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Le Fonds de dotation de Mediapart dégage 113 250 euros pour « enquêter sur l’extrême-droite »

24 février 2025

Temps de lecture : 5 minutes
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Le Fonds de dotation de Mediapart dégage 113 250 euros pour « enquêter sur l’extrême-droite »

Temps de lecture : 5 minutes

Trois mois après son appel à projets, le Fonds pour une presse libre vient d’annoncer avoir sélectionné les neufs projets (pilotés par des « médias indépendants ») qui seront en charge d’enquêter, jusqu’à septembre 2025, sur « l’extrême-droite ». L’objectif de cette initiative inédite est clair : déstabiliser le RN « en position de conquérir le pouvoir ». Une première pour le Fonds de dotation de Mediapart.

L’appel à pro­jets avait réu­ni 24 can­di­da­tures. Au total, elles seront neuf à pou­voir béné­fici­er d’un sou­tien financier de la part du Fonds pour une presse libre (FPL) — chargé de « soutenir des médias indépen­dants » — pour un mon­tant glob­al de 113.250 euros.

Ven­dre­di 14 févri­er 2025, le Fonds de dota­tion du jour­nal Medi­a­part a en effet annon­cé en grand pompe avoir défini­tive­ment validé les pro­jets qu’il con­tribuera à financer pour « enquêter sur l’extrême droite ». Car, de son pro­pre aveu, le FPL est très inqui­et de la mon­tée en puis­sance du Rassem­ble­ment nation­al dans les sondages.

Déstabiliser le Rassemblement national

« Le Rassem­ble­ment nation­al, pre­mier groupe poli­tique à l’Assemblée nationale et pre­mier par­ti à l’issue des élec­tions européennes et lég­isla­tives de juin dernier, est en passe d’accéder au pou­voir », déplore sur son site le FPL, rap­pelant par là même que son « engage­ment con­tre l’extrême droite est pour lui fondamental ».

Aus­si, pour con­tr­er cette « arrivée au pou­voir » qui « con­stituerait une grave men­ace pour nos lib­ertés fon­da­men­tales et pour nos insti­tu­tions répub­li­caines », le FPL (qui avait par­ticipé en juil­let 2024 au rassem­ble­ment « Tous·tes à République ! Pour un Front démoc­ra­tique con­tre l’extrême droite » aux côtés de Rokhaya Dial­lo, Agnès Jaoui, Dominique Sopo) a décidé pour la toute pre­mière fois de met­tre les petits plats dans les grands en finançant une pléthore d’enquêtes qui ver­ront le jour en sep­tem­bre 2025 (« ou avant, si cela est nécessaire »).

Au menu : les sem­piter­nels mar­ronniers, avec, dans les tuyaux, des enquêtes sur le Rassem­ble­ment nation­al, sur ses mou­ve­ments satel­lites, « sur la galax­ie des groupes ultras » et, plus générale­ment, « sur les mou­vances organ­isées ou non de l’extrême-droite, leurs actions et leurs pro­jets du niveau local au niveau européen ».

L’objectif est assumé : désta­bilis­er les dif­férentes « mou­vances de l’extrême droite » en prévi­sion de lég­isla­tives anticipées ou à l’orée de l’élection prési­den­tielle 2027.

Voir aus­si : Marine Turchi, portrait

Quatre axes de travail

Pour ce faire, le FPL a décidé de priv­ilégi­er qua­tre axes de tra­vail, « com­plex­es et peu investis à ce jour par les médias ».

Pre­mier chantier : l’enquête locale, qui inclue notam­ment des inves­ti­ga­tions sur les mil­i­tants et élus du Rassem­ble­ment nation­al. Seront égale­ment passées au peigne fin les actions et déci­sions pris­es dans les mairies et par les col­lec­tiv­ités locales.

Voir aus­si : Mediac­ités, l’inves­ti­ga­tion locale à œillères

Deux­ième axe : des enquêtes sur les passerelles entre l’extrême droite et les milieux d’affaires. « Parce qu’il n’y a pas que Bol­loré, Stérin et Gave qui sont liés à ces forces poli­tiques », claironne le FPL qui refuse de don­ner les noms des jour­nal­istes et médias qui seront en charge de ces enquêtes.

Troisième axe : « enquêter sur l’entrisme du RN dans l’appareil d’État » en dis­séquant, entre autres, ses straté­gies pour attir­er de hauts-fonctionnaires.

Enfin, la dota­tion ron­delette du FPL servi­ra égale­ment à d’autres « mis­sions divers­es » à par­tir de l’exploitation « de base de don­nées, de datas, de col­lecte méthodique en sources ouvertes et de leaks », tout en restant ouvert à toute propo­si­tion d’enquête orig­i­nale « qui promet­trait d’importantes révéla­tions sur l’extrême droite ».

Les journalistes « de droite » dans le viseur

Sur le papi­er, les dota­tions prévues par le FPL servi­ront donc à sci­er le plus pos­si­ble la branche sur laque­lle est assis le Rassem­ble­ment nation­al depuis des années. Dans les faits, il suf­fit de quelques clics sup­plé­men­taires sur le site du Fonds pour une presse libre pour com­pren­dre que ce dernier entend égale­ment, au nom « du plu­ral­isme » et de « la lib­erté d’expression », s’en pren­dre aux jour­nal­istes qu’il estime trop penchés à « droite ».

« Nous ne pou­vons accepter de voir l’extrême-droite s’installer au cen­tre du débat pub­lic par ses com­men­ta­teurs, ses édi­to­ri­al­istes auto-proclamés, ses spé­cial­istes de rien sauf de la haine, ses pan­tins mécaniques n’ayant jamais pro­duit une infor­ma­tion mais rival­isant d’affirmations fauss­es », défend le FPL soucieux « de remet­tre le jour­nal­isme, la pro­duc­tion d’informations fiables et plurielles au cen­tre de la grande table démocratique ».

Un « accompagnement éditorial »

Pour­tant, à y regarder de plus près, le FPL n’entend pas spé­ciale­ment être de ceux qui lais­sent libre cours aux jour­nal­istes qu’il dit soutenir dans un souci de trans­parence et de plu­ral­isme. En plus de sa généreuse con­tri­bu­tion aux « médias indépen­dants », le FPL entend effec­tive­ment « accom­pa­g­n­er édi­to­ri­ale­ment » ses ouailles.

Ain­si, durant toute la péri­ode d’enquêtes, Jean-Marie Lefor­esti­er, ex-rédac­teur en chef de Mars­ac­tu, campera le rôle de « facil­i­ta­teur » et « d’interlocuteur priv­ilégié ». Ancien jour­nal­iste de Ouest-France et du Ravi (« jour­nal ami » de Medi­a­part), celui qui était égale­ment for­ma­teur à l’École de Jour­nal­isme et de Com­mu­ni­ca­tion d’Aix-Marseille (une école recon­nue pour son mil­i­tan­tisme très à gauche) aura notam­ment pour mis­sion « d’ouvrir de nou­velles pistes » et « d’aider les rédactions ».

Voir aus­si : LEJCAM, école de jour­nal­istes antiracistes

Comme le souligne le FPL sur son site, impos­si­ble pour les « médias indépen­dants » soutenus de couper à cette « accom­pa­g­ne­ment édi­to­r­i­al ». « Il sera demandé aux médias d’accepter cet accom­pa­g­ne­ment », indique sans ambages le FPL qui se défend pour­tant de vouloir « pilot­er » ces enquêtes.

Suiv­is de près tout le temps de leurs inves­ti­ga­tions, les médias sélec­tion­nés auront ain­si pour oblig­a­tion de par­ticiper à pas moins de cinq ren­dez-vous « edi­to » sur près de sept mois de travail.

Voir aus­si : L’ex-député PC Pierre Dhar­révile rejoint la direc­tion de l’école de jour­nal­isme de Marseille

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