Rediffusion estivale. Première diffusion le 12 janvier 2021
Le 4 janvier 2021, suite à une enquête publiée dans Le Monde, faite à partir du livre de Camille Kouchner, “La Familia grande” (sorti le 7 janvier), l’information tombe, Olivier Duhamel est accusé d’inceste envers son beau-fils de 13 ans.
Depuis ces révélations, une enquête a été ouverte par le ministère public ; côté médias, on en apprend plus chaque jour sur cette histoire mais encore une fois, le traitement n’est pas uniforme. Revue de presse de la nouvelle affaire qui touche la gauche soixante-huitarde.
Ariane Chemin du Monde, la journaliste qui se fait le relais du livre
Si un média abonde dans la propagation d’informations sur ce sujet, c’est Le Monde. “L’enquête” qui a mis le feu aux poudres y a été publiée en exclusivité, par une de ses grands reporters, Ariane Chemin.
Depuis, Le Monde se fait l’écho de tous les rebondissements et a même dévoilé une autre enquête, sur “Sciences Po, cœur du pouvoir d’Olivier Duhamel”. Il est vrai que Camille Kouchner, auteur du livre qui a révélé l’affaire est la compagne de Louis Dreyfus… du Monde.
Mais c’est avant tout Ariane Chemin qui connaît son heure de gloire, lors de son passage dans C à vous, cette dernière ne s’embarrasse pas de langue de bois. Par exemple, elle pointe du doigt tous ces gens qui “savaient”, en particulier, cette “élite bourgeoise de gauche qui côtoyait les Pisier-Kouchner et les Pisier-Duhamel”.
Le Figaro, l’autre grand quotidien français, a aussi largement relayé cette histoire, sans pour autant avoir autant d’informations “exclusives”.
L’Obs, la parole aux acteurs
Le Monde n’est cependant pas le seul média à faire dans l’exclusivité dans cette histoire, un autre grand média de gauche a eu une place importante, il s’agit de L’Obs lui aussi dans le groupe de Louis Dreyfus (le grand média qui aura finalement le moins évoqué ce sujet, du moins au début, c’est Marianne).
Le même jour que la sortie de l’enquête du Monde, L’Obs publie un entretien “exclusif” avec Camille Kouchner qui fait aussi grand bruit. Le lendemain, Élisabeth Guigou, ancienne ministre socialiste et actuelle présidente de la commission sur l’inceste et les violences sexuelles (!) depuis le 10 décembre, s’y est expliquée. Critiquée car proche d’Olivier Duhamel, elle a affirmé à L’Obs ne pas avoir eu connaissance au préalable de cette histoire et la découvrir en même temps que le grand public.
De son côté, Aurélie Filippetti, proche aussi d’Olivier Duhamel et professeur à Sciences Po Paris, s’est expliquée sur RTL. Elle y explique être au courant de ces accusations depuis 2019… Tout en rappelant et en insistant sur le fait que cela touche “tous les milieux et beaucoup de monde” (pas d’amalgame), elle dit avoir prévenu Frédéric Mion, le directeur de Sciences Po Paris, qui n’a rien fait sur le sujet et dont certains réclament désormais la démission.
Pas de rapprochements dangereux chez France Inter et Libération
Filippetti n’est pas la seule à essayer d’éviter les rapprochements, deux grands médias des soixante-huitards, Libération et France Inter, pratiquent eux aussi l’exercice.
Libération fait un paragraphe entier intitulé “L’inceste est partout” et s’empresse d’y rappeler les propos de Camille Kouchner à L’Obs, “anticipant le retour du procès des soixante-huitards et de la pédophilie” : “L’inceste est partout, il n’a pas de couleur politique. Il peut être à droite comme à gauche.”, cela n’a “rien à voir avec Mai 68”.
Côté France Inter, c’est le même refrain. Thomas Legrand, dans son édito, explique que certains profiteront de ces accusations portées sur les “vieux acteurs” des injonctions “jouissons sans entrave” et “il est interdit d’interdire” de mai 1968, pour “avancer des pions conservateurs” face à ce qui devrait se résumer comme étant seulement la “déviance pathologique d’un homme”.
Pour Legrand, le vrai problème, c’est plutôt le patriarcat (!) dont mai 68 a “justement” permis de prendre conscience du danger qu’il représentait. Il ajoute même que “la violence intrafamiliale (et l’inceste y tient une part importante), est — de très loin — la première cause de l’insécurité” (!).
“La médiatisation de l’affaire Olivier Duhamel est utile, car elle accompagne de façon emblématique la revendication d’une génération. Cette demande inédite et massive de changer les rapports de domination entre humains ! La lutte contre les violences faites aux femmes ou l’inceste est aussi une lutte politique puisqu’elle parle d’une organisation sociale dans laquelle l’homme dominateur, parfois prédateur, ne serait plus la matrice.” (sic). Même méthode dans Médiapart du 6 janvier 2020, Lenaïg Bredoux et Marine Turchi noient le poisson autour du « système de l’inceste » pour ne pas remettre en question le milieu intellectuel auquel elles appartiennent. D’autres médias sont un peu plus curieux en matière de rapprochements historiques et culturels
Chez Valeurs Actuelles, on souligne “l’exemple même de la famille post-soixante-huitarde”
Du côté de Valeurs Actuelles, on ne s’est pas privé de mettre en avant les paroles d’Ariane Chemin. Lors de son passage dans C dans l’air, elle avait évoqué une famille qui est “l’exemple même de la famille post-soixante-huitarde où le maître-mot, c’est la liberté” pour présenter le contexte dans lequel cet inceste avait eu lieu, une famille où “tout le monde s’embrasse sur la bouche”.
Des journalistes avec un autre regard
Éric Brunet n’a pas non plus hésité à pointer du doigt la famille politique à laquelle appartient Alain Duhamel. Dans son édito pour RTL, il écrit que “la pédophilie a longtemps bénéficié d’une relative tolérance dans certains milieux de la gauche libertaire. Après mai 1968, des intellectuels l’ont même justifiée au nom de la révolution sexuelle.” Il rappelle aussi cette pétition signée par des personnalités de gauche, en 1977, dans Le Monde, “en soutien à des personnes inculpées pour avoir eu des relations sexuelles avec des adolescents de treize et quatorze ans”. Et enfin, dans sa conclusion, il écrit, “jusqu’au milieu des années 1980, les Verts allemands avaient dans leur programme la dépénalisation des relations sexuelles entre adultes et mineurs”.
Sur RMC, la journaliste Isabelle Saporta a pointé “l’entre-soi atroce et l’omerta qu’il y a eu autour de cette affaire, dans un petit milieu de la gauche caviar parisienne”, ajoutant que “si cela pouvait nous débarrasser de toute cette gauche caviar qui passe son temps à donner des leçons en se comportant de la manière la plus sordide, ça sera un dommage collatéral pas si mauvais”.
Pascal Praud et la blague qui ne passe pas de Robert Cohen
Du côté de Cnews et de Pascal Praud, habitué à ne pas avoir sa langue dans sa poche, on n’est pas amusé par cette sordide histoire. Lorsque le pédiatre Robert Cohen a tenté une blague douteuse sur le plateau de L’heure des pros, Pascal Praud l’a vite recadré.
“Mais j’ai vu que je ne pouvais pas toucher des vieux. Physiquement ! C’est peut-être mon côté pédophile ! Vous connaissez la différence entre un pédiatre et un pédophile ? Le pédophile aime vraiment les enfants !” a sorti Robert Cohen en pleine émission.
Ce à quoi l’animateur a répondu avec un “non, non” de désespoir. “Je suis terrorisé par ce que vous dites. Même moi, en tant qu’animateur, je me demande comment les gens peuvent prendre la plaisanterie que vous venez de faire, qu’on aurait fait dans les années 70 ou 80, au second degré.” et ajoutant que “ce n’est pas de meilleur goût aujourd’hui”.
Encore une fois, le présentateur laisse sous-entendre le rapport particulier qu’avaient (ont ?) les soixante-huitards avec la pédophilie, rapport qui n’amuse définitivement plus grand monde.