Selon une enquête au parfum de scandale réalisée par le journal italien Il Fatto Quotidiano et publiée le 11 février dernier, de nombreux médias européens auraient touché, lors des dernières élections européennes, des versements importants de la part d’institutions européennes. Quels sont les médias qui ont bénéficié de ces aides ? Dans quel but ? Et pour quel montant ? Il Fatto Quotidiano a tenté de lever le voile sur ces versements opaques.
L’affaire ne fait pas grand bruit dans la presse française et pourtant elle confine, à bien des égards, au scandale d’État. Dans une enquête publiée mardi 11 février 2025, le journal italien Il Fatto Quotidiano révèle en effet que des fonds européens ont été alloués — lors des dernières élections européennes — à de nombreux médias pour un montant global de 132,82 millions d’euros.
Comment ces versements ont-ils alloués ? À qui et pourquoi ? Le journal italien, spécialiste des enquêtes politiques, s’est penché sur cette « zone d’ombre » bruxelloise qui se révèle, selon ses mots, « embarrassante » tant par le montant « énorme » de l’ardoise que par le montage administratif qui a permis son versement.
Une répartition confidentielle
Supervisés par l’eurodéputée maltaise Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, « en accord avec la numéro un allemande de la Commission européenne Ursula von der Leyen », ces versements — qui « s’ajoutent aux nombreux millions alloués chaque année par le biais d’appels d’offres douteux » — auraient également bénéficié de la contribution du Conseil européen, de la Banque européenne d’investissement et du Comité économique et social européen (CESE).
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Au total, 132,82 millions d’euros auraient ainsi été versés à de nombreux médias européens par l’intermédiaire de l’agence Havas Media France, filiale du groupe Vivendi, via un contrat-cadre signé le 5 septembre 2023 qui garantit, entre autres, la possibilité de ne pas se conformer aux obligations de transparence habituelles « sur les paiements individuels et les journaux bénéficiaires ».
En clair : impossible sur le papier de savoir quels sont les médias qui ont bénéficié de cette aide rondelette et les montants exacts touchés par chacun d’entre eux. Quant à savoir l’usage exact fait par chaque bénéficiaire de ces aides substantielles, autant chercher une aiguille dans une botte de foin.
D’abord parce que ce contrat opaque permet d’échapper à l’enregistrement des paiements supérieurs à 14 000 euros dans la base de données TED (ted.europa.eu). Ensuite, et surtout, parce que de l’aveu même d’Ursula von der Leyen, l’agence Havas est tenue de respecter le secret au nom de la protection des « intérêts commerciaux des opérateurs économiques ».
Des accords de « grande envergure »
« Pourquoi le Parlement, le Conseil et la Commission n’offrent-ils pas une transparence totale sur ces paiements afin que les citoyens puissent évaluer s’ils sont susceptibles d’avoir influencé les médias qui les ont reçus ? », s’interroge-t-on dans les colonnes d’Il Fatto Quotidiano.
Côté italien, le quotidien révèle, à la faveur de son enquête, que parmi les fonds européens destinés aux principaux journaux transalpins (Il Fatto Quotidiano cite notamment RAI, Mediaset, Sky Italia, Corriere della Sera, La Repubblica, Il Sole 24 Ore, Adnkronos ou encore Citynews), certains prévoyaient la livraison d’articles et de services favorables aux institutions bruxelloises.
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« Il est même apparu que les riches éditeurs Agnelli-Elkann avaient associé La Repubblica à un “partenariat” avec le Parlement européen et la Commission afin d’être payés pour des articles relatifs aux élections européennes », souligne Il Fatto Quotidiano. Selon le journal, ce partenariat aurait permis à La Repubblica de recevoir 62 000 euros, grâce, précisément, au contrat-cadre signé avec Havas.
« Il a été confirmé que cet accord — d’un montant initial de 62 000 euros — n’avait pas fait l’objet d’un appel d’offres parce qu’il était autorisé par le contrat-cadre conclu avec Havas. Et que des accords similaires “de grande envergure” étaient en cours de négociation en Italie », détaille Il Fatto Quotidiano qui s’interroge :
« Faut-il considérer ces partenariats conclus avec La Repubblica et d’autres journaux de l’UE comme de la publicité ? ».
Quant à savoir si des médias français ont eux aussi profiter des largesses de la Commission européenne en pleine Européennes, la question reste, pour l’heure, en suspens.
Betty Douanel