Éric Fottorino en général de presse et François Busnel en spécialiste es littérature américaine lancent América, « L’Amérique comme vous ne l’avez jamais lue ». L’opération est menée par le l’hebdomadaire Le 1.
Jeux de mots, jeux de vilains
François Busnel : « Nous vivons l’un des plus grands défis lancés à la démocratie : un pays-continent de 325 millions d’habitants vient de porter à sa tête un homme qui a conquis la Maison Blanche comme on décroche le gros lot d’un jeu de téléréalité. Donald Trump est un personnage de roman. En trois mois, maniant l’invective et l’insulte, il a multiplié les outrances et les provocations : entre la déportation des sans-papiers, l’interdiction de territoire aux ressortissants de sept pays musulmans, le retour des antiavortements, la suppression annoncée de l’Obamacare, la destruction des terres indiennes, les remontrances et les menaces adressées à des pays dont les dirigeants n’ont qu’un geste à faire pour déclencher le feu nucléaire, on est bien partis ! ». Eh bien… outrances, insultes, déportations, feu nucléaire… François Busnel aurait-il perdu de sa superbe ?
Un petit tour de piste gauche culturelle caviar
De quoi s’agit-il ? De résister au Mal. Autrement dit, à Donald Trump. Il est évidemment très difficile pour des membres du milieu des lettres françaises comme Éric Fottorino et Busnel d’accepter que les États-Unis soient dirigés par ce président. Cela va à l’encontre de la Clinton mania dont ils ont été et sont partisans. Du coup, ils ont créé un mouvement de résistance. C’est un véritable changement de paradigme : la France « intellectuelle » continue d’affirmer son anti américanisme primaire, mais en s’appuyant sur la caution de l’Amérique des potes d’Hillary. Les compères sont aidés par deux chroniqueurs ou permanents du Parti, Olivia de Lamberterie, France 2, Le Masque et la Plume, Elle…, et Augustin Trapenard, navigateur entre France Culture et Canal+. Entre soi donc, à tous les étages de la rédaction, avec un petit zeste de France Culture, histoire de bénéficier de l’important relais de Radio France. Il n’y a pas de petits amis. En quatre noms, le tour des rédactions de la gauche culturelle caviar est terminé.
La résistance française anti-Trump
L’objectif de ce Mook, contraction de magazine et de book utilisée pour désigner les revues vendues à la fois en librairies, en kiosques et en maisons de la presse, un genre initié en France par XXI. Et qui s’est décliné sous toutes les formes possibles depuis dix ans, du fait du succès de cette dernière revue. Son plus récent numéro est intitulé « Nos crimes en Afrique », résumant en peu de mots l’idéologie qui sous-tend l’opération. Et que l’on retrouve dans les coulisses d’América. Magazine trimestriel, América a prévu d’exister le temps du mandat de président de Donald Trump. Il a donc d’ores et déjà annoncé sa probable fin. Il y aurait ainsi, si Trump n’est pas réélu par les citoyens américains, — ce qui semble difficile à digérer tant pour Hillary Clinton que pour le couple Busnel/Fottorino — 16 numéros de la revue América à paraître. Deux numéros ont déjà parus. Fottorino : « Parce que le nouvel hôte de la Maison Blanche ne parle que de fermer portes et frontières, nous n’aurons de cesse d’aller la voir, cette Amérique réelle, à hauteur d’hommes et de sentiments, là où la littérature sait jeter ses filets pour fixer les images les plus vraies, les plus fortes, les plus dérangeantes parfois, d’une époque sans précédent ». Mots vides en usage dans nombre de quartiers mondialisés des métropoles.
Mobilisation générale !
Trump ? No pasaran ! Le premier numéro a comme principal titre : « Face à Trump ». Le second : « Trump. La maison flanche ». Gageons qu’Hillary apprécie. On n’est donc pas surpris de lire deux numéros à charge de près de 200 pages chaque. Ainsi, Marc Dugain déglingue le « clown » Trump tandis que Toni Morrison est appelée à la rescousse en conscience morale de l’Amérique vaincue mais qui n’abandonne pas la lutte (« Les semaines qui ont suivi l’élection, j’étais devenue étrangère en mon pays », dit-elle). América prétend vouloir comprendre l’Amérique actuelle et les raisons de l’arrivée au pouvoir de Trump, depuis l’Amérique elle-même. Prétention affirmée comme « non militante ». On peut douter de ce dernier trait à la lecture, par exemple, du premier texte d’Augustin Trapenard qui voit en Trump un Donald Duck colérique et stupide. Le premier numéro donne aussi la parole à Barack Obama. En apparence, l’objet d’América n’est pas de polémiquer de façon grossière mais bien de critiquer l’Amérique de Trump de l’intérieur, en affirmant que cette Amérique n’est tout simplement pas l’Amérique réelle. Retournement de gant : d’une certaine manière, les minorités agissantes privilégiées, les fameuses « élites mondialisées », prétendent s’être fait subtiliser le pouvoir. Personne n’est donc surpris d’apercevoir Alain Mabanckou au sommaire. Dans le numéro 2, c’est Chimamanda Ngozi Adiche qui se propose d’être « Dans la tête de Melania Trump ». Entre autres faits d’armes. La revue prétend être, une semaine après la parution de son second numéro, en 3e position des ventes de livres en France. Le refus de la réalité du Poor White Trash, les blancs « peu éduqués » qui auraient porté Trump au pouvoir, selon Sylvain Cypel, semble ainsi trouver son public en France. Qui en doutait ? Une revue telle qu’América est directement destinée à l’électorat upper class de Macron, ces milieux qui n’ont de démocrates que les mots, justement, et pour qui les autres sont des « gens de rien » ou des « sans dents ».