L’ambiance délétère qui règne dans la presse et les médias ne se fait pas ressentir qu’à France Télévisions et Libération. Ce mardi, sept rédacteurs en chef du Monde ont présenté communément leur démission sur fond de tensions internes.
Ce climat tendu a plusieurs sources, qui convergent toutes vers Natalie Nougayrède, directrice du quotidien du soir. Approuvée à la tête du journal à une large majorité en mars 2013 (80 %) suite au décès soudain d’Éric Izraelevitch, « NN » est aujourd’hui loin de faire l’unanimité et doit faire face, selon une responsable syndicale, à une « crise exceptionnelle de légitimité ». Les sept démissionnaires contestent la stratégie et le mode de gouvernance de la récente directrice.
Depuis plusieurs mois, un malaise existe au sein d’une large partie de la rédaction. Les raisons sont multiples : la migration d’une partie de la rédaction papier vers le numérique est vue comme un « plan social déguisé », le lancement de la nouvelle formule papier, repoussé à septembre, ne fait pas l’unanimité, tout comme la stratégie choisie pour Lemonde.fr. Concernant Natalie Nougayrède, la patronne du Monde est vue comme « raide », « autoritaire » et certains dénoncent une « absence de confiance et de communication entre la direction des rédactions et une rédaction en chef souvent mise devant le fait accompli ».
Samedi 3 mai, un article critique de Mediapart a mis le feu aux poudres. Ce dernier évoque les tensions qui existent entre la rédaction et la direction, et mentionne un rapport du cabinet Technologia, spécialisé dans l’évaluation des risques professionnels. Ce dernier pointe des « déficiences managériales importantes », une « défaillance communicationnelle », ainsi qu’une importante « démobilisation et (le) délitement du collectif ».
Dès le lendemain, « NN » a réagi avec fureur lors d’une réunion, dénonçant la « déloyauté » de certains. « Il y a des putschistes dans cette rédaction ! », a‑t-elle lancé. Dans une lettre qui lui a été adressée ce lundi par les deux Sociétés de rédacteurs, celles-ci dénoncent « une perte globale de confiance dans la gouvernance du journal », pointent du doigt « un problème de méthode et d’organisation qui exige un vrai ressaisissement au sommet ». Et de conclure : « Il serait grand temps de mettre en place une direction collective et fonctionnelle et que ceux qui font le travail soient vraiment entendus. »
Mardi midi, les rédacteurs en chef du Monde demandaient le départ de Vincent Giret et Michel Guerrin, respectivement directeur délégué des rédactions et directeur adjoint des rédactions, très contestés au sein du journal. Une demande refusée, qui a alimenté le chaos. Par courriel, les rédacteurs en chef et leurs adjoints ont alors présenté leur démission (de leurs postes, pas du journal) en guise de protestation. Dès l’après-midi, Natalie Nougeyrède jouait la temporisation en déclarant, dans un communiqué : « Je ne mésestime pas (…) l’importance du malaise qui peut exister au sein de cette maison. Nous devons rester concentrés sur l’essentiel qui est de recréer du collectif et de la confiance. A cet effort, je prendrai toute ma part. »
Désormais, la suite des événements est incertaine. Une rumeur fait état d’une prochaine motion de défiance à son égard. « Soit le coup de force contre Natalie Nougayrède fonctionne et elle saute. Soit la crise est là pour très longtemps », résume un ancien du journal.
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