Ces derniers temps, les médias parlent moins des bateaux des pseudo O.N.G. qui cherchent à débarquer en Europe des clandestins venus d’Afrique, dont nous vous parlions fin octobre 2018. Leur afflux ne tarit pourtant pas, bien au contraire. Il s’est seulement déporté. Alors que l’Italie a pris des mesures pour maitriser ses frontières, c’est par l’Espagne que de nombreux clandestins arrivent. Nous en avons fait une revue de presse.
La frontière franco-espagnole débordée
Arte nous informe le 11 septembre qu’« en 2018, l’Espagne est devenue la principale porte d’entrée en Europe. Quelque 50 000 personnes migrantes sont arrivées sur les côtes andalouses depuis le début de l’année ». Le Monde du 2 novembre indique qu’« entre l’Espagne et la France, la nouvelle route migratoire prend de l’ampleur ».
Les conséquences de cet afflux sont tangibles dans le sud-ouest de la France, en particulier à Bayonne. La ville accueille ainsi l’équivalent d’un Aquarius par jour : La République des Pyrénées du 24 octobre nous informe que « près de 100 migrants arrivent chaque jour d’Espagne ! ». Cet afflux de clandestins est traité par de nombreux médias sous l’angle humanitaire.
France Bleu indique que « les migrants en transit (sont) accueillis à Bayonne par l’association Diakité », pour « permettre à ces jeunes hommes, à ces jeunes femmes parfois avec enfants de s’abriter, manger, récupérer un peu avant de continuer la route vers le nord de l’Europe ».
Europe 1 nous apprend que « Bayonne (est) la nouvelle halte des migrants venus d’Espagne ». « Associations et élus locaux s’organisent pour les accueillir pendant quelques heures avant leur nouveau départ ». Selon France Info, « les associations demandaient plus de moyens pour accueillir les migrants, elles ont été entendues ». Information confirmée par Infomigrants : « face à l’afflux de migrants, le maire de Bayonne ouvre un accueil d’urgence ».
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Le problème majeur des frontières : leur existence
Face à un tel phénomène, on pourrait s’attendre à ce que des reportages nous présentent le problème majeur que constitue une frontière qui n’est pas respectée. Pourtant, le sujet qui revient en boucle dans de nombreux articles au sujet de la frontière franco-espagnole n’est pas sa porosité mais…son existence même. Il est vrai que la Cimade, une association qui « accompagne les personnes étrangères dans la défense de leurs droits » bénéficie d’un large écho dans les médias : pour Le Parisien, on assiste à « de plus en plus de refus aux frontières françaises ». La Cimade assure que « la loi antiterroriste est détournée par les autorités pour justifier les refus ». Courrier International reprend un article du journal espagnol El Pais : « La France pointée du doigt pour sa politique de renvoi des migrants à la frontière ». Même préoccupation pour La Nouvelle République : « De plus en plus de migrants refoulés aux frontières en France ».
Le problème que pose cet afflux de clandestins serait donc pour plusieurs médias qui relaient les arguments de la Cimade, non que les forces de l’ordre ne parviennent pas à empêcher les migrants de passer la frontière, mais au contraire qu’elles n’en laissent pas passer assez.
Au-delà de l’afflux et de la « prise en charge », d’autres sujets évoqués plus discrètement
L’Express nous informe le 31 octobre que « de l’aveu même d’un officiel, (à la frontière franco espagnole NDLR) “ça passe et ça passe bien, même”. Si l’autoroute est gardée quasiment toute la journée, il reste un créneau de deux heures durant lequel elle ne l’est pas faute d’un effectif suffisant. Chaque nuit, des taxis espagnols en profitent et déposent des gens sur la place des Basques à Bayonne ». La République des Pyrénées du 24 octobre reprend le témoignage d’un délégué d’un syndicat de police en poste à Hendaye, qui se dit « submergé par le phénomène ! ».
La préoccupation de la Cimade, relayée par de nombreux médias, est que les clandestins puissent venir en France pour y déposer une demande d’asile. Ils ont pourtant traversé l’Espagne, un pays sûr où ils auraient pu trouver refuge. On apprend au détour d’un article de L’Express que « tous n’ont qu’un objectif, rejoindre la France ». « Parce qu’il est plus difficile de travailler dans la péninsule ibérique, où le taux de chômage reste de 15 %. Parce qu’enfin ceux qui envisagent de demander l’asile ont intérêt à effectuer les démarches en France, où 40 575 protections ont été accordées en 2017, plutôt qu’en Espagne (4 700 statuts délivrés) ».
Tiens, l’Espagne qui selon de nombreux journaux de gauche a « sauvé l’honneur de l’Europe » en accueillant les migrants de l’Aquarius ne serait pas exemplaire en matière d’accueil des demandeurs d’asile ? Il faut lire la presse espagnole, notamment le quotidien El Diario, pour comprendre les raisons pour lesquelles les migrants préfèrent faire une demande d’asile en France. En Espagne, les délais de traitement sont longs, les crédits insuffisants et les obstacles à l’accès à l’asile nombreux, dénonce la Commission espagnole d’aide aux réfugiés au journal espagnol.
Complaisance française
Autre raison pour demander l’asile en France selon Yves Thréard dans un éditorial du Figaro du 29 août, « notre complaisance leur permet de tenter leur chance pour disparaitre dans le labyrinthe des procédures d’examen des dossiers. Déboutés dans leur grande majorité, ils s’évaporent ensuite dans la nature ». Une information corroborée par la Cour des comptes : 4 % des déboutés seraient effectivement reconduits dans leurs pays. On commence à comprendre l’enjeu de pouvoir passer la frontière française.
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Alors qu’un large écho est donné aux récriminations de la Cimade, aucun journal n’évoque le fait que nombre de clandestins interpellés à la frontière ou arrivant en France sont souvent originaires de pays sûrs. Ils ne sont donc pas éligibles à l’asile. Un Policier des frontières se confie le 22 octobre au Figaro : les personnes que son équipe vient d’interpeller sont maliennes, guinéennes et marocaines. « Les associatifs côté espagnol font miroiter aux migrants que la France va les accueillir. Ils leur donnent 70 euros, et un billet de train (…) ». Le Monde du 2 novembre nous indique que « la France (…) apparaît comme la destination privilégiée par ces nouveaux arrivants originaires majoritairement d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb ».
Le terme “clandestins” banni
Il ressort de l’échantillon des journaux mentionnés plusieurs traits communs ou divergents.
- La destination finale qu’ont les clandestins diffère fortement suivant les médias : France Bleu indique que « les migrants en transit (sont) accueillis (…) avant de continuer la route vers le nord de l’Europe ». Pour Arte « ils espèrent généralement rejoindre l’Allemagne, l’Angleterre ou la France ». Selon L’Express, « tous n’ont qu’un objectif, rejoindre la France ».
- Dans plusieurs des journaux mentionnés, ceux qui passent la frontière sont des « exilés », des « migrants en transit », des « migrants » des « expatriés », jamais des clandestins.
- Les articles sur l’afflux de clandestins à Bayonne sont centrés sur leur nécessaire « accueil ».
- Le registre lexical des articles sur les arrivées massives par la frontière franco-espagnole et l’accueil de clandestins est celui du « soin » : on parle de « prendre en charge », d’ « héberger », de « mettre à l’abri ». Jamais d’assurer l’intégrité du territoire, une fonction régalienne de l’État.
Quelques rares articles évoquent d’autres aspects de cette immigration illégale. On peut citer le Huffpost Maghreb qui traite le sujet de la migration en cours vers l’Europe de centaines de milliers d’Africains via le Maroc. Le Midi Libre consacre un article au business cynique des passeurs. Un éditorialiste du Figaro développe l’appel d’air créé par des conditions d’accueil et de prise en charge plus favorables en France que dans les autres pays, etc.
Au final, l’asymétrie que reflètent les articles est frappante :
- La majorité d’entre eux parle essentiellement des droits, droit de venir en France pour y déposer une demande d’asile, y compris pour ceux venant de pays sûrs, droit d’être accueilli, droit d’être hébergé, etc.
- Les devoirs et règles contraignantes sont systématiquement occultés : devoir de quitter le territoire en cas de situation illégale, devoir de faire les démarches administratives préalables pour séjourner dans un pays étranger, etc.
En creux se dessine dans de nombreux médias l’image d’un pays accueillant et maternant pour les étrangers qui voudraient s’y installer. La problématique de leur accueil se réduisant à une question de prise en charge qu’il faudrait régler au plus vite. Une vision largement partagée dans les médias. Peut-être moins dans la population.