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À Saint-Denis, les « profiteurs de guerre » vendent leur vidéo aux journalistes

20 novembre 2015

Temps de lecture : 3 minutes
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À Saint-Denis, les « profiteurs de guerre » vendent leur vidéo aux journalistes

Temps de lecture : 3 minutes

« Y’a de l’actu, je sais que je peux faire de l’argent (…) J’ai pas de travail. »

« Elles sont belles, elles sont pas chères, qui veut des scènes de massacre ? » Depuis les attentats de Paris, un nouveau type de commerce voit le jour : les vidéos amateurs vendues aux médias.

Le 18 novem­bre à Saint-Denis avait lieu une opéra­tion de police dans un apparte­ment occupé par des indi­vidus liés aux attaques ter­ror­istes. Depuis la rue ou leurs fenêtres, les riverains ont ain­si pu cap­tur­er des images : bruits de coups de feu, policiers cir­cu­lant dans les rues, flash lumineux, etc.

Si cer­tains habi­tants ont don­né gra­tu­ite­ment leurs images aux médias, ou les ont directe­ment postées sur les réseaux soci­aux, d’autres se sont lancés dans la revente sous le man­teau de ces pré­cieux témoignages de l’as­saut du Raid. « Si on voit les tirs et un polici­er, de loin, dans la nuit, c’est 500 euros, sinon, juste le son, c’est 100 euros », con­firme Pas­cal Jal­abert, rédac­teur du chef du bureau parisien d’Ebra, un groupe de jour­naux de l’est de la France.

Sur FranceTV­in­fo, un jour­nal­iste racon­te com­ment les vendeurs pro­posent leur film « sous le man­teau, comme des vendeurs à la sauvette », dans une rue à l’abri des regards. Le fait n’est pas spé­ciale­ment nou­veau, mais d’autres le font sans même se cacher, comme l’a par ailleurs mon­tré le « Petit Jour­nal » de Canal+. « 400 euros c’est don­né », peut-on ain­si enten­dre de la part d’un de ces vendeurs à la sauvette. « J’ai fait ton tra­vail. J’ai eu les couilles de le faire. J’ai risqué ma vie », lance un autre au reporter, avant d’a­jouter : « Y’a de l’actu, je sais que je peux faire de l’argent (…) J’ai pas de travail. »

Dans le doc­u­ment du « Petit Jour­nal », on peut voir une trans­ac­tion en direct entre ces jeunes de ban­lieue et une jour­nal­iste anglaise, con­fir­mant le fait que la pra­tique est beau­coup moins taboue dans les médias anglo-sax­ons. Assur­ant appartenir à la BBC, celle-ci a toute­fois nié avoir acheté des images alors qu’elle venait d’être filmée…

Du côté de BFMTV, on est « con­tre le principe d’acheter cer­tains doc­u­ments », a expliqué au Monde le directeur de la rédac­tion, Hervé Béroud. La chaîne con­fie avoir acheté deux pho­tos d’un jihadiste du Bat­a­clan, mais aucune vidéo. « Ne pas ren­tr­er dans une course au spec­tac­u­laire, ni dans une course aux enchères. Et il faut que le doc­u­ment apporte une info », ajoute M. Béroud.

Out­re-Manche, on a moins de scrupules. Il y a quelques jours, le Dai­ly Mail a ain­si dif­fusé une pho­to prise à l’in­térieur du Bat­a­clan après la fusil­lade. Une scène de boucherie qui a été abon­dam­ment relayée sur la toile. Le quo­ti­di­en a égale­ment partagé sur son site une vidéo de sur­veil­lance récupérée dans un café-restau­rant touché par les fusil­lades. « Cette vidéo nous a été pro­posée pour 50 000 euros », affirme Hervé Béroud, pré­cisant l’avoir refusée car jugée trop « choquante ».

Le JDD, quant à lui, assure s’être vu pro­pos­er trois vidéos et une dizaine de pho­tos des attaques d’un bar et d’une pizze­ria, pour la somme de 1 000 euros. Et l’heb­do­madaire de dénon­cer une « ver­sion con­nec­tée du prof­i­teur de guerre » qui devient de plus en plus mon­naie courante.

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