Le débarquement à Toulon le 11 novembre de 234 clandestins à bord de l’Ocean Viking a fait l’objet de nombreux articles et reportages dans les médias. Le fait que le bateau de l’ONG ait parcouru des milliers de kilomètres à proximité des côtes maritimes d’autres pays avant d’arriver dans les eaux territoriales françaises a été abondamment commenté.
Sur Twitter, l’AFP Factuel pose le 21 novembre 2022 cette importante question : « L’Ocean Viking aurait-il dû accoster ailleurs qu’en France ? ». L’agence de presse déroule dans un article paru sur le site de l’agence de presse un long exposé aboutissant à la conclusion que ceux qui arguent du fait que le navire aurait dû accoster ailleurs qu’en France ont tort.
Problème : le raisonnement de l’AFP Factuel pour parvenir à cette conclusion censée « débunker » des fake news de Damien Rieu et de Marine le Pen est tout sauf logique.
L’Ocean Viking aurait-il dû accoster ailleurs qu’en France ?
Des politiques ont évoqué la notion de “port sûr le plus proche” du lieu du sauvetage, en pleine Méditerranée, pour expliquer qu’il n’aurait pas dû accoster en France⚠️ C’est inexact #AFP 1/2 pic.twitter.com/mykns5cC1k
— AFP Factuel 🔎 (@AfpFactuel) November 24, 2022
La question du port d’accostage de l’Ocean Viking
L’AFP Factuel résume de la façon suivante l’article consacré à sa vérification des faits sur le lieu de débarquement de l’Ocean Viking :
« Après trois semaines d’errance et de vives tensions politiques franco-italiennes, l’Ocean Viking a finalement accosté le 11 novembre au port français de Toulon pour y faire débarquer 234 migrants sauvés des eaux de la Méditerranée. Plusieurs personnalités politiques se sont exprimées à ce sujet, invoquant régulièrement des notions de port “sûr” et/ou “le plus proche” pour arguer du fait que le navire aurait dû accoster ailleurs qu’en France. Mais ces affirmations contiennent plusieurs imprécisions et inexactitudes. Si l’Ocean Viking a accosté loin des zones où les migrants avaient été sauvés, c’est parce qu’il n’a jamais reçu le feu vert de la Libye, Malte, ou l’Italie, comme l’a expliqué l’ONG SOS Méditerranée. Un accostage en Tunisie, comme l’a évoqué la présidente du groupe RN à l’Assemblée Marine Le Pen, était également impossible dans ce cas de figure au vu du droit maritime international. De plus, la notion de port “le plus proche” n’existe pas dans le droit, et si la notion de “lieu sûr” existe, elle est soumise à interprétation, comme l’ont expliqué des experts des migrations interrogés par l’AFP ».
Le raisonnement de l’AFP
Il est important de reprendre les différentes étapes du raisonnement de l’AFP Factuel pour en comprendre l’enchainement et en apprécier la cohérence logique
1. Les deux États en charge des secours et de la recherche d’un lieu où accoster n’ont pas joué leur rôle
« En mer, les eaux sont partagées entre eaux nationales, proches des côtes des Etats, qui en sont donc responsables, et eaux internationales, au large, dans lesquelles les pays ont défini des zones placées sous la responsabilité d’un Etat donné, chargé de coordonner les secours et identifier un lieu où accoster après sauvetage (…) Au regard de ces textes, dans le cas de l’Ocean Viking, les choses sont très claires: le navire ayant réalisé ses sauvetages dans les eaux dépendant de la Libye et de Malte, coordonner les secours et assigner un lieu de débarquement était de la responsabilité de Tripoli et La Valette. Or SOS Méditerranée, qui opère l’Ocean Viking, assure n’avoir jamais reçu aucune réponse de leur part ».
2. Les recherches d’un port où accoster ont échouées
- « Ce journal de bord montre par exemple que le navire a envoyé le 27 octobre une demande d’identification d’un port où accoster au centre de coordination italien, avec ceux de Malte et Tripoli et les autorités maritimes de Norvège (État qui abrite son pavillon) en copie. Cependant, ni les autorités libyennes, ni les autorités maltaises n’ont répondu ».
- « Ce journal de bord montre aussi qu’entre le 22 octobre et le 10 novembre, le navire a envoyé près d’une cinquantaine de demandes pour être autorisé à accoster dans un port sûr (“request for a place of safety”), avant de finalement être autorisé à débarquer dans le port français de Toulon le 11 novembre ».
- « Débarquer en Tunisie aurait pu être possible si la Libye ou Malte s’étaient coordonnées en ce sens avec Tunis, mais ces deux Etats responsables semblent en l’occurrence n’avoir jamais donné à l’Ocean Viking le nom d’un port susceptible de l’accueillir ».
- « Mais la Libye (…) “n’est pas en mesure d’offrir un lieu sûr”, “ne nous a pas répondu” sur ce point, pas plus que Malte, rapporte M. Lauth ».
3. Le débarquement en Tunisie était impossible car la Libye ou Malte ne se sont pas coordonnées en ce sens avec Tunis
- « Contrairement à ce que disent Marine Le Pen et Damien Rieu, il n’y avait donc juridiquement pas possibilité d’accoster en Tunisie pour l’Ocean Viking en octobre » car « débarquer en Tunisie aurait pu être possible si la Libye ou Malte s’étaient coordonnées en ce sens avec Tunis, mais ces deux Etats responsables semblent en l’occurrence n’avoir jamais donné à l’Ocean Viking le nom d’un port susceptible de l’accueillir ».
4. Le débarquement a eu lieu en France grâce à l’accord des autorités
- « D’où une première demande de l’ONG adressée le 27 octobre à l’Italie pour qu’elle se charge d’identifier un port où accoster. Puis, sans réponse favorable, des demandes envoyées à la France, l’Espagne et la Grèce les 5 et 6 novembre, et à la France et l’Italie encore du 7 au 9 novembre, avant le feu vert français du 10, montre le carnet de bord du navire ».
AFP Factuel : sophisme ou paralogisme ?
Dans un fil sur Twitter, Damien Rieu indique à partir d’un article de Ruben Pulido paru dans La Gaceta de la Iberosfera deux ports en particulier où l’Ocean Viking aurait pu au cours de son long périple débarquer :
- Sfax en Tunisie, le bateau ayant été à un moment donné à 110 milles nautiques de ses côtes ;
- Malte, le bateau ayant été à un moment donné à 56,2 miles nautiques de ses côtes.
S’agissant du rôle des Etats au regard du droit maritime, l’AFP Factuel se garde bien de souligner que si les autorités libyennes et maltaises ne se sont pas coordonnées pour laisser accoster l’Ocean Viking en Tunisie, bien que ce bateau ait été très proche des côtes de ce pays, elles ne se sont pas davantage « coordonnées » avec les autorités françaises pour le laisser accoster en France.
S’agissant du port de débarquement, l’article de l’AFP Factuel mentionne que l’ONG a demandé à la France, à l’Espagne et à l’Italie l’autorisation de débarquer les migrants. Pour quelle raison cette demande n’a‑t-elle pas été faite auprès des autorités tunisienne, la Tunisie bénéficiant par ailleurs de subsides de l’Union Européenne pour retenir les migrants et éviter que des bateaux clandestins partent de ses côtes ? N’était-il pas important d’envoyer un signal aux passeurs et autres trafiquants d’êtres humains sur le fait qu’il ne suffit pas de mettre en mer des bateaux clandestins pour qu’ils arrivent en Europe, au prix parfois de noyades en haute mer ?
Les arguments développés par l’AFP Factuel dans son article ne permettent aucunement de d’écarter qu’effectivement, l’Ocean Viking aurait dû accoster ailleurs qu’en France. L’Ocean Viking n’a pas pu accoster dans un port plus proche que Toulon, faute des autorisations nécessaires. Seul le gouvernement français a capitulé dans la partie de bras de fer avec SOS Méditerranée, l’agence de voyages de clandestins bien connue des passeurs.
L’Ocean Viking aurait pu accoster ailleurs que sur les côtes françaises, si tant est que toutes les démarches et pressions diplomatiques aient été exercées pour qu’il ramène les migrants là d’où ils n’auraient jamais dû partir : l’Afrique. Mais ce serait là enfreindre un tabou imposé par le lobby immigrationniste en Méditerranée centrale.
L’AFP Factuel a‑t-il fait une erreur de raisonnement ou sa question initiale était-elle simplement et volontairement mal posée ? Chacun en jugera, mais nous avons un peu notre idée…