Le Rassemblement national n’a pas voulu d’Éric Zemmour, Marion Maréchal s’allie au RN sans emmener Reconquête, Éric Ciotti peine à convaincre tous les LR qui ne peuvent pas l’invalider pour autant… L’alliance des droites ne sera sans doute pas intégrale pour cette élection, et les médias ont à leur disposition un feuilleton de qualité.
La saga des Républicains, la fin de la droite traditionnelle ?
Chez Les Républicains, l’alliance conclu par Éric Ciotti, président du parti, avec le Rassemblement national, est un choc, un « séisme » constate BFMTV, qui précise que l’accord serait « rejeté par une majorité des électeurs français (58%) et des électeurs LR (56%) », selon un sondage Elabe, un sondage démenti par un autre du Figaro qui indique des électeurs LR favorables à l’alliance.
Les chapeaux à plume du parti ont réagi en excluant Éric Ciotti du parti, mais cette décision illégale a été annulée par la justice. Les Républicains refusant de s’allier au Rassemblement national sont obligés de faire campagne sans étiquette, et pour le second tour, Le Point note que « les divergences sont perceptibles au sein des LR sur l’attitude à adopter. »
En cas de second tour entre le Front populaire et le Rassemblement national, François-Xavier Bellamy se prononce pour l’extrême-droite, et Florence Portelli, vice-présidente des LR, vote blanc.
Échec de l’alliance Reconquête-RN : qui est coupable ?
L’union des droites est un sujet cher à Reconquête en général et à Éric Zemmour en particulier. Pourtant, que ce soit aux législatives de 2022 ou aux européennes, personne, que ce soit aux Républicains ou au Rassemblement national, ne voulait en entendre parler. Cette fois-ci, alors que le cordon sanitaire entre le RN et les LR saute timidement, à qui la faute si l’alliance entre le RN et Reconquête n’a pas lieu ?
Libération affirme que « Marion Maréchal avait pris acte que Reconquête ne signerait rien cette fois-ci non plus », tout en citant le communiqué de la tête de liste aux européennes, qui pointe plutôt une faute de Marine Le Pen et Jordan Bardella qui « ne souhaitent aucune association directe ou indirecte avec Éric Zemmour ».
Le Figaro insiste sur le torpillage de la campagne de Marion Maréchal par le couple Zemmour/Knafo.
Implosion de Reconquête : Libération boit du petit lait
Mercredi 12 juin, après deux jours de négociation qui suivaient neuf mois de campagne acharnée, coup de tonnerre chez Reconquête : une réunion vire au pugilat et s’achève en conférence de presse. Marion Maréchal, Guillaume Peltier, Nicolas Bay et Laurence Trochu, quatre des cinq députés européens du parti, annoncent soutenir les candidats du Rassemblement national pour éviter l’accession au pouvoir de députés de gauche ou macronistes.
« Blessé », comme il le dit lui-même, Éric Zemmour acte leur sortie du parti et annonce la présence de candidats Reconquête dans toutes les circonscriptions ce qui semble un peu ambitieux. Le divorce est total. Libération note que Marion Maréchal « est désormais élue, quand il [Éric Zemmour] est condamné à rester simple commentateur », ce qui s’apparente pour le journal à un hold-up de qualité, et rappelle que Marion Maréchal est « régulièrement soupçonnée d’être sur le point de retourner dans son ancienne famille politique », à savoir le Rassemblement national. La question est souvent posée, ou la rumeur répandue, par les journalistes.
Cependant, Marion Maréchal répète régulièrement, y compris lorsqu’elle a annoncé soutenir les candidats RN, qu’elle n’a pas l’intention de rejoindre leur parti. Libération, pour lequel le climat à Reconquête est « fratricide » note que « la saga des déchirements internes à Reconquête au cours de cette campagne des européennes ressemble à des improvisations fortuites motivées par les haines d’un microcosme resserré sur son noyau », brossant ainsi sans surprise un portrait d’une rare négativité pour un parti qui incarne tout ce qu’il déteste.
À droite, la « fanbase » de Zemmour essaie difficilement de se reconstituer
Au Journal du dimanche, la séparation de Marion Maréchal d’avec Reconquête ne passe pas. Le journal titre qu’elle « recase ses proches au RN », et même que ces proches ont « quémandé au RN des investitures », précisant qu’elle propose des noms et que le Rassemblement national est libre de les accepter ou pas. De quoi réduire l’alliance des droites à une vampirisation des autres partis par le Rassemblement national.
Alors que lundi 11 juin, Jordan Bardella, Marine Le Pen et Marion Maréchal semblaient proches de s’entendre pour une alliance entre les deux partis avec 60 circonscriptions dont 10 gagnables.
Une alliance finalement annulée par Jordan Bardella et Marine Le Pen le lendemain, pour une raison encore tue mais l’hostilité déclarée au RN d’Éric Zemmour semble en être le socle.
Oubliant les purges du Front populaire, la presse braque les projecteurs sur les déchirements de la droite
À droite comme à gauche, les négociations sont âpres, que ce soit pour le partage des circonscriptions, pour l’établissement des programmes, pour le choix du Premier ministre (dont la décision finale revient au Président) ou pour la simple existence de l’alliance.
Certains titres se plaisent néanmoins à gommer les mésententes de la gauche pour se concentrer sur celles de la droite. Ainsi en est-il de Libération, pour qui « le psychodrame se poursuit chez Les Républicains », et « les grands remous » chez Reconquête.
En revanche, du côté du Front populaire, tout irait très bien puisqu’il doit « présenter son programme, ce jeudi 13 juin, à dix-sept jours du premier tour des législatives. » Si le titre reconnaît que l’identité du « premier-ministrable » n’est pas connue, on reste sobre. « François Ruffin est entré en campagne à Amiens », « Jean-Luc Mélenchon s’est dit « capable » d’être Premier ministre » et Olivier Faure « se montre tout de même prudent » quant à la candidature de ce dernier. Rien n’est fait donc, mais personne ne se dispute, les combats de coqs sont pour la droite.
20 Minutes confirme que « Reconquête et Les Républicains continuent de se déchirer sur leur stratégie vis-à-vis du RN » alors que « la gauche semble s’allier largement derrière son nouveau Front populaire ». Une alliance qui ne satisfait pourtant pas tous les électeurs au moment où LFI fait sa purge en refusant l’investiture à ses critiques internes, Simonnet, Garrido et Corbière en font les frais, suscitant la colère de François Ruffin.
Au même moment Adrien Quattenens bénéficie de la clémence du chef dans la 1ère circonscription du Nord dont il est le député sortant ; il n’a pas d’investiture officielle mais il n’aura pas de candidat de gauche contre lui, une astuce qui sent bon sa tambouille politicienne.
Et si Marine Le Pen préférait attendre un peu pour la victoire ?
En conclusion provisoire, Dominique Reynié dans Le Figaro pense que Marine le Pen ne souhaite pas gagner les législatives et argumente :
« Marine Le Pen y voit sans doute une manœuvre et ne veut pas s’y laisser prendre. Quelques signes indiquent qu’elle préfère ne pas gagner les législatives. Elle souhaite bien sûr augmenter le nombre de ses députés, mais pas au point de devoir propulser le RN à Matignon et de l’impliquer entièrement dans la gestion du pays trois ans avant 2027. Marine Le Pen n’a aucun intérêt à voir son parti décevoir, échouer, s’épuiser avant la présidentielle. On a connu ça entre 1993 et 1995, lors de la cohabitation Mitterrand-Balladur. Le risque existe de voir surgir une Chambre ingouvernable, où le RN, les gauches, LR et Renaissance formeraient des groupes inconciliables et dont aucun ne serait capable de constituer une majorité. Les oppositions seraient alors tentées de tirer profit de l’avènement d’une Assemblée nationale ingouvernable pour mettre en cause le choix et le moment de la dissolution et d’exiger la démission du président ».
Une hypothèse raisonnable qui reste à confirmer.
Voir aussi : Front populaire : qui croit à l’alliance de la gauche ? Un peu les médias !