Le chef de LR est dans le collimateur depuis qu’il a décidé de prendre du galon car il pourrait (conditionnel) incarner une droite identitaire à même de flirter avec l’extrême droite. Ce n’est pas un fait, plutôt l’opinion de la majeure partie des médias, opinion présentée comme étant justement un fait. Ce qui en soi pose problème. Cependant, la question n’est pas ici de déterminer à quelle place du spectre politique français en cours de recomposition Wauquiez se situe mais plus modestement de regarder dans le poste, et de voir ce qu’une émission de télévision telle que C dans l’air peut dire de « l’affaire ».
Laurent Wauquiez, c’est dans l’air du temps ?
Dès que Wauquiez a annoncé sa candidature pour prendre la tête de LR, l’ensemble des médias officiels se sont appliqués à construire une image négative de sa personne, depuis lors réputée proche de l’extrême-droite, voire qualifiée de chimère entre Trump et Le Pen (Jacques Séguela). Il serait à même de faire un pont avec les droites radicales ou identitaires. Du coup, ses mouvements et ses paroles sont scrutés.
C’est ce que fait l’émission C dans l’air du lundi 19 février 2018, sous la houlette de Caroline Roux et avec comme titre « Wauquiez : confidences explosives ». De quoi s’agit-il ? Donnant un cours devant des étudiants d’une école de Lyon, Laurent Wauquiez a prononcé un certain nombre de phrases sur des amis et adversaires politiques, phrases enregistrées, sorties de leur contexte et diffusées lors de l’émission Quotidien de Yann Barthes. L’origine de la diffusion, plutôt émission de divertissement issue de la culture Canal +, que d’information laissait penser que les divers médias traiteraient « l’affaire » avec retenue. Il n’en a rien été en général. Et autour de Caroline Roux, dans une émission souvent respectée pour son sérieux ?
C dans l’air confidential ?
Les questions de départ ? « Serait-il devenu le Trump à la française ? », « Laurent Wauquiez est-il allé trop loin ? », « Parler sans filtre, est-ce le nouveau moyen d’être entendu quand on fait de la politique ? ». L’émission porte ainsi sur « le nouveau patron de la droite française ». « Droite » et « française », ce statut est probablement ce qui lui vaut toute cette attention pour des propos tenus devant une trentaine de jeunes gens. Il n’y a pas grand-chose « d’explosif », Wauquiez naviguant entre avis sur des personnes et humour, c’est pourtant l’accroche choisie, « explosif ». Une bombe, en somme.
Sur le plateau pour débattre : Pascal Perrineau, politologue, chercheur à Sciences Po, Catherine Nay, éditorialiste politique sur Europe 1, Vanessa Schneider, grand reporter pour Le Monde et Bruno Jeudy, rédacteur en chef du service politique de Paris Match. Il n’est pas interdit de s’étonner : il n’est aucun représentant d’un média qui d’une façon ou d’une autre pourrait être considéré comme proche du courant politique de droite identitaire supposément incarné par Wauquiez, et même aucun journaliste plus à droite que le centre droit plus ou moins macronien dans cette tablée. Du coup, peu de surprise : « naïveté » de Wauquiez, « stupide », un « péché par excès de confiance », « situation aberrante », « il a fait son numéro de claquettes », « il s’est fait plaisir »… « Est-ce que c’est Laurent Wauquiez, est-ce que c’est lui », demande Caroline Roux ; « hélas », répond Catherine Nay, laquelle juge qu’il confirme sa (sale) « réputation », et a fait preuve « d’immaturité », « le degré zéro de la grande classe et cela montre que c’est quelqu’un qui ne sait pas dompter les fatalités de sa nature »… Avis général : c’est le véritable Wauquiez. Et cela pose un « véritable problème politique », selon Perrineau.
Caroline Roux : y’a du Trump !
Caroline Roux insiste : « Il y a du Trump ! », autrement dit la « logique binaire », les « fake news », la « rhétorique du complot »… Suit la liste des propos de Wauquiez puis un reportage. Celui-ci est centré sur la « trumpisation » et la « lepénisation »…
Quoi que Laurent Wauquiez ait dit, les suites de ses propos tels que commentés dans les médias officiels disent plus sur les médias eux-mêmes que sur Wauquiez : une ambiance de cour de récréation entre copains. Que C dans l’air parvienne à occuper un créneau horaire d’une heure sur aussi peu de choses, dit aussi beaucoup : des propos de comptoir médiatiques prétendent ainsi évoquer des… « propos de comptoir » politiques.
Le niveau de l’émission ? Du gros people qui tache. Le même niveau que le comportement supposé de Laurent Wauquiez. Ce dernier commente ou lance des ragots politiques, eux-mêmes commentés par les intervenants de l’émission : est-ce là l’état de la vie politique française ? Et plus encore, de son commentaire par les médias autorisés ?
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