L’entrée en négociations exclusives du tandem Reworld média / Rossel avec le groupe Lagardère mardi 2 avril ne doit rien au hasard. Voici les raisons affichées et les autres, plus officieuses, du choix de Denis Olivennes, PDG de Lagardère active.
D’ici l’été, au plus tard le 31 août, les acheteurs se partageront les dix magazines mis en vente en octobre 2013 par Lagardère active, la branche médias du groupe. À l’empire belge Rossel devraient revenir les marques Première et Psychologies magazine. Reworld media (Marie France) reprendra les huit autres titres, Be, Auto moto, Union, Maison & travaux, Mon jardin ma maison, Le Journal de la maison, Campagne décoration, Pariscope.
Leur offre a été choisie en premier lieu parce qu’elle inspirait confiance industriellement : elle était sensiblement identique aux plans social et financier à celle portée par l’ex DG de Lagardère active Didier Quillot. Dans les deux cas les 245 salariés seront (en principe) gardés et 15 millions d’euros seront versés par Lagardère pour payer la clause de cession et éponger l’équivalent de deux années de pertes (l’ensemble a réalisé 50 millions de CA et 2,5 millions de pertes en 2013). La surface financière de Rossel (500 millions d’euros de CA en 2013 et 250 millions de fonds propres) laisse à penser que le premier groupe de presse investira dans ses nouvelles acquisitions. Secondo, vendeur et acheteur se connaissent, travaillant déjà ensemble. Bernard de Wasseige, patron d’Édition Venture, l’un des associés belges de Rossel dans l’opération, est déjà détenteur des marques Psychologies et Elle outre-Quiévrain. La filiale française de Rossel, La Voix du Nord, n’est pas en reste. Son quotidien Le Courrier picard propose une page hebdomadaire issue de Psychologies magazine. Enfin, La Voix du Nord diffuse de son côté (comme le reste de la PQR) le supplément hebdomadaire de Lagardère, Femina hebdo. En coulisse, la proximité entre Jacques Hardoin (PDG de La Voix du Nord) et Bruno Lesouëf, l’ancien directeur des publications de Lagardère active, désormais conseiller d’Olivennes, aurait également été déterminante dans l’accord.
Reworld media n’a pas la même stature (40 millions de CA annoncé en 2013) et ne donne pas la même impression de sérieux que le géant belge. Il traîne de surcroît une réputation désastreuse après avoir mis en place deux plans de sauvegarde de l’emploi au sein du mensuel Marie France (racheté en février 2013) puis des magazines d’Axel Springer France (Vie pratique, Télé loisirs) acquis en août 2013. Un tiers des emplois ont été supprimés dans chaque cas. Spécialiste du brand content et du journalisme low cost, Reworld media a malgré tout été retenu par Lagardère. Le groupe a pourtant fait de la bonne gestion des conséquences sociales de la vente une priorité. Outre le fait qu’Olivennes considèrerait les huit magazines cédés à Reworld medias accessoires par rapport aux majors Première et Psychologies magazine, l’architecture capitalistique de l’acheteur pourrait constituer un début d’explication. Reworld media a dans son tour de table (12%) deux sociétés d’investissement, Truffle Capital et Idinvest Partners. Idinvest où le groupe Lagardère a investi 11 millions d’euros. Vous avez dit conflit d’intérêt ?