Dans son « Acte européen sur la liberté des médias », l’Union européenne a pour projet de mieux protéger les journalistes. Cette protection pourrait cependant se transformer en une surveillance renforcée des journalistes, soumise à l’arbitraire d’un pouvoir qui se veut gardien de la « sécurité nationale ».
Un projet aguicheur sur le papier
Présenté le 16 septembre 2022 par la Commission européenne, l’Acte européen sur la liberté des médias (en anglais « European Media Freedom Act ») se targue de promouvoir une plus grande liberté et pluralité des médias. Ce projet de loi vise notamment à renforcer l’indépendance des journalistes en les protégeant de toute ingérence politique liée au financement des médias.
Voir aussi : Liberté et pluralisme des médias : la Commission veut encore notre bien
Plus de liberté pour mieux la restreindre
Selon « l’Alliance de la presse », cette loi pourrait cependant aboutir à l’inverse du résultat espéré en encourageant la censure de la presse et ainsi mettre en péril l’indépendance des journalistes. Dans une tribune, plus de 550 titres de presse se sont associés contre ce projet de loi en estimant qu’il est contraire à la loi française de 1881 sur la liberté de la presse.
L’article 4 en cause
Cette tribune vise notamment un article qui suscite de nombreux débats. L’article 4 prévu par la loi, interdit explicitement la surveillance des moyens de communication des journalistes et l’utilisation de logiciels espions sur leurs appareils. Lors du Conseil de l’UE, le gouvernement français (au côté duquel se sont rangés l’Allemagne et les Pays-Bas), s’est montré hostile à cette mesure en faisant valoir son droit d’amendement. L’ensemble de ces pays européens exigent l’autorisation d’espionnage par logiciels pour permettre une meilleure « sécurité nationale ». D’aucuns analysent ce motif comme un prétexte pour placer des journalistes sous des systèmes de surveillance et comme un moyen de contrôle des sources de ces mêmes journalistes.
Le vote de cet amendement permettrait aux États d’espionner les appareils électroniques des journalistes quand ils le jugent nécessaire. Au nom des enjeux de « sécurité nationale », les États de l’Union Européenne pourront, comme bon leur semble, placer les journalistes sous surveillance renforcée.
Vers une société de surveillance généralisée ?
Si la liberté des médias est un pilier essentiel des Etats prônant les valeurs de la démocratie, ce projet de loi ne pourra que renforcer la consanguinité historique entre États et médias. En s’arrogeant un droit de contrôle arbitraire des journalistes, l’État pourra exercer une pression constante sur la presse et ainsi nuire aux droits fondamentaux de la liberté d’information.
Ces logiciels d’espionnage, invisibles à l’œil nu dans l’ère du numérique, sont caractéristiques de l’âge d’or du capitalisme de surveillance à la « Georges Orwell ». Lors d’un débat sur « Ligne Droite », matinale de Radio Courtoisie, François Bousquet revient sur la nature de cette surveillance :
« Nous sommes passés d’une société traditionnelle, où la surveillance a toujours existé, mais pas à cette échelle-là ». « Aujourd’hui avec la multiplication des moyens de surveillance, nous observons un changement quantitatif, avec comme ordre de grandeur le monde, ce qui induit en réalité un changement qualitatif, avec la généralisation de la surveillance ».
Voir aussi : Media Freedom Act : les inquiétudes de l’Ojim étaient justifiées