’est aujour­d’hui le groupe Radio France.

Des audiences en hausse

Glob­ale­ment, le média radio a ten­dance à se con­tracter puisque le nom­bre total d’au­di­teurs a bais­sé de 10% depuis 2017.

Dans ce con­texte défa­vor­able, les audi­ences de Radio France sont glob­ale­ment en hausse.

Dans le détail, on observe que France Inter pro­gresse davan­tage que France Infos, les deux poids lourds de la radio publique se situ­ant respec­tive­ment à la 1ère et à la 3ème place des radios les plus écoutées. Par­al­lèle­ment, les audi­ences de France Cul­ture sont aus­si en hausse, celles de France Musique étant glob­ale­ment sta­bles, tan­dis que celles de France Bleue sont en baisse.

Au final, avec 18,8 mil­lions d’au­di­teurs (audi­teurs de plus de 13 ans, du lun­di au ven­dre­di de 5H à 24H) en audi­ences cumulées sur un total de 38,7 mil­lions, les antennes du groupe totalisent une part de marché dom­i­nante de 48%. Le rap­port relève cepen­dant un audi­toire de Radio-France plus âgé que la moyenne des radios Français­es, et une plus grande dif­fi­culté à touch­er les CSP moins.

Et un satisfecit sur l’adaptation aux nouveaux usages

Par ailleurs, le rap­port relève que la stratégie d’adap­ta­tion à l’u­nivers numérique a été pour­suiv­ie avec suc­cès, avec le développe­ment des pod­casts et des for­mats courts pour les réseaux soci­aux et la mise en œuvre de plate­formes favorisant une nou­velle con­som­ma­tion du média Radio. Radio France détient ain­si une posi­tion de leader sur l’ac­tiv­ité du podcast.

Cette adap­ta­tion aux nou­veaux usages résulte, d’une part d’une stratégie d’en­tre­prise qui a été suiv­ie avec cohérence, et d’autre part des moyens tech­niques impor­tants du groupe.

Par ailleurs, le rap­port relève que le groupe a su assur­er la con­ti­nu­ité de ses mis­sions durant la crise san­i­taire. Remar­quons, con­cer­nant le numérique et la con­ti­nu­ité durant la crise san­i­taire, que si les con­stats sont sat­is­faisants, c’est ce qu’il était légitime d’at­ten­dre d’une entre­prise ayant une telle posi­tion dom­i­nante, ni plus ni moins.

Et pas­sons main­tenant aux points négat­ifs, qui occu­pent la plus large par­tie du rapport.

Voir aus­si : Radio France, infographie

Une gestion sociale problématique

Avec des effec­tifs d’en­v­i­ron 4000 col­lab­o­ra­teurs per­ma­nents et 1000 col­lab­o­ra­teurs occa­sion­nels, la  masse salar­i­ale absorbe env­i­ron 55% du bud­get total et la ges­tion des ressources humaines con­cen­tre de nom­breuses critiques.

Le rap­port pose le cadre général en indi­quant que l’en­tre­prise se car­ac­térise par « l’intensité du dia­logue social ». « Le cadre con­ven­tion­nel négo­cié et amendé régulière­ment avec les organ­i­sa­tions syn­di­cales représen­ta­tives est très détail­lé et de fait, toutes les trans­for­ma­tions affec­tant l’outil de pro­duc­tion, les con­di­tions de tra­vail, ou les élé­ments con­sti­tu­tifs du con­trat de tra­vail, font l’objet en règle générale d’une présen­ta­tion aux instances représen­ta­tives du per­son­nel (IRP), d’une négo­ci­a­tion et d’un accord col­lec­tif. » Pas moins de 44 instances CSE et CSSCT, ain­si que 36 com­mis­sions spé­cial­isées, sont réu­nies chaque année de façon obligatoire.

Les con­gés atteignent, selon les statuts, entre 12 et 14 semaines par an. Ce temps de tra­vail inférieur au droit com­mun se con­jugue avec des lour­deurs et rigid­ités dans les règles statu­taires pour peser sur la ges­tion des équipes et des plan­nings. Dans ces con­di­tions, le recours à des per­son­nels occa­sion­nels au statut dif­férent con­stitue le seul moyen de don­ner la flex­i­bil­ité néces­saire à l’or­gan­i­sa­tion du tra­vail et à la con­ti­nu­ité de l’an­tenne. 

Un dis­posi­tif de rup­ture con­ven­tion­nelle col­lec­tive financé par l’État a été ini­tié en 2019, mais n’a atteint qu’une par­tie de ses objec­tifs. Les sup­pres­sions de postes ont été sen­si­ble­ment plus lim­itées que prévu, ce qui appa­raît aisé­ment com­préhen­si­ble au vu des avan­tages accordés.

En con­clu­sion, la cour relève que « La ges­tion des ressources humaines, d’une rare com­plex­ité de statuts et d’organisations, résulte de la sédi­men­ta­tion d’un grand nom­bre d’accords d’entreprise, qui font appa­raître une dif­férence mar­quée entre la sit­u­a­tion avan­tageuse des salariés per­ma­nents et celle pré­caire des autres col­lab­o­ra­teurs », et que « ce cadre social freine l’adap­ta­tion de l’en­tre­prise ». Un chapitre du rap­port est d’ailleurs con­sacré à la mise en place chao­tique du Sys­tème d’In­for­ma­tion des Ressources Humaines (5 années de pro­jets, 12M€), qui fonc­tionne encore de manière très insat­is­faisante du fait de la com­plex­ité des règles et des statuts.

Les formations musicales de Radio France

Cet aspect de l’ac­tiv­ité est moins con­nu, mais le groupe Radio France compte aus­si deux salles de con­certs et qua­tre for­ma­tions musi­cales per­ma­nentes ; l’Orchestre Phil­har­monique de Radio France, l’Orchestre Nation­al de France, le Chœur de Radio France, Maîtrise de Radio France.

Ces for­ma­tions représen­tent des coûts directs de 38,2 mil­lions d’Eu­ros, tan­dis que leurs activ­ités génèrent des recettes de bil­let­terie, de musiques de films et de mécé­nat inférieures à 5 millions.

Là aus­si, le rap­port met en lumière une grande rigid­ité dans l’or­gan­i­sa­tion du tra­vail (plan­ning de tra­vail des musi­ciens étab­lis 4 mois à l’a­vance), ain­si qu’un temps de tra­vail annuel sen­si­ble­ment  inférieur même au seuil de 1000 heures de pro­gram­ma­tion qui est statu­taire­ment prévu.

L’interminable chantier de la maison de la radio

Le chantier de réno­va­tion de la mai­son de la Radio s’est étalé sur vingt ans. Le pro­jet a pâti d’un défaut de pilotage et d’une dérive des coûts : éval­ué ini­tiale­ment à 262 mil­lions d’Eu­ros, puis réé­val­ué à 355 mil­lions en 2008, le chantier s’est finale­ment achevé sur un coût de 493 mil­lions (HT, en Euros con­stant). La réha­bil­i­ta­tion n’en est pas pour autant ter­minée puisqu’il con­vien­dra d’a­jouter plus de 100 mil­lions pour la réno­va­tion des stu­dios, ain­si que des travaux d’iso­la­tion énergé­tique non encore évalués.

Le projet de regroupement de l’audiovisuel public

Le pro­jet de regroupe­ment de l’audiovisuel pub­lic (France-télévi­sions, Radio France, France Médias monde et l’I­NA) ini­tiale­ment annon­cé par le min­istre de la cul­ture en 2019 avait été aban­don­né une pre­mière fois dans le con­texte de la crise sanitaire.

Mme Dati avait remis ce pro­jet à l’or­dre du jour début 2024. Elle avait souhaité que soit exam­inée une propo­si­tion de loi en vue de la créa­tion au 1er jan­vi­er 2025 d’une hold­ing « France Médias », qui devait ensuite débouch­er sur une fusion des entre­pris­es au 1er jan­vi­er 2026. La propo­si­tion avait été adop­tée par le Sénat au print­emps, mais le proces­sus lég­is­latif avait été inter­rompu par la dis­so­lu­tion en juin 2024. Il y a naturelle­ment dans ce pro­jet de fusion la volon­té d’adapter l’au­dio­vi­suel pub­lic aux évo­lu­tions et de rechercher des synergies.

Mais, comme sou­vent en matière de ges­tion des mastodontes publics, il est dif­fi­cile de ne pas y voir aus­si un moyen détourné de s’at­ta­quer aux bas­tions et rigid­ités inex­pugnables qui se sont pro­gres­sive­ment incrustés ; comme l’oc­ca­sion d’une ten­ta­tive de remise à plat, qui n’au­rait aucune chance d’aboutir si elle était engagée frontalement.

Mots-clefs :

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés