Le méga groupe de Patrick Drahi (dont nous complèterons bientôt le portrait) s’est développé sur une dette faramineuse qui n’a pu être obtenue qu’à travers de multiples soutiens, financiers et politiques. Altice est présent en France (Libération, L’Express, BFM et RMC via Next Radio) sans oublier Numéricable comme à l’étranger : câblo-opérateurs, Hot en Israël, Cablevision et Suddenlink aux États-Unis, Portugal Télécoms, Virgin Mobile, la chaine israélienne I24News, la liste n’est sans doute pas complète.
Cette expansion à marche forcée s’est construite sur une dette colossale dépassant les 54 milliards d’euros fin 2017. Devant les résultats financiers décevants, l’action s’est effondrée, passant de 22,32 € en juin 2017 à 6,55 € en décembre de la même année pour remonter à 7,53 € le 12 avril 2018. Pour rassurer les marchés Altice a dû mettre en vente ses opérations en République Dominicaine et en Suisse en attendant d’autres cessions.
Difficultés en France
En France SFR a perdu des millions d’abonnés face à ses concurrents à la suite de licenciements massifs qui ont désorganisé la structure. Les ventes forcées d’abonnements médias à Libération et L’Express pour les abonnés SFR (le Kiosque) ont sans doute rapporté de nombreux téléchargements aux deux médias mais ont fait aussi nombre de mécontents. Le tour de passe passe qui permettait d’économiser une partie de la TVA de l’abonnement téléphonique a été interdit par la loi de finances 2018 et le Kiosque sera abandonné au profit d’une offre d’abonnements classiques.
Du temps où la dette n’était pas un problème, le groupe a pu acheter les droits télévisuels de la Champions League de l’UEFA, qui réunit dans une sorte de championnat d’Europe les meilleurs clubs de football du continent. Mais le montant des droits est grimpé à un milliard d’euros et nul ne voit comment le groupe pourra rentabiliser un tel investissement, même avec des accords de diffusion. Le principal concurrent le groupe BeIn Sports perd encore de l’argent avec plus de 3 millions d’abonnés.
Avis de tempête sur Libération et L’Express
Dans un entretien au Buzz Média Le Figaro le 26 mars 2018, Alain Weill PDG d’Altice France a annoncé mezzo voce des heures sombres pour les deux titres phares du groupe. Interrogé sur l’avenir de L’Express et Libération, tous deux en grande difficulté, voici ce qu’il répondait :
« La décision a été prise pour Libération et L’Express d’engager un projet de transformation digitale important. Le mot d’ordre est « digital first ». Désormais, toutes les équipes seront tournées vers le site, qui sera à très forte valeur ajoutée. Nous allons pousser les abonnements numériques. Cela fonctionne très bien aux États-Unis. Enfin, il y aura une petite équipe qui extraira des contenus et fabriquera un journal papier ». (Les mots en gras sont soulignés par nous)
En un mot cette déclaration de l’homme fort d’Altice Médias en Frande sonne le glas des versions papier de Libération comme de L’Express qui seront proposés en abonnement numérique aux clients SFR, le journal électronique devenant un simple adjuvant à un opérateur téléphonique. Une évolution contenue dans la politique de convergence médias/téléphones. Une politique qui profitera à SFR et laisse présager des vagues de licenciements dans les deux médias dont la version papier disparaîtra inéluctablement.
Aristide Saccard et la Banque Universelle
Certains se souviennent d’Aristide Saccard, extraordinaire personnage de La Curée de Zola, deuxième volume des Rougon-Maccart. Saccard fait fortune en spéculant sur les transformations de Paris entraînées par les travaux d’Hausmann. Il achète à bas prix des taudis dont il sait qu’ils seront achetés à prix d’or pour réaliser les travaux. Il ruine sa seconde femme mais survit au scandale et se retrouve dans le volume suivant de Zola, L’Argent. Patrick Drahi aura-t-il autant de chance ?