Nous vous parlions fin 2020 de ce qui pourrait être une fable de La Fontaine ou une chanson de la regrettée Anne Sylvestre, « Le nain et les géants » avec Arnaud Lagardère dans le premier rôle et Vincent Bolloré et Bernard Arnault dans les seconds. L’éviction brutale du PDG d’Hachette par Lagardère signale que la fable approche de son dénouement.
Arnaud Nourry, un grand patron
Rentré il y a plus de 30 ans chez Hachette, Arnaud Nourry en est devenu le PDG en 2003, il en a fait un groupe puissant, bien géré, premier éditeur français, très international et qui a su échapper à la crise pandémique, un joyau. Plus de 70% de l’activité hors de France, 150 éditeurs au compteur, une croissance à deux chiffres en 2020, 2,4 milliards de chiffre d’affaires et 10% de résultat opérationnel, n’importe quel dirigeant serait fier de ces résultats. Mais…
Et un patron qui voulait garder son indépendance
Entre un vrai grand patron et son patron (Arnaud Lagardère) ayant un profil disons (soyons aimables) « plus dilettante », les relations étaient supposées compliquées, un peu de jalousie a pu effleurer. Surtout Arnaud Nourry (que d’Arnaud et Arnault dans ce bateau) s’était mis en travers d’accords possibles entre Bernard Arnault, Vincent Bolloré et Lagardère lui-même. Il avait déclaré qu’un rapprochement Editis/Hachette n’avait « aucun sens stratégique ». Il aurait même averti l’Élysée de ce danger et essayé de constituer une OPA avec des fonds d’investissement, risquant de troubler le jeu de monopoly de son patron, pressé par des dettes personnelles et les sollicitations de ses actionnaires.
Que va devenir Hachette ?
Arnaud Nourry – parti sans doute dans des conditions confortables – a été remplacé au pied levé par un proche d’Arnaud Lagardère, âgé de 72 ans. Le secrétaire général en titre a été nommé directeur général délégué. Et après ?
Première possibilité Editis intègre la quasi-totalité d’Hachette, Bernard Arnault mettant la main sur Paris-Match, le JDD et peut-être – à prix cassé – sur les boutiques de travel retail (boutiques d’aéroport) à l’arrêt depuis un bout de temps. Le sort d’Europe1 (où une procédure de licenciement collectif est en cours) est incertain et pourrait aller à l’un ou à l’autre. Deuxième possibilité, pour éviter une position dominante en France, Editis fait son marché, récupère certaines activités dans les pays anglo-saxons et un certain nombre d’éditeurs en France. Arnaud Lagardère toucherait entre 200 et 300M€ pour renoncer à la commandite et garderait peut-être un hochet honorifique. La fable se terminera en juin avec l’assemblée générale de Lagardère.
NB : Monsieur Ramzi Khiroun, porte-parole du groupe Lagardère, a porté plainte contre Claude Chollet, directeur de la publication de l’Ojim pour « injures publiques ». Cette plainte n’influence en rien les articles que nous consacrons au groupe Lagardère, propriétaire de médias (Paris Match, JDD, Europe 1). Nous avons plaidé une erreur de procédure le 1er avril 2021 devant la XVIIème chambre de Paris, jugement attendu mi-juin.