C’est le dernier-né des médias alternatifs, qui connaissent actuellement un joli printemps, portés sans nul doute par l’idéologie autiste et méprisante du gouvernement en place et par la suspicion généralisée dont souffre de plus en plus les médias « officiels » : TV Libertés a commencé d’émettre le 30 janvier dernier à 19h.
La web-télé, qui diffuse à partir de son site, tvl.fr, vient combler un manque dans la sphère de la droite non-alignée : elle se pose comme un équivalent de Radio Courtoisie, quoique dans les méthodes elle diffère quelque peu, comme l’explique le président de la chaîne, Philippe Milliau :
« À la différence de Radio Courtoisie qui affiche le refus de toute publicité, ou de la prononciation de tout mot autre que français, nous ne nous interdisons rien. Nous envisageons à terme de travailler avec de multiples partenaires, soit qu’ils entendent faire leur propre promotion sur la chaîne, soit qu’ils paient de la publicité au sens classique, soit encore que cela prenne la forme de téléachat. »
Ils ne s’interdisent rien, vraiment rien ? « Si, bien entendu, corrige Philippe Milliau, nous n’accepterons jamais, si tant est qu’ils venaient nous solliciter, de publicité pour Coca-Cola ou pour les firmes du Qatar… Mais tout ce qui est compatible avec notre ligne, sous une forme rédactionnelle ou de publicité directe, sera accepté ».
Contre-offensive médiatique
Cette ligne, quelle est-elle, justement ? L’idée était dans l’air depuis longtemps : mettre en place une contre-offensive médiatique dans un contexte de pouvoir où tout le monde est de même obédience, « où les vues sont normées », et ne laissent aucune place aux autres. TV Libertés est, comme on dit dans ce milieu, dans une optique de réinformation.
Il y a au moins deux ans que l’idée était dans l’air. A l’origine, le projet, mené avec Gilles Arnaud, « un ami de longue date » selon Philippe Milliau, s’appelait Notre Antenne. Mais entretemps, Gilles Arnaud a pris la direction de ProRussia.tv, un site d’information qui produit un journal hebdomadaire financé par la radio gouvernementale russe La Voix de la Russie. Milliau tient à écarter certaines rumeurs : il n’y a aucune animosité ni entre les deux personnages, ni entre les deux chaîne :
« Il s’agit simplement d’une répartition des choses, nous ne sommes pas du tout fâchés. Il y a une cohérence entre les deux projets, l’un étant de collaboration avec les Russes, l’autre indépendant et purement français. »
Il reconnaît pourtant que dans la première phase de construction de TV Libertés, ils ont songé à s’installer dans les mêmes studios. Mais, semble-t-il, d’une part les Russes ne voulaient pas qu’il y ait deux équipes dans le même studio, et d’autre part, certains collaborateurs de TV Libertés ne souhaitaient pas être liés aux Russes : « Pour ne pas ajouter à la difficulté intrinsèque de la réinformation, les prises de position prorusse », selon Milliau. Finalement il a été estimé des deux côtés que les projets devaient se développer de manière séparée mais non antagoniste : ainsi, Philippe Milliau a donné récemment à Moscou une interview au nom de TV Libertés. « Dans l’autre sens non plus, nous ne nous priverons pas de mener des entretiens avec des contributeurs de La Voix de la Russie, dit-il. Mais, quoiqu’il en soit, nous ne sommes pas inféodés à qui que ce soit ».
Une vingtaine de salariés
Une question qui revient de manière lancinante au sujet de cette nouvelle chaîne touche à son mode de financement. « C’est très simple, rétorque son président : du côté de Pro Russia, il s’agit d’un contrat de prestation avec les Russes. Pour nous, à TV Libertés, il s’agit simplement de donateurs du monde entier, mais surtout français évidemment ».
Un financement uniquement avec des dons, est-ce possible ? Oui, comme c’est le cas pour Radio Courtoisie ou KTO, affirme-t-on du côté de la chaîne, qui répugne cependant à communiquer précisément sur les chiffres. Philippe Milliau glisse cependant : « Nous tendons à un budget en équilibre en fin d’année, constitué de 100 000 euros en dépense et de 120 000 euros en ressources ». Tout en conservant un statut d’association loi 1901, la chaîne assume aujourd’hui une vingtaine de salariés, à temps partiel ou à temps plein, « mal rémunérés mais rémunérés », selon Milliau. Où l’on s’éloigne encore d’un modèle à la Radio Courtoisie, constitué quasiment uniquement de bénévole.
Cette professionnalisation de la chaîne est parfaitement assumée, et ce ne sont pas les quelques couacs incontournables du commencement qui découragent ses dirigeants. Au contraire, c’était prévu : « Nous sommes en phase de test et d’essai sur le plan technique : tout sera réglé dans les deux ou trois mois. » Pour l’instant, seul le journal quotidien de 19h, présenté par Élise Blaise et Olivier Frèrejacques, deux débutants, fonctionne véritablement.
300 000 spectateurs au bout de dix jours…
Les autres émissions, six ou sept déjà prévues, culturelles, historiques, économiques ou politiques, qui viendront se surajouter, sont encore à l’essai. Cette phase préliminaire de test devrait se terminer avec l’arrivée de la star Robert Ménard, après les municipales (il est candidat à la Mairie de Béziers). En attendant, dans les imposants studios du Kremlin-Bicêtre (Val de Marne) – d’une capacité globale de 750 m2, dont seuls 400m2 sont loués pour le moment – la petite nouvelle du web pavoise : les chiffres des premières journées sont encourageants, entre 30 et 50 000 spectateurs du JT chaque soir, pour une audience cumulée de 300 000 au bout de dix jours. « Notre objectif est de capter dix fois plus de spectateurs d’ici la fin de l’année, précise le président, mais c’est plus que satisfaisant pour un démarrage. D’autant plus que nous avons fait relativement peu de promotion, jusqu’ici. Délibérément d’ailleurs, parce que le concept n’est pas encore rodé, nous ne sommes pas intervenus sur les réseaux sociaux. Mais c’est pour bientôt. »
Les projets
Au menu des prochains mois, « I‑media », une émission de décryptage des médias dont le pilote a déjà été diffusé, menée par Jean-Yves Le Gallou, de la Fondation Polemia, et l’un des initiateurs du projet de la web-télé. Ou encore « Perles de culture », consacrée à l’actualité de la littérature, du cinéma et des beaux-arts, sous la houlette d’Anne Brassié, dont le pilote est aussi visible. « Passé-présent » encore, animée par l’historien Philippe Conrad, également consultable dans sa première mouture sur le site de la chaîne. Sont également annoncées des émissions avec Gabrielle Cluzel, journaliste, ou Paul-Marie Coûteaux, qui se réserve lui aussi pour l’après-municipales. Comme on le voit, une très forte proportion d’animateurs d’émissions de Radio Courtoisie sont remployés sur TV Libertés. Ainsi d’Arnaud Guyot-Jeannin, qui compte présenter une émission mensuelle sur le cinéma, intitulée « Nos chers vivants ». La première sera consacrée à Maurice Ronet, avec Dominique Borde – ancien journaliste du Figaro, Alfred Eibel de Valeurs Actuelles et Jean-Pierre Montal, auteur d’une belle biographie de l’acteur du Feu follet. Guyot-Jeannin loue le professionnalisme de la chaîne : préenregistrée l’après-midi dans les conditions du direct, son émission d’un format de 52 mn doit être diffusée le soir, si le résultat technique est concluant.
Manifestement, la web-télé, au format parfaitement adapté aux nouvelles dispositions du public, se prépare un bel avenir.