Qui ne connaît Jean-Michel Aphatie ? Ses sorties sur « les pieds qui puent » (qui votent mal), son souhait de détruire le château de Versailles… n’avaient reçu aucune sanction ; son accent chantant n’aura en revanche pas suffi à le protéger après qu’il a accusé, sur les ondes de RTL, la France d’avoir « commis des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie ».
Massacres et repentance
Revenons quelques jours en arrière. Le 25 février 2025 dans la matinale de RTL en partie consacrée aux tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie, le chroniqueur souhaitant insister sur les conséquences de la colonisation déclare face à la maire LR Florence Portelli :
« Chaque année, en France, on commémore ce qui s’est passé à Oradour-sur-Glane, c’est-à-dire le massacre de tout un village. Mais on en a fait des centaines, nous, en Algérie. Est-ce qu’on en a conscience ? »
Avant de développer : « si la France présentait des excuses pour cent trente ans de massacres, de meurtres, de paupérisation d’un peuple, d’une violence incroyable… cent trente ans d’occupation ». Repris en direct par Thomas Sotto, Jean-Michel Aphatie restera ferme sur ses positions.
Réaction de RTL et départ
Le 5 mars suivant, Thomas Sotto déclare à l’antenne :
« D’habitude, le mercredi, Jean-Michel Aphatie est avec nous pour débattre. Ce matin, Jean-Michel n’est pas là. En effet, mardi dernier, lors d’un débat face à vous, Florence Portelli, Jean-Michel a effectué un parallèle entre certains actes commis pendant la colonisation de l’Algérie et des crimes nazis. Une comparaison que la direction considère inappropriée et qui a choqué beaucoup, beaucoup d’entre vous. »
Le journaliste est alors suspendu d’antenne une semaine, une sanction bénigne, mais il refuse de revenir sur ses propos et quitte RTL, ajoutant sur Mediapart :
« J’ai d’abord trouvé que RTL avait géré la situation avec beaucoup de tact et de respect à mon égard, Puis j’ai pris conscience, en étant absent de l’antenne pendant une semaine, qu’y retourner, c’était convenir que ma mise à l’écart était justifiée et que j’avais donc fait une erreur, commis une faute. Et ça, je ne peux aller jusque-là, ce serait brouiller un message qui me semble important. »
Voir aussi : Jean-Michel Aphatie, portrait
Le Monde, Mediapart et Libération au secours d’Aphatie
Le 9 mars Le Monde a regretté dans ses colonnes le départ de Jean-Michel Aphatie, « écarté de l’antenne par RTL pour avoir simplement rappelé les crimes coloniaux commis par la France en Algérie » (nous avons surligné le “simplement”, NDLR).
Le quotidien rejette la responsabilité de la polémique sur l’extrême-droite « ne ratant jamais une occasion d’instrumentaliser à des fins électoralistes les mémoires vives de la colonisation de l’Algérie, des élu·es de droite et d’extrême droite en ont profité pour jeter du sel sur les plaies, à l’instar du président du RN, Jordan Bardella. »
Mediapart renchérit le 10 mars :
« En refusant de reconnaître avoir commis une faute, le journaliste a fait acte de dignité. Mais cet épilogue jette une lumière crue sur l’état avancé de sclérose du débat public, où la haine et le mensonge ont micro ouvert, l’extrême droite ayant parallèlement réussi à accaparer la « liberté d’expression » contre les « censeurs ».
Libération enfonce le clou avec l’historien Benjamin Stora, traditionnellement favorable à l’Algérie, le 13 mars :
« Bien que l’analogie avec le nazisme puisse prêter à discussion sur le plan historique, la brutalité de la conquête coloniale française demeure une réalité longtemps passée sous silence. Jean-Michel Aphatie a eu le mérite de lever le voile sur une vérité historique méconnue du grand public.»
Jean-Michel Aphatie tirera la conclusion : « La peur de l’islam, la peur des Arabes, mais aussi le regret, la nostalgie de l’époque où la France était grande et forte, tout cela est refoulé et se réactive à travers l’actualité », une position qu’il pourra continuer d’exposer dans l’émission Quotidien de Yann Barthès.
Claude Lenormand
Voir aussi : Yann Barthès, portrait