Rediffusion estivale. Première diffusion le 14 février 2021
Le magazine Time, un des hebdomadaires les plus vendus aux États-Unis, a publié le 4 février 2021 un long reportage intitulé « L’histoire secrète de la campagne de l’ombre qui a sauvé l’élection de 2020 ». Un éclairage étonnant sur l’alliance qui a permis l’élection de Biden et la défaite de Trump.
Time pro-démocrate
Précisons pour commencer que le Time n’a rien d’un média pro-Trump, bien au contraire. Il a d’ailleurs choisi de nommer Joe Biden et sa vice-président Kamala Harris « personnes de l’année » pour 2020. Favorable au camp démocrate et au mouvement d’extrême gauche, Black Lives Matter (BLM), il décernait il y a peu le titre de « gardienne de l’année » à Assa Traoré et s’était distingué dans le passé par ses couvertures « gay-friendly ». Et d’ailleurs le Time décrit cette campagne de l’ombre qui a sauvé l’élection de Biden pour s’en réjouir, même s’il valide en partie par la même occasion les thèses « complotistes » de Donald Trump et de ses partisans, ce que n’ont pas manqué de relever des médias conservateurs comme Fox News, le New York Post ou Breitbart.
Tricher, mais « pour la démocratie »
« Ce qui est fascinant, c’est ce que cela nous apprend sur l’effronterie de la gauche en général et sur les médias mainstream corrompus et mensongers en particulier : ils laissent maintenant entendre qu’ils ont triché mais veulent que vous sachiez que tout va bien car ils le faisaient non pas pour détruire la démocratie mais pour la préserver et la renforcer. », a ainsi résumé la situation James Delingpole, éditorialiste vedette chez Breitbart.
Fascinant en effet cet article de Molly Ball dans le Time qui commence ainsi :
« Une chose étrange est survenue juste après l’élection du 3 novembre : il ne s’est rien passé ».
Il ne s’est rien passé, alors que les Américains craignaient des manifestations et des violences dans un contexte d’accusation de fraudes en provenance du camp Trump. Des accusations liées au vote postal massif qui se déroulait, dans certains États gouvernés par les Démocrates, avec des garanties jugées insuffisantes par les Républicains.
Mais non, tout s’est bien passé, et le 7 novembre 2020 les grands médias américains ont sacré Joe Biden vainqueur sans attendre les résultats définitifs puisque certains États étaient encore en train d’effectuer un recompte des votes.
Autre surprise, selon le Time, le patronat américain, y compris des chefs d’entreprise qui l’avaient soutenu jusqu’ici, l’a rapidement appelé à abandonner les accusations de fraude et reconnaître sa défaite. Le Time cite le président sortant :
« Tout cela était très, très étrange », a dit Trump le 2 décembre. « Quelques jours après l’élection, nous avons assisté à un effort coordonné pour consacrer le gagnant alors que de nombreux États clés étaient encore en train de compter les votes ».
Conspiration en coulisses
« D’une certaine manière, Trump avait raison », conclut la journaliste du Time : « Une conspiration s’est déroulée en coulisses (a conspiracy unfolding behind the scenes), qui a à la fois réduit les protestations et coordonné la résistance des PDG. Ces deux surprises étaient le résultat d’une alliance informelle entre des militants de gauche et des titans du monde des affaires. Le pacte a été officialisé dans une déclaration conjointe laconique et peu remarquée de la Chambre de commerce américaine et de l’AFL-CIO, publiée le jour des élections. Les deux parties en sont venues à considérer cela comme une sorte de marché implicite – inspiré par les protestations massives, parfois destructrices, de l’été en matière de justice raciale – dans lequel les forces du travail se sont unies aux forces du capital pour maintenir la paix et s’opposer à l’attaque de Trump contre la démocratie. »
L’AFL-CIO, c’est le principal syndicat de travailleurs aux États-Unis, mais l’article du Time mentionne aussi parmi les partenaires de cette conspiration des « organisations leaders du Movement for Black Lives » (Mouvement pour les vies noires), dont fait partie Black Lives Matter (BLM).
Certes, le Time affirme que l’objectif de cette alliance de l’ombre n’était pas de faire perdre Trump mais d’assurer que l’élection se déroule bien et que son résultat soit accepté par le plus grand nombre :
« Leur travail a touché tous les aspects de l’élection. Ils ont amené les États à modifier les systèmes et les lois électorales et ont contribué à garantir des centaines de millions de dollars de financement public et privé. Ils se sont opposés à des procès visant à empêcher des électeurs de voter, ont recruté des armées de travailleurs électoraux et ont amené des millions de personnes à voter par correspondance pour la première fois. Ils ont réussi à faire pression sur les sociétés de médias sociaux pour qu’elles adoptent une ligne plus dure contre la désinformation et ont utilisé des stratégies axées sur les données pour lutter contre les campagnes de diffamation virales. »
Des affaires diffusées… après l’élection
Parmi ces stratégies des médias sociaux, on notera par exemple, ce que ne fait pas le Time, l’article du New York Post, sorti deux semaines avant l’élection, qui décrivait les pratiques douteuses de Joe Biden et de son fils Hunter en Ukraine quand Joe Biden était le vice-président de Barack Obama. La diffusion de cet article avait été immédiatement bloquée sur les réseaux sociaux et cachée aux Américains par les grands médias jusqu’à après l’élection ou bien présentée comme une nouvelle ingérence russe de type « fake news ».
Commentaire sur Fox News après les révélations du Time :
« Un sondage de novembre a révélé que 4,6 % des électeurs de Biden n’auraient pas voté pour lui s’ils avaient été au courant du scandale Hunter Biden. Biden n’a battu Trump que de 4,4% des voix ».
Influencer, orienter, contrôler
Et la journaliste du Time de conclure ainsi sa longue introduction, avant de donner moult détails sur cette campagne de l’ombre « pour sauver l’élection 2020 » :
« C’est l’histoire intérieure de la conspiration pour sauver les élections de 2020, basée sur l’accès aux rouages internes du groupe, à des documents inédits et à des interviews de dizaines de personnes impliquées de tous les horizons politiques. C’est l’histoire d’une campagne sans précédent, créative et déterminée, dont le succès révèle également à quel point la nation a frôlé le désastre. “Toute tentative d’interférer avec le bon déroulement de l’élection a été défaite”, déclare Ian Bassin, co-fondateur de Protect Democracy, un groupe non partisan de défense de l’État de droit. “Mais il est extrêmement important que le pays comprenne que cela ne s’est pas produit accidentellement. Le système n’a pas fonctionné comme par magie. La démocratie ne fonctionne pas seule”.
C’est pourquoi les participants veulent que l’histoire secrète de l’élection de 2020 soit racontée, même si cela ressemble à un délire de fièvre paranoïaque, une cabale bien financée de personnes puissantes, appartenant à tous les secteurs et à toutes les idéologies, travaillant ensemble en coulisses pour influencer les perceptions, changer les règles et les lois, orienter la couverture médiatique et contrôler le flux d’informations. Ils ne truquaient pas l’élection, ils la fortifiaient. Et ils estiment que le public doit comprendre la fragilité du système pour assurer la pérennité de la démocratie en Amérique. »
Et c’est ainsi qu’Allah est grand, aurait conclu Alexandre Vialatte.
(Les caractères en gras et les phrases soulignées sont de l’Observatoire du Journalisme).