Le syndicat CFE-CGC dépose une nouvelle plainte contre France Télévisions, accusant sa direction de détournement de fonds publics via un usage frauduleux des cartes corporate. Parallèlement, une grève secoue l’audiovisuel public en réaction à la réforme de son fonctionnement initié par le ministre de la culture Rachida Dati.
Sept plaintes
Le 28 mars 2025, le syndicat CFE-CGC, représentatif au sein de France Télévisions, a déposé une septième plainte devant le tribunal judiciaire de Paris contre Delphine Ernotte-Cunci, PDG du groupe audiovisuel public. Cette action, portée par Jean-Jacques Cordival, secrétaire général du syndicat, vise des faits présumés de détournement de fonds publics et d’abus de confiance. En cause : l’utilisation jugée frauduleuse des cartes de crédit professionnelles attribuées à 2 000 salariés. Six employés auraient accumulé une ardoise de 49 000 euros sur un total de 7 millions d’euros de transactions. Pour le syndicat, ces dérives, bien que marginales en volume, traduisent un manque de contrôle manifeste. Me Pierre-Olivier Lambert, avocat du CFE-CGC, dénonce un « flou dans la gestion des dépenses courantes », aggravé par l’obligation pour France Télévisions de rembourser les découverts à la banque avec des fonds publics.
Face à ces irrégularités, la direction financière a réagi dès le 1er mars en réduisant le différé de paiement des cartes de 55 à 40 jours, en abaissant le plafond des retraits de 1 000 à 500 euros par semaine et en supprimant les cartes inactives. Des mesures jugées insuffisantes par le syndicat, qui y voit une tentative tardive de masquer des années de laxisme.
Des procédures en suspens et un déficit persistant
Pour le CFE-CGC, les dysfonctionnements liés aux cartes corporate aggravent un déficit budgétaire déjà estimé à 41,2 millions d’euros. Depuis 2020, six autres plaintes ont été déposées contre Delphine Ernotte-Cunci, dont une liée à un séjour controversé au festival de Cannes 2023. Aucune n’a encore abouti, laissant les tensions s’accumuler sans résolution judiciaire.
Pendant ce temps, l’ARCOM doit désigner d’ici le 22 mai le successeur à la tête de France Télévisions. Candidate à sa réélection, Delphine Ernotte-Cunci fait face à une défiance croissante, alors que la réforme de l’audiovisuel public divise.
Cette plainte intervient dans un contexte déjà explosif pour l’audiovisuel public. Les 31 mars et 1er avril, cinq syndicats (CGT, CFDT, SNJ, SUD, FO) appellent à la grève pour protester contre la proposition de loi visant à regrouper France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA sous une holding unique. Adopté au Sénat en avril 2023, ce projet, porté par le sénateur Laurent Lafon, doit être examiné à l’Assemblée nationale à partir du 10 avril. Les syndicats y voient une menace pour l’indépendance éditoriale, le pluralisme et les conditions de travail, dénonçant une « mainmise politique » accrue et une logique d’économies drastiques.
Les antennes et sites internet risquent de fortes perturbations. « Cette réforme ne renforce pas l’audiovisuel public face aux plateformes numériques, elle le fragilise », alerte Éléonore Duplay, déléguée SNJ-CGT, s’inquiétant des risques de suppressions de postes et d’externalisation des programmes.
Voir aussi : Delphine Ernotte, portrait
Rodolphe Chalamel