La campagne présidentielle bat son plein et les équipes d’Emmanuel Macron préparent l’annonce de la candidature de leur champion. Dans ce contexte, les passages télévisés des ministres revêtent un intérêt tout particulier et permettent de prendre la température du camp majoritaire.
C’est dans ce contexte que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est rendu sur BFMTV/RMC, mardi 8 février au matin. Face à la journaliste Apolline de Malherbe, le transfuge de la droite parlementaire a perdu son sang froid et pris à parti son interlocutrice. La réaction politique et médiatique (hors LREM) est unanime face à cette prestation grossière.
“Je vous demande pardon ?”: l’échange très tendu entre Gérald Darmanin et Apolline de Malherbe pic.twitter.com/8XlHS5jzFl
— RMC (@RMCInfo) February 8, 2022
« Ça va bien se passer »
À deux mois de l’élection présidentielle, la majorité entend proposer une « grande loi d’orientation sur la sécurité ». Le sujet sécuritaire revient donc sur le devant de la scène. La journaliste Apolline de Malherbe a alors interpellé le ministre de l’Intérieur sur un sondage IFOP pour le JDD paru fin janvier selon lequel 69% des français jugeaient négatif le bilan sécuritaire présidentiel.
Dans la longue litanie des hausses d’actes de délinquance et de criminalité, la journaliste évoque les actes de violences, les homicides, les atteintes aux personnes, les coups et blessures… Elle évoque aussi la hausse les violences sexuelles… Un détail qui a possiblement participé à l’étonnant agacement du ministre, lui-même accusé dans une affaire de viol et de harcèlement (dans laquelle un non-lieu a été requis par le parquet). La litanie finie, le ministre essaie un trait de sarcasme « j’ai regardé votre logo j’ai cru qu’on était sur CNews ». S’en suivent des attaques agacées du ministre qui accuse Apolline de Malherbe de faire une présentation « très rapide et un peu populiste » avant de lâcher à plusieurs reprises « ça va bien se passer » à la journaliste ! L’apothéose arrivera quand le ministre demandera à cette dernière : « vous faites de la politique ou du journalisme ? », question que lui avait précédemment posé Marine Le Pen en d’autres circonstances (voir notre portrait rubrique « ils ont dit »).
L’unanimité contre lui
Peut-être le ministre eût-il préféré être interrogé par Jean-Jacques Bourdin, avec qui il partage certains déboires ou tout au moins des accusations… Mais avec Apolline, le courant n’est pas passé !
L’absence de courtoisie pour ne pas dire la muflerie du ministre à l’égard de la journaliste a étonné les auditeurs et internautes qui s’en sont émus… Croyant arriver en terrain conquis dans une chaîne qui généralement n’égratigne guère son camp, le ministre s’est montré très grossier.
Côté politiques, naturellement les oppositions s’en sont données à cœur joie. Côté journalistes, c’est aussi l’indignation et le soutien qui ont prévalu.
Paul Sugy du Figaro et chroniqueur à CNews y est allé de sa critique.
En tout cas, quand un ministre fait face à un journaliste pugnace qui ne se contente pas d’éléments de langage en guise de réponse, il se demande s’il est sur @CNEWS 🙃 https://t.co/U6s4Xa9yCI
— Paul Sugy (@PaulSugy) February 8, 2022
Pour Alexis Poulain qui officie sur RT France, la remarque du ministre est celle d’un cuistre misogyne.
“Calmez-vous madame, ça va bien se passer.”
Bravo @apollineWakeUp d’avoir recarder ce cuistre misogyne. https://t.co/kFF51x8sal
— Alexis Poulin (@Poulin2012) February 8, 2022
Même son de cloche du côté des collègues et confrères de BFMTV :
« Vous vexez pas »
« Calmez-vous madame, ça va bien se passer »
Est-ce qu’un homme politique oserait dire ça à un homme journaliste 🤔 https://t.co/fIaYlb3o7N— Cédric Faiche (@cedricfaiche) February 8, 2022
Salomé Saqué de chez Blast insiste, elle, sur un problème (sous-entendu) du ministre avec la gente féminine.
La condescendance et le mépris de G. Darmanin à l’égard des femmes en une vidéo.
Démuni face à une journaliste qui l’interroge sur les chiffres de son ministère, il lui assène un violent “Mais calmez vous madame, ça va bien se passer”.
Attitude choquante de la part d’un ministre. https://t.co/GLYt5SMGeb— Salomé Saqué (@salomesaque) February 8, 2022
Les articles sur les propos du ministre ont également fleuri, du Parisien qui évoque un « échange tendu » à France Info qui parle d’un « échange musclé ». Globalement, les articles ne sont pas franchement à charge et le soutien est moins palpable que sur les réseaux sociaux… Téméraires mais pas trop !
Le ton d’une campagne
Cet échange à couteaux tirés et le peu de cas que le ministre a fait de son interlocutrice semble montrer la voie vers une campagne très rude. Alors que la polémique du fusil d’Éric Zemmour avait montré que les médias ne feraient pas de cadeaux à leur ex-confrère, l’épisode Darmanin/Apolline de Malherbe montre que les équipes d’Emmanuel Macron ne manqueront pas de s’attaquer à une caste qui leur a pourtant plutôt servi la soupe pendant cinq ans.
Les ministres d’Emmanuel Macron ne s’excuseront pas et fonceront pour défendre la gamelle. Marlène Schiappa l’a montré à l’Assemblé Nationale mardi après-midi affirmant « Je pensais qu’on était à l’Assemblée national pas à la rédaction de Télé loisirs ». Les journalistes de Télé Loisirs apprécieront…
Interview de @GDarmanin : “Je pensais qu’on était à l’Assemblée nationale, pas à la rédaction de @TeleLoisirs en train de commenter les émissions”, réplique @MarleneSchiappa au groupe LR.
> “Ça fait 5 ans qu’on supporte vos hurlements, vos remarques sexistes !”#DirectAN #QAG pic.twitter.com/p4JmEUo8xr— LCP (@LCP) February 8, 2022
Par le passé, Emmanuel Macron lui-même avait montré le peu de considération qu’il pouvait avoir pour la profession au Liban en s’attaquant au journaliste du Figaro Georges Malbrunot. Un désamour que même le très consensuel Parisien s’était permis d’évoquer.
Une chose est sûre, la campagne est lancée, et les lieutenants du président ne feront pas de cadeaux aux journalistes.