Chaque année, en différents endroits du pays, le réveillon du nouvel an est l’occasion d’actes malveillants et parfois violents. Cette année n’a pas échappé à la règle. Un événement a pourtant donné une tournure différente au récit médiatique de la Saint Sylvestre. Certains journalistes ont en effet fait preuve d’une certaine pusillanimité dans la couverture de l’agression de deux policiers à Champigny-sur-Marne. Illustration.
La communication du Ministère de l’intérieur est bien rodée. Les communiqués de presse de la Place Beauveau indiquent invariablement les moyens humains déployés pour contenir les violences urbaines qui connaissent un regain pendant cette période de l’année. Les « 140 000 personnes mobilisées pour le réveillon » ont fait l’objet d’une large couverture des medias, tels France Info, I24, BFM TV, L’Obs, LCI, etc. Ces moyens devaient selon LCI et l’Obs permettre de passer une Saint-Sylvestre « sous haute sécurité ». Mais un événement a enrayé cet exercice de communication.
France Info informe le 1er janvier que « dimanche peu avant minuit, deux policiers sont envoyés à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) pour résoudre une rixe en marge d’une fête pour le Nouvel An. Pris à partie, l’homme a eu le nez cassé alors que la policière souffre de nombreuses commotions ». LCI précise que « la vidéo (de l’agression) a fait le tour des réseaux sociaux et a déclenché une vague d’indignation ». « Emmanuel Macron a promis sur Twitter que les « “coupables du lynchage de policiers à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) dans la nuit de la Saint-Sylvestre seraient retrouvés et punis” ».
Pédale douce
Le 1er janvier 2018, le journaliste Jérémy Trottin s’étonne sur BFMTV : « On peut se demander si Macron ne surréagit pas. C’est courant que des policiers soient blessés dans ce type d’opération. Il n’y a pas eu de mort ni de voitures brûlées de façon excessive ».
Même interrogation sur LCI lors de l’émission médiasphère le 2 janvier 2018. Les invités dissertent autour de la question : « Champigny : E. Macron dans la surréaction ? ». Sur France Info, le 5 janvier (5h45), un journaliste estime que les violences récentes impliquant la Police ont été « surmédiatisées ».
L’OJIM avait souligné en juin 2017 le fait que les violences contre des policiers étaient rarement évoquées dans les medias nationaux. De toute évidence, la diffusion de la vidéo de l’agression sur les réseaux sociaux puis le tweet du Président Macron semblent avoir perturbé les habitudes…
Un Président de la République qui condamne le lynchage de 2 policiers par un groupe déchainé, serait-ce une « sur réaction » ? Le terme « lynchage » serait- il excessif ? Sa définition consiste pourtant en des faits de violence physique qu’un groupe fait subir à un individu.
Le simple fait que cette question soit posée en dit long sur la banalisation de la violence dans une partie du corps social. Comme en témoigne cet ancien inspecteur de la Police judiciaire, qui indique qu’alors il y a quelques dizaines années, une intervention dans un quartier sensible pouvait se faire à deux policiers, celle-ci nécessite maintenant la mobilisation d’une soixantaine.
Surtout pas‑d’-a-mal-ga-me !
Que sait-on des organisateurs de la soirée « hip-hop/dancehall/zouk/afrobeat/bouyon » qui a dégénéré ? Pas grand-chose. Si ce n’est qu’il s’agirait selon le site Fdesouche « de la soirée « faceblack ». Ce qui amène Libération à s’empresser de préciser : « Si elle est surnommée “faceblack”, c’est surtout dû au fait que l’événement a été partagé sur le groupe secret du même nom ». Et de nous rassurer : « Aucune non-mixité n’a d’ailleurs été annoncée sur le flyer ».
Imagine-t-on la réaction des médias suite à des violences causées lors d’une soirée organisée par un groupe qui se dénommerait « visage blanc » ?
Dans le cas présent, le nom du collectif ne filtrera qu’avec parcimonie après l’information de Fdesouche et la « checknews » de Libération. On aura compris qu’il importe avant tout de ne pas mettre de l’huile sur le feu. Un peu à l’image des informations contenues dans un rapport interne du Ministère de l’intérieur sur les violences durant la Saint Sylvestre, censé rester secret mais qui a « fuité » au Figaro. Alors que celui-ci fait état d’une augmentation des incidents (voitures brulées, tirs de projectiles, tirs contre les forces de l’ordre, etc.) lors du réveillon par rapport à l’année dernière, le Ministre de l’intérieur déclarait au Parisien le 1er janvier : « Les festivités se sont bien passées (…) Dans l’ensemble, les gens ont pu jouir de la nuit de la Saint-Sylvestre de manière pacifiée ». Dormez tranquilles, braves gens…
Crédit photo : pittou2 via Flickr (cc)