Nous avons consacré de nombreux articles à l’empire d’Arnaud Lagardère. Un empire dont certains secteurs (les Relay, les boutiques d’aéroport, Hachette) se portent bien mais qui rétrécit avec la déconfiture du pôle sportif, les ventes par appartements des magazines et un management erratique. Avec en toile de fond, l’appétit du fonds opportuniste américain Amber qui critique la gestion d’Arnaud Lagardère et son contrôle par le biais de la commandite. Et au moment où l’héritier de l’empire aurait du mal à finir ses fins de mois.
Le Crédit agricole en position d’arbitre
Fin 2007 Lagardère signe une convention de nantissement de ses actions dans la holding du groupe. Ces 7,26% du capital (qui lui assurent le contrôle de la société) sont apportés en garantie d’un prêt personnel du Crédit agricole, qui est aussi le banquier principal du groupe. En clair, si l’emprunteur ne peut rembourser, le prêteur saisit les actions et devient actionnaire de fait.
Pour que l’emprunteur puisse rembourser, il doit d’un côté conserver un équilibre entre le solde de la somme empruntée (160M€) et la valeur des actions nanties et de l’autre percevoir des dividendes pour assurer les échéances de remboursement. Or, début 2020, ça coince des deux côtés. D’une part la valeur de Lagardère s’est effondrée en bourse, les parts d’Arnaud ne valent fin mars 2020 qu’environ 120M€ face à une garantie de 160M€. Pire, les pressions d’Amber et celles des pouvoirs publics entraîneraient la suppression du versement du dividende pour 2020, une perte sèche supérieure à 10M€ pour Arnaud Lagardère.
Arrivée des crocodiles
Quand un poisson mal en point (Arnaud Lagardère) est menacé par un brochet carnivore (Amber) il peut avoir recours au garde-pêche (le Crédit agricole) mais aussi appeler de solides crocodiles à son secours. Premier crocodile : Nicolas Sarkozy qui doit rentrer au conseil de surveillance, un allié politique de poids. Est-ce Nicolas qui a suggéré à ses amis Marc Ladreit de Lacharrière et Bolloré de venir au secours d’Arnaud ? Ces derniers ont annoncé leur arrivée au capital, provoquant une certaine surprise et immédiatement une reprise du cours de bourse.
Un secours qui permettra peut-être d’éviter les dents du brochet Amber mais sans doute pas de finir dans l’estomac des deux crocodiles financiers, ces derniers n’ayant pas l’habitude de jouer les minoritaires ni les pots de fleurs.
Emmanuel Macron, dont Arnaud Lagardère est réputé proche (source La Lettre A) aura son mot à dire. Dans ce jeu complexe, Lagardère pourrait perdre sa commandite et les restes de l’empire pourraient se voir démantelés. Hachette, les Relay et les boutiques d’aéroport sont de jolies affaires qui peuvent intéresser beaucoup de monde. Verra-t-on Editis (Bolloré) croquer Hachette (Lagardère) ? Sans compter les médias, car Lagardère c’est aussi le JDD, Paris Match, Europe 1, des influenceurs politiques d’importance auxquels pourrait jeter un coup d’œil le propriétaire de Fimalac déjà très présent dans le digital et qui pourrait utiliser son savoir-faire dans tel ou tel média, papier ou radiophonique.
NB : Monsieur Ramzi Khiroun, porte-parole du groupe Lagardère, a porté plainte contre Claude Chollet, directeur de la publication de l’Ojim pour « injures publiques ». Cette plainte n’influence en rien les articles que nous consacrons au groupe Lagardère, propriétaire de médias (Paris Match, JDD, Europe 1). Voir notre article sur la plainte de M. Ramzi Khiroun.