La décision du président américain Donald Trump de suspendre pour 90 jours les aides versées par l’USAID – l’agence américaine pour le développement international – a mis le monde médiatique en émoi à travers le monde. Et pour cause ! Dans le cadre du soutien à la démocratie, ou en tout cas d’une certaine version de la démocratie proche de la vision du Parti démocrate, les fonds de l’USAID, outre l’aide humanitaire, ont servi à financer 707 médias et 6200 journalistes aux États-Unis et à l’étranger.
L’AFP et l’Agency for Global Media
L’AFP aurait bénéficié elle aussi d’un soutien financier de l’Agency for Global Media dont les achats de services auprès de l’agence française aurait fortement augmenté sous l’administration Biden. Face aux émotions que la nouvelle suscite, les « fact-checkers » de Libération ont vite ressenti le besoin de défendre la réputation de leurs collègues et alliés idéologiques dans un article du 16 février intitulé « Pourquoi l’AFP a‑t-elle reçu des centaines de milliers de dollars de l’Usaid ? » L’Observatoire du Journalisme y est même cité :
« Une autre image, repartagée notamment par l’Ojim, un observatoire du journalisme classé à l’extrême droite, va même jusqu’à présenter une ardoise de près de 10 millions de dollars. L’Ojim précise qu’il s’agit de «contrats passés avec des agences fédérales américaines (entre 2008 et 2025)» et avance également un montant de 300 000 dollars qu’aurait versé l’Usaid à l’AFP. »
Mais l’Observatoire du journalisme persiste et signe dans un article publié le 18 février sous le titre « Oui, l’AFP a bien reçu des centaines de milliers de dollars de l’agence américaine USAID », et non pas 10 millions, chiffres à l’appui.
Politico et le NYT
Même chose côté américain pour les médias de gauche Politico et New York Times, qui ont empoché des millions de dollars de l’administration Biden, en théorie pour des abonnements, sans rapport avec l’USAID, mais cela n’en soulève pas moins des questions sur leur indépendance et leur capacité à critiquer le pouvoir en toute liberté.
De l’autre côté de La Manche, la BBC s’est quant à elle fendue d’un communiqué sur la suspension par l’administration Trump des fonds USAID :
« Une presse libre est essentielle à la liberté et à la démocratie – et 75 % des pays du monde n’ont pas de presse libre. BBC Media Action soutient les médias locaux dans le monde entier afin qu’ils fournissent des informations fiables aux personnes qui en ont le plus besoin. Comme de nombreuses organisations de développement international, BBC Media Action a été affectée par la pause temporaire du financement du gouvernement américain, qui représente environ 8 % de nos revenus en 2023–24. Nous faisons tout notre possible pour minimiser l’impact sur nos partenaires et les personnes que nous servons. »
Les aides subversives de l’USAID
Une information trouvée sur le site tysol.pl de l’hebdomadaire du syndicat polonais Solidarité nous apprend que parmi les projets financés par BBC Media Action se trouvent des organisations LGBT polonaises ainsi qu’une organisation, Tour de Konstytucja, qui militait activement contre les gouvernements conservateurs de Droit et Justice (PiS) dans les années 2015–2023, l’accusant de violer la constitution polonaise et les principes d’État de droit. « Ils recevaient de l’argent de #USAID pour s’opposer à notre Charte des collectivités locales sur les droits des familles, qu’ils ont vicieusement qualifiée d’“anti-LGBT” », a réagi le 11 février le président du think-tank juridique conservateur polonais Ordo Iuris, commentant un communiqué de la Campagne contre l’homophobie (KPH) qui se plaignait de l’impact sur son fonctionnement de la décision de Donald Trump. Et l’avocat Jerzy Kwaśniewski d’ajouter :
« Ils prévoyaient d’utiliser de nouvelles tranches de subventions étrangères pour saper la protection constitutionnelle polonaise du mariage en tant qu’union entre un homme et une femme. La trahison pour de l’argent. Et ce n’était que la partie émergée de l’iceberg, car il y avait bien plus d’argent en jeu. Ces dollars finançaient une lutte inégale contre @OrdoIuris et nos donateurs… »
Les médias progressistes polonais favorisés
En ce qui concerne plus spécifiquement les médias, il est apparu à la faveur de la suspension brutale des fonds de l’USAID que plusieurs rédactions orientées à gauche ou à l’extrême gauche étaient bénéficiaires en Pologne, tels le média d’extrême gauche Krytyka Polityczna, le site centriste libéral Krytyka Liberalna et l’hebdomadaire chrétien progressiste Tygodnik Powszechny. C’est en vain qu’on cherchera des médias conservateurs dans cette liste. La fin des subventions de l’USAID, c’est aussi la fin des fonds accordés aux petits medias locaux à travers la Pologne, par l’intermédiaire de l’Institut du Reportage (Instytut Reportażu), chargé de désigner les bénéficiaires. Une opération de « soutien à la démocratie » qui vient compléter les dollars distribués à de très nombreuses associations pro-avortement et pro-LGBT dans ce pays catholique.
Journalisme européen subventionné depuis Washington et guerre d’influence en Europe orientale
« Cette mesure affecte des dizaines de médias indépendants dans plus de 30 pays, privés des programmes de soutien américains visant à renforcer le professionnalisme journalistique, à établir des compétences en matière de gestion des médias et à promouvoir des médias libres et indépendants », affirmait le 28 janvier la Fédération européenne des journalistes (FEJ) en appelant « les donateurs européens potentiels à prendre des mesures pour compenser le retrait américain, en particulier pour assurer la survie des médias ukrainiens, du réseau des journalistes biélorusses en exil et des programmes médiatiques au Kosovo. »
Notons au passage que cette influence américaine sur les médias européens vient s’ajouter à son influence sur le projet d’information sur la criminalité organisée et la corruption (OCCRP). Car nous savons désormais que l’OCCRP, le plus important réseau de médias d’investigation au monde, a dissimulé l’ampleur de ses liens avec le gouvernement américain, qui fournit la moitié de son budget, bénéficie d’un droit de veto sur ses dirigeants et finance des enquêtes sur la Russie ou le Venezuela.
« Explosif : implication profonde du gouvernement américain dans le journalisme européen » titrait le site d’information anglophone Brussels Signal le 10 février.
L’Europe de l’est bien servie par l’USAID
Mais c’est surtout en Europe centrale et orientale que les Américains ont utilisé des fonds de l’USAID et d’autres fonds pour installer leur influence dans les médias, explique le Brussels Signal qui donne le détail des financements de médias « indépendants » en Moldavie et en Ukraine. Tout cela sous prétexte pour Washington de « soutenir les valeurs démocratiques et la société civile dans la région ».
En Moldavie, les fonds américains ont notamment permis de financer le développement du groupe médiatique Internews Network Moldova, de l’association de journalistes Asociatia Presei Independente (API), de l’Association Media Alternativa (propriétaire de TV8, quatrième chaîne la plus regardée du pays) et du média d’investigation Rise Moldova. Ainsi, par exemple, Media Alternativa aurait reçu des américains 1,85 millions de dollars entre 2019 et 2024, ce qui, pour un média dans un pays comme la Moldavie, est une fort coquette somme. Parallèlement, depuis le début de la guerre en Ukraine, les sanctions occidentales ont conduit à la suspension des licences des télévisions russes en Moldavie et ce sont en grande partie les médias financés par les Américains qui ont comblé le vide. Ainsi, Rise Moldova, selon le Brussels Signal, se concentrerait surtout depuis le début de son existence sur la mise à nu des influences russes. Ceci parallèlement à d’autres programmes financés par Washington, telle « l’Initiative de Résilience moldave » avec 20 millions de dollars affectés à partir de 2022 pour « renforcer le soutien populaire à une Moldavie démocratique et européenne ». Des financements publics qui viennent s’ajouter à l’action de la nébuleuse Soros dans ce pays.
L’opération d’influence américaine semble avoir porté ses fruits, puisque les élections présidentielles d’octobre accompagnées d’un referendum sur une future adhésion à l’Union européenne ont débouché sur une courte victoire du camp pro-UE.
De la même manière en Ukraine, l’USAID a financé des plateformes d’informations sur les réseaux sociaux par l’intermédiaire d’Internews Network Ukraine. Mais il ne s’agit pas que de ce type de plateformes. Selon Oksana Romaniuk, la directrice de l’Institut d’information de masse citée par le Brussels Signal, 80 % environ des médias ukrainiens auraient bénéficié de fonds de l’USAID à des degrés divers. De l’argent puisé dans une réserve de 290 millions de dollars alloué à la démocratie, aux droits de l’homme et à la bonne gouvernance.
L’Open Society de George Soros se lamente
Le Polonais Marcin Gadziński, ancien directeur général du site Internet gazeta.pl appartenant à Gazeta Wyborcza et aujourd’hui directeur de programme au Media Development Investment Fund de George Soros, a déclaré sur son compte LinkedIn à propos de la décision de Donald Trump :
« Dans les jours, les semaines, les mois, voire les années à venir, nous nous souviendrons du jour où l’aide a pris fin […]. Aujourd’hui même, j’en ai entendu parler par des médias indépendants en Roumanie, en Pologne, en Hongrie, en Ukraine et en Bosnie. Demain, j’en entendrai probablement parler dans d’autres régions d’Europe centrale et orientale et des Balkans. Il s’agit de médias indépendants de taille moyenne, pas d’entreprises ou de rédactions internationales. La plupart d’entre eux ont été fondés dans les trois à dix dernières années et nombre d’entre eux ont réussi à influencer le débat public dans leur pays. Mais chacune de ces entités est actuellement bénéficiaire de divers programmes financés par l’USAID. (…). Il est difficile de dire ce qui va suivre. Je m’attends à des débats intenses sur l’avenir des médias indépendants dans notre région. »
Ingérences américaines dans les élections
« Le lapin est sorti du chapeau ! », tweetait le premier ministre hongrois Viktor Orbán le 6 février. « Nous avons dû supporter pendant des années que les champions ultra-progressistes et autoproclamés des droits de l’homme des grands médias diabolisent les forces politiques patriotiques. Ils l’ont fait parce qu’ils étaient payés pour le faire par l’USAID et l’ancienne administration américaine de gauche. »
« Les médias d’Europe de l’Est dans le collimateur après le gel du financement de l’USAID », titrait l’agence Reuters le 13 février. Reuters informe que l’USAID avait lancé de nouveaux programmes en Europe centrale en 2022 afin de « soutenir des initiatives locales pour renforcer les institutions démocratiques et les médias indépendants ». L’exemple cité est le média d’investigation hongrois Atlatszo spécialisé dans les articles sur la corruption des autorités sous Viktor Orbán et dont les budgets 2023 et 2024 auraient été financé à concurrence de 10–15 % du total avec les fonds USAID.
Richard Grenell, représentant spécial du président américain Donald Trump, a condamné le 4 février l’utilisation de l’USAID à des fins politiques, citant la Roumanie en exemple :
« Les programmes de l’USAID ont été utilisés comme des armes contre les personnes et les hommes politiques qui ne se conformaient pas. L’équipe de Joe Biden a dépensé l’argent des contribuables américains pour soutenir des programmes et des candidats politiques de gauche dans le monde entier. Les conservateurs du monde entier ont été pris pour cible. La Roumanie en est l’exemple le plus récent ».
Titre explosif du New York Sun le 10 février : « Exclusif : L’envoyé spécial de Trump, Richard Grenell, suggère que c’est Biden, et non la Russie, qui a tenté de faire pencher la balance lors des récentes élections en Roumanie. » Des élections annulées, rappelons-le, supposément pour cause de soutien russe (largement démenti depuis) à la campagne sur Tik-Tok du candidat anti-système, qui s’était qualifié pour le deuxième tour contre toute attente.
Des fonds privés américains en renfort
Mais attention, les ingérences américaines dans les élections en Europe centrale ne se font pas uniquement avec des fonds publics. Des fonds de l’organisation américaine Action for Democracy ont financé illégalement la campagne de l’opposition gaucho-libérale en Hongrie en 2022 et les fonds sorosiens ont fait une entrée remarquée dans les médias polonais dans les mois qui ont précédé les élections en Pologne en 2023. Et dans un tweet publié le 18 février, Viktor Orbán met en garde :
« Attention ! Nos craintes sont devenues réalité : le réseau d’ONG mondialistes-libérales-Soros se réfugie à Bruxelles, après que le président Trump a porté un coup terrible à leurs activités aux États-Unis. Maintenant, 63 d’entre elles demandent de l’argent à Bruxelles, sous couvert de divers projets relatifs aux droits de l’homme. Cela n’arrivera pas ! Nous ne les laisserons pas trouver refuge en Europe ! Les dossiers de l’USAID ont révélé les pratiques obscures du réseau mondialiste. Nous ne mordrons pas à nouveau à l’hameçon ! »
Comme le titrait un article publié par le Brussels Signal le 6 février :
« Sans l’USAID, l’UE va devoir payer pour sa propre propagande ».
Voir aussi : Comment l’UE a discrètement alloué 130 millions de dollars à des médias pendant les Européennes 2024