Samedi 13 août, l’écrivain britannique d’origine indienne Salman Rushdie a été victime d’une violente attaque au couteau alors qu’il s’apprêtait à participer à une conférence dans l’État de New-York, aux États-Unis. La présentation par plusieurs médias français de cet événement a suscité une polémique aussi forte que limitée aux réseaux sociaux. Celle-ci en dit long sur un certain état d’esprit qui prévaut parfois dans le petit milieu journalistique.
Salman Rushdie, un écrivain sous le coup d’une fatwa
En 1988, paraissait un roman intitulé « Les versets sataniques » écrit par un écrivain britannique d’origine indienne fort peu connu du grand public, un certain Salman Rushdie. Quelques mois plus tard, le 14 février 1989, l’écrivain recevait un appel téléphonique d’un journaliste de la BBC l’informant qu’il avait été condamné à mort par l’Ayatollah Khomeini. Pour quelle raison ? Avoir écrit le roman intitulé « Les versets sataniques ».
33 ans plus tard, il est utile de relire la fatwa, la condamnation à mort, dont S. Rushdie a fait l’objet :
« J’informe tous les braves musulmans du monde que l’auteur de ‘versets sataniques‘, un texte écrit, édité et publié contre l’Islam, le Prophète de l’Islam et le Coran, ainsi que tous les éditeurs et éditeurs au courant de son contenu, sont condamnés à mort. J’appelle tous les musulmans courageux, où qu’ils se trouvent dans le monde, à les tuer sans délai, afin que personne n’ose à l’avenir insulter les saintes croyances des musulmans. Quiconque meurt pour cette cause sera un martyr, si Dieu le veut. En attendant, si quelqu’un a accès à l’auteur du livre mais n’est pas en mesure de procéder à l’exécution, il doit en informer le peuple afin qu’il puisse être puni pour ses actes. Que la paix et les bénédictions d’Allah soient avec vous. »
Salman Rushdie a décrit dans son autobiographie intitulée « Joseph Anton » sa vie en clandestinité depuis cette condamnation, ses changements incessants de domicile, sa vie recluse, mais également les pressions contre ses éditeurs, le concours de lâcheté de trop nombreuses personnalités mais également ses précieux et trop rares soutiens.
Au fil des années, l’écrivain a baissé la garde en sortant de la clandestinité. Il a donné plusieurs conférences publiques sur ses romans, dont certains ont été primé bien avant sa condamnation à mort par un haut dignitaire islamiste.
Cela a fallu lui être fatal le 13 août, à l’occasion d’une conférence qu’il voulait donner dans l’Etat de New-York, aux Etats-Unis. Il a, avant que celle-ci ne commence, été sauvagement agressé au couteau par un américain d’origine libanaise. L’écrivain de 75 ans réchappera à cette agression, mais avec de nombreuses séquelles. En France, la présentation par plusieurs médias du contexte de cet événement a suscité une polémique aussi forte que limitée aux réseaux sociaux.
L’AFP et l’ouvrage « controversé » Les versets sataniques
L’agence de presse AFP a rôle éminemment important : elle fournit la matière première de nombreux médias de grand chemin : l’information. A l’heure de la crise de la presse et de la compression des coûts, ses dépêches sont souvent recopiées sans retouche par des journalistes pressés.
Les éléments de langage dispensés le 13 août à 18h15 par l’AFP à la suite de l’agression de Salman Rushdie ont de quoi interroger :
« L’auteur britannique Salman Rushdie, dont l’ouvrage controversé Les versets sataniques avait fait de lui la cible d’une fatwa de l’ayatollah iranien Rouholah Khomeini, a été attaqué sur scène lors d’une conférence dans l’Etat de New-York, selon plusieurs médias américains ».
Immédiatement après, les éléments de langage dispensés par l’AFP sont repris par de nombreux médias :
BFM TV, 20 minutes, Europe 1, etc. évoquent à l’occasion de l’agression de Salman Rushdie un auteur britannique à « l’ouvrage controversé ».
Les réseaux sociaux mieux informés
Les réactions à cette présentation, qui fait porter à l’ouvrage de Salman Rushdie la responsabilité d’une controverse, sont nombreuses sur les réseaux sociaux.
La contributrice du magazine Front populaire Céline Pina commente sur Twitter :
L’AFP reprend une terminologie adaptée aux islamistes. « Ouvrage controversé » laisse entendre que @SalmanRushdie mérite la fatwa qui lui a gâché sa vie car il aurait écrit un texte « islamophobe ». Faux, l’écrivain est juste victime du fascisme islamiste. Honte à l’AFP. pic.twitter.com/2c71OXqnfC
— Céline Pina 🎗️ (@celine_pina) August 12, 2022
La réaction de Zohra Bitan est plus mesurée :
Quand @afpfr écrit « ouvrage controversé » à propos des versets sataniques de #SalmanRushdi ce n’est pas une erreur, c’est la démonstration de leur ambiguïté entre voir la réalité qu’est l’islamisme et la culpabilité de se faire classer « islamophobe ». CQFD ! Dangereuse AFP ! pic.twitter.com/tYDGHHbKXC
— Zohra Rose Bitan 🌹🎗️SoutienFD0🦩 (@ZohraBitan) August 12, 2022
Quelques heures plus tard, face à la bronca, l’AFP supprime son Tweet fortement critiqué. Cela amène Sigismond Alti à commenter sur Twitter :
https://twitter.com/Altisigismond/status/1558255258677219329
France info a le ciseau rapide au montage
Autre média, à peine autre ambiance sur France Info. La radio publique a suite à l’agression de S. Rushdie interviewé Abnousse Shalmani. Les commentaires de l’écrivaine et journaliste peuvent avoir une certaine pertinence compte tenu de son origine iranienne, un pays qu’elle et ses parents ont fui pour échapper aux Mollahs.
Le journaliste de France culture Marc Voinchet semble en pamoison à l’écoute de l’interview:
« Impeccable Abnousse Shalmani sur @franceinfo au sujet de Salman Rushdie et des « Versets sataniques ».
Abnousse Shalmani émet cependant sur Twitter de fortes critiques sur ce qu’a retenu France Info de ses propos :
@Franceinfo, l’officine #islamogauchiste #censure sans honte #AbnousseShalmani #redevancehttps://t.co/OmTxs3hYNt pic.twitter.com/jJ9p6NZDIU
— Marc Senneville (@SennevilleMarc) August 15, 2022
Françoise Emma Roux commente, dépitée :
Abnousse Shalmani censurée par @franceinfo. Belle image de la liberté d’expression donnée sur une radio du service public qui n’a toujours pas intégré que le délit de blasphème n’existe pas en France #SalmanRushdie pic.twitter.com/Cz9nr4mN8d
— Françoise Emma Roux (@fe_roux) August 14, 2022
Des vertes et des pas mûres…
Nous aurions pu multiplier les autres exemples de réactions édifiantes à cette agression de Salman Rushdie. Comme le retard à l’allumage en France, dans les médias et une partie gauche de la classe politique, pour désigner la motivation islamiste de l’agresseur, en dépit des informations circulant rapidement après l’agression aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde.
Nous aurions pu évoquer la censure partiale de Twitter relevée par le journaliste de Valeurs actuelles Amaury Brelet :
« J.K. Rowling menacée de mort par un islamiste pour avoir dénoncé l’attaque contre Salman Rushdie, Twitter ne trouve rien à redire ».
Dans le même temps, Guy Daniel voit sur Twitter sa réaction à l’absence de soutien de Salman Rushdie par la communauté musulmane en France censurée. Ceci bien que Florence Bergeaud-Blackler ai multiplié sur Twitter les preuves en la matière. Le seul point positif dans cette affaire est que les ventes de l’écrivain ont grimpé en flèche, un beau pied de nez aux islamistes.