Gaël Sliman a longtemps hésité entre l’influence et le sondage. Et visiblement il hésite encore. L’institut ODOXA reprend le flambeau d’une conception pour le moins ambigüe du métier de sondeur, celle qui consiste à dégager les bons pourcentages pour les bons clients, au lieu de refléter l’opinion pays réel, lequel est un concept maurrassien comme chacun sait…
Le problème, quand on passe de la critique gastronomique aux fourneaux, ou inversement, c’est qu’on risque de dérouter le client qui finit par se méfier du restaurant. Dans le cas d’un analyste d’opinion comme Gaël Sliman, qui a fait partie des dirigeants de l’institut de sondage BVA, la question de la double casquette se posait déjà il y a quelques mois quand il parvenait à concilier les deux rôles, celui de sondagiste et celui d’éditorialiste, sans que l’on sache lequel influençait l’autre.
Lorsqu’il a fondé l’agence ODOXA en septembre dernier, on a pu se dire que sa démarche était celle du brillant collaborateur voulant voler de ses propres ailes. Mais le problème tient à la nature des sondages ODOXA, que l’on voit désormais fleurir un peu partout dans la presse pour asseoir une opinion recommandable, c’est à dire une opinion que la presse réclame pour illustrer ou promouvoir ses idées (exemple : la popularité d’Alain Juppé, opinion typiquement recommandée).
Le fait que le nom de la société comporte le mot Doxa n’est sans doute pas un hasard, et la question de savoir si ODOXA n’est là que pour imposer les opinions de ceux qui commandent les sondages se pose sérieusement. Cette société a visiblement pour vocation de reprendre la part “influence” de l’activité BVA sous un nouveau label, soit que Gaël Sliman en ait été prié par ses associés, soit qu’il s’agisse d’une manœuvre parce que les manipulations commençaient à compromettre l’image de BVA. Comme nous l’avons souligné ici à plusieurs reprises, il n’est pas raisonnable de prétendre interroger “les Français” quand on contacte mille d’entre eux par internet. Mais la méthode n’est pas tout à fait sans faille car le même genre d’échantillon en ligne place Marine Le Pen en deuxième figure de l’année derrière l’activiste pakistanaise Malala. Nul doute qu’ ODOXA trouvera bientôt le moyen de raffiner ses questionnaires pour éviter ce genre de pépins.
Crédit photo : capture d’écran vidéo France Inter via Youtube (DR)