L’empire de Patrick Drahi, l’homme de la fortune du câble, commence à vaciller. Assis sur une dette colossale – plus de cinquante milliards d’euros -, Patrick Drahi a construit son groupe à marches forcées avec le soutien des banques et sans doute de discrets mais efficaces coups de pouce politiques en France comme en Israël ou aux États-Unis. Mais les difficultés de SFR, dont les fournisseurs comme les employés ont été passés à la paille de fer, l’échec de la politique de convergence des contenus inquiètent les prêteurs.
Trésorerie négative et chute du cours de l’action
L’action d’Altice, la holding du groupe, était encore supérieure à 23 euros le 9 juin 2017, très exactement 23,26 €. Dix mois plus tard, le 26 avril 2018 l’action côte 8,26 € soit une chute de 65%.
Des amendes en pagaïe
Altice avait pris la mauvaise habitude de flirter avec la ligne jaune juridique, se faisant parfois rattraper par la patrouille lors de ses emplettes et de ses cessions. Les amendes tombent en cascade, 15 M€ (Outremer Télécom), 80 M€ (achat de SFR et Virgin Mobile), 40 M€ (non respect d’accords avec Bouygues).
Cette fois ci c’est l’autorité de la concurrence de l’Union Européenne qui sort un carton rouge. En 2015 Altice rachète Portugal Telecom, mais va plus vite que la musique et s’installe aux commandes sans attendre le verdict du gendarme européen de la concurrence. 124,5 M€ d’amende pour le groupe qui a fait appel.
Standard and Poor’s dégrade la note d’Altice Europe
Le 19 avril 2018, l’agence de notation Standard dégrade la dette d’Altice Europe (les activités américaines qui vont mieux ont été séparées) de B+ à B avec perspectives stables. L’agence considère que le groupe va dégager en 2018 une trésorerie négative de 800M€ avec une dette six fois supérieure au bénéfice annuel escompté. La vente d’actifs en Suisse, Bénélux, République Dominicaine n’a pas été considérée comme suffisante. On parle maintenant de céder… Portugal Telecom. Ce n’est pas la cession en cours du journal Point de vue à son équipe dirigeante qui devrait changer grand chose au cash flow en France.
Libération et L’Express ont du souci à se faire
Les mauvais résultats du quotidien et de l’hebdomadaire ont entraîné une réflexion stratégique d’Altice France pour ses médias. Nous répercutions le 13 avril 2018 un entretien d’Alain Weill PDG d’Altice France au Figaro. Alain Weil y annonçait – sans que quasi personne ne reprenne l’étonnante nouvelle – la fin du papier pour ces deux médias. Nous citons :
« La décision a été prise pour Libération et L’Express d’engager un projet de transformation digitale important. Le mot d’ordre est « digital first ». Désormais, toutes les équipes seront tournées vers le site, qui sera à très forte valeur ajoutée. Nous allons pousser les abonnements numériques. Cela fonctionne très bien aux États-Unis. Enfin, il y aura une petite équipe qui extraira des contenus et fabriquera un journal papier ». (Les mots en gras sont soulignés par nous)
Un peu d’analyse sémantique simple. Enfin veut dire à la fin du processus enclenché pour le digital first. Quand ? Ce n’est pas dit, mais douze mois semblent un délai lointain. Il y aura une petite équipe, autrement exprimé une équipe résiduelle. Cette petite équipe, extraira des contenus et fabriquera un journal papier. Là c’est clair, la grande équipe mettra en ligne un journal digital de qualité, à partir de cette matière première du contenu sera extrait, comme on extrait le jus d’une orange. Chacun comprendra que cette extraction résiduelle n’a pas un grand avenir devant elle.